Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le combat contre les fausses informations, contre la manipulation des informations, est devenu nécessaire au regard des nombreuses dérives que l'on a pu constater au cours de récentes campagnes électorales dans notre pays. Les technologies ont évolué, et il appartient à la représentation nationale de faire évoluer aussi les textes. Ces manipulations, en plus de tromper les citoyens, font courir un risque à nos démocraties, qui ne peuvent tenir que par l'exigence de transparence, d'information, d'éthique que chaque acteur de la société est capable de transmettre et de diffuser. C'est pourquoi la déontologie journalistique et médiatique, l'information en général, sont essentiels au bon fonctionnement de nos institutions démocratiques. Il convient de leur donner les moyens de se protéger, parfois d'eux-mêmes. La défiance que l'on prête souvent aux Français envers leurs médias est largement surestimée si l'on s'attache à regarder à l'inverse la confiance qu'ils témoignent à l'égard de leur presse régionale et de proximité. Il convient donc de retisser le lien de confiance qui doit unir les citoyens aux organes qui les informent.
Ce lien a été distendu par l'arrivée en force des réseaux sociaux, qui assoient leur légitimité sur la massification de la diffusion de l'information, sans que celle-ci ait pu être traitée, éditorialisée, voire simplement vérifiée. Plusieurs médias sont même aujourd'hui spécialisés dans la diffusion d'une information orientée, soutenus souvent par des puissances étrangères qui usent de ce soft power pour étendre leur influence jusqu'à interférer parfois dans le déroulement des élections. Les propositions de loi que nous discutons aujourd'hui s'inscrivent dans cette optique. Comme nous l'avons dit de manière très explicite en commission, nous soutenons cette initiative qui vise à modifier le code électoral et est rendue nécessaire par les circonstances et les nouveaux acteurs médiatiques. Le Conseil d'État l'a d'ailleurs lui-même rappelé en estimant, dans son avis d'avril dernier, que « la limitation apportée aux principes constitutionnels de la liberté du commerce et de l'industrie et de la liberté d'entreprendre n'est pas disproportionnée au regard de l'objectif d'intérêt général [… ] ainsi poursuivi ».
L'examen en commission a par ailleurs considérablement fait évoluer le texte pour tenir compte des recommandations du Conseil d'État. Les dispositions essentielles sont préservées, renforcées et encadrées : citons la création d'une infraction, les actions en référé ou encore le devoir de coopération des plateformes.
Il importe toutefois de garder à l'esprit l'objectif d'efficacité que nous devons donner à ces dispositifs pour qu'ils puissent être facilement accessibles en cas de besoin. Au vu de la rapidité avec laquelle le juge doit se prononcer, il est nécessaire de lui accorder les moyens nécessaires. C'est pourquoi il nous semble essentiel de confier, dans le cadre d'une campagne électorale nationale, au seul tribunal de grande instance de Paris le soin de statuer sur les actions qui seraient portées, conformément à l'esprit initial de cette proposition de loi. En effet, cette disposition était clairement précisée dans la proposition de loi qui nous a été soumise au début du printemps.
Il était par ailleurs important de mieux encadrer les informations susceptibles, en période électorale, de faire l'objet d'un recours. La nouvelle rédaction, précisant qu'il s'agit bien de contenus d'information « d'intérêt général », nous semble répondre à cette exigence. La réponse pénale nous semble ainsi proportionnée, en laissant la latitude nécessaire à tout débat démocratique, à toute expression, même d'un idéal non encore vraisemblable, et il est bien évident que le juge saura faire la distinction avec une information manifestement fausse et dont l'objet est de nuire ou d'influer sur un scrutin. C'est d'autant plus le cas que le texte de la commission ne retient plus que les contenus d'information « se rattachant à un débat d'intérêt général », ce qui a son importance.
Enfin, les débats avec le ministère et en commission ne nous ont pas permis de faire émerger une réponse à une question que nous avions soulevée en commission des lois, à savoir l'extension des dispositifs aux élections locales qui, elles aussi, donnent parfois lieu à la circulation de fausses informations. Nous aimerions que ce sujet soit, à un moment donné, pris en considération. Il n'y a pas de petites et de grandes élections ; nous discutons ici des élections nationales, mais de fausses informations sont susceptibles de détourner un scrutin local.