Vous savez, le respect, dans cette assemblée, c'est fondamental : on peut défendre ses idées sans attaquer l'intégrité des personnes. Je pense que l'on devrait vous rappeler à l'ordre ; restons-en là.
Une enquête a été réalisée en 2016 par l'association Consommation, logement et cadre de vie : elle montre que dans les zones tendues, et plus particulièrement à Paris, 38 % des logements loués le sont à un prix supérieur au maximum autorisé par la réglementation. Il est très important d'avoir cela à l'esprit. Le montant du surcoût – c'est-à-dire du surloyer, de la spéculation : appelez cela comme vous voudrez – est de 115 euros par mois en moyenne. Il faut mettre ces chiffres en regard de la pénurie de logements, puisque vous voulez en construire énormément.
Vous avez adopté des dispositions autorisant à vendre en bloc des logements HLM, qui au bout de dix ou quinze ans pourront être rachetés par des fonds de pension. C'est automatique ! J'insiste sur ce point, parce que c'est peut-être ce qui nous choque le plus dans ce projet de loi. Il y a eu des débats internes, au sein du groupe majoritaire, sur la question de la vente aux fonds de pension. Certains ont cru – notamment M. Nogal – que ce ne serait pas possible. Mais en fin de compte, l'amendement qui a été présenté autorise les acheteurs de logements à HLM à les revendre individuellement au bout de quinze ou vingt ans. Ils pourront alors être rachetés par des fonds spéculatifs, ce qui portera préjudice aux locataires.
En zone tendue, où la spéculation locative est la plus forte, se trouvent non seulement des personnes capables de payer le prix du marché, parce qu'ils ont assez de revenus, mais aussi des personnes moins aisées, notamment les étudiants, qui doivent payer un loyer de 500 ou 600 euros alors qu'ils n'ont pas de revenus propres. C'est pourquoi, monsieur le ministre, il ne faut pas opposer l'encadrement des loyers et la construction de logements : il faut faire les deux en même temps.
Vous considérez qu'il faut expérimenter l'encadrement des loyers. À la limite, cela vous honore. Mais dans le dispositif que vous proposez, l'État se met de côté. Dans le dispositif institué par Cécile Duflot, l'État était directement impliqué, il jouait son rôle de régulateur ; avec vous, il se contente de dire aux communes : « Débrouillez-vous ! » Vous les laissez faire l'expérience, et si ça ne marche pas, on verra après.
Cette expérimentation me semble intéressante, mais il ne faut pas oublier que dans les zones tendues se trouvent à la fois des personnes qui ont les moyens de payer les loyers et des gens qui ne peuvent pas le faire en raison des abus locatifs, des spéculations de tout ordre. Cela nous oblige à instituer une certaine régulation : c'est le rôle de l'État. Je ne suis pas pour le tout-libéral, mais je ne suis pas non plus pour le « tout-segmentation » : il y a un équilibre à trouver entre les deux. À l'issue de l'expérimentation prévue par cette loi, nous pourrons peut-être faire évoluer notre droit de façon consensuelle. En tout cas, je considère qu'il faut absolument une régulation publique, pour protéger les petits, les personnes qui souffrent d'inégalités, de pauvreté, contre la spéculation.