Intervention de Général Jean-Pierre Bosser

Réunion du mercredi 19 juillet 2017 à 9h15
Commission de la défense nationale et des forces armées

Général Jean-Pierre Bosser, chef d'état-major de l'armée de terre :

Je vais répondre dans le sens inverse des questions, et garder le sujet sensible pour la fin…

Monsieur Folliot, dans le cadre du nouveau modèle, j'ai procédé à une réorganisation de l'armée de terre – avec deux divisions à trois brigades – et modifié le cycle de préparation opérationnelle. Et il est exact que pendant cette période, trois des six brigades ont vécu un cycle de préparation opérationnelle dense, mais un cycle de projection plus réduit.

Comme vous le savez, la 11e brigade parachutiste a fait partie de ces unités dont la projection extérieure a été très faible au cours de ces dix-huit derniers mois. Elle a fait beaucoup de missions Sentinelle, mais parallèlement, elle s'est beaucoup entraînée. J'en veux pour preuve que le général commandant la brigade est le seul général ayant commandé la 11e BP à avoir pu faire passer le cycle d'évaluation Antarès à l'ensemble des régiments de la brigade.

Il faut donc se méfier du ressenti, qui peut ne pas correspondre à la réalité. Bien que cette brigade ait été peu projetée, en revanche, elle s'est beaucoup entraînée. Je précise d'ailleurs qu'elle a une singularité, c'est sa capacité à se projeter par la troisième dimension.

Je reconnais par ailleurs qu'avec l'A400M, nous rencontrons un certain nombre de problèmes pour le largage de personnels, et que ces problèmes ne sont pas résolus aujourd'hui. Il faut néanmoins relever que les avions qui peuvent faire du largage, notamment les C-130 qui sont déployés dans la bande sahélo-saharienne, nous permettraient de mener des actions par la troisième dimension en cas de besoin.

Monsieur Pueyo, je n'ai aucune inquiétude à propos de Scorpion. Le marché a été notifié. Vous avez vu le premier Griffon défiler sur les Champs-Élysées à l'occasion du 14 juillet. Ainsi, le prototype existe, et la production est lancée. Si vous venez le 19 septembre à Satory, nous vous présenterons la maquette du premier Jaguar. Et vous connaissez l'intérêt des Belges pour ce programme Scorpion.

J'ai demandé aux industriels de s'exprimer sur leur capacité d'intensifier les livraisons de Scorpion, dans l'hypothèse où la ministre retiendrait finalement une approche économique nouvelle, qui consisterait à moins régénérer les VAB, et à se faire livrer plus vite les véhicules Scorpion qui les remplaceront.

Il ne s'agit pas de vous faire l'article, mais il faut reconnaître que Scorpion est un bijou, avec davantage d'autonomie et de puissance de feu. Mais surtout, entre reconstruire un véhicule qui a été conçu il y a quarante-cinq ans dans le cadre de la guerre froide, et se faire livrer des véhicules sur lesquels nous travaillons depuis quinze ans pour faire face aux combats les plus durs – qu'il s'agisse de la protection de nos soldats, de la protection contre les mines, de la détection à distance, de l'info-valorisation – il n'y a pas à hésiter. Sauf à être amoureux des véhicules anciens…

Enfin, Madame Dubois, la question du service national nous intéresse et nous préoccupe tout à la fois.

Elle nous intéresse beaucoup, parce que nous vivons au quotidien avec des jeunes, nous recrutons 15 000 jeunes chaque année. Le CEMAT a certes plus de cinquante ans, mais il vit en permanence avec des jeunes qui ont entre vingt et trente ans. La jeunesse est donc notre pâte quotidienne.

Par ailleurs, nous démontrons, au travers du service militaire adapté (SMA) et du service militaire volontaire (SMV), notre capacité à remettre debout certains jeunes et à leur redonner de l'autonomie pour pouvoir prendre un nouveau départ. Les garçons et les filles dont on s'occupe pendant trois ou cinq ans chez nous et qui repartent ensuite dans le monde civil n'ont aucun souci pour trouver un emploi, car ils sont très appréciés par les entrepreneurs et par les autres employeurs. Qualitativement, nous avons les compétences et le savoir-faire pour aider nos jeunes.

Mais c'est le volume qui peut poser problème. 700 000 jeunes, c'est dix fois la force opérationnelle terrestre ! Quel est l'impact d'une masse de 700 000 personnes sur une masse qui en fait 77 000 ? Que se passe-t-il lorsque l'on est percuté par dix fois son poids ? Si l'on nous dit qu'en cinq ans, nous aurons à former 700 000 personnes, comment ferons-nous ?

Pour répondre du mieux possible à votre question, je pense qu'il faut prendre les choses dans l'ordre. Premièrement, quelle est la finalité de ce service national ? Que veut-on apprendre à ces jeunes ? Deuxièmement, combien serons-nous à agir ? Les militaires seront-ils seuls dans cette affaire ? Est-ce une action interministérielle ? Sera-t-elle partagée avec d'autres ? Je pense qu'un partage des tâches serait judicieux.

Reste un dernier point qui va peut-être vous faire sourire, mais qui n'est pas anodin : la popularité ou l'impopularité que la défense pourrait tirer de cette action. Aujourd'hui, nous employons des engagés volontaires, qui acceptent l'entraînement et les contraintes du service. Avec un service national, on accueillerait des garçons et des filles qui, pour certains, viendraient chez nous un peu contraints et forcés. Pour ma part, je ne souhaite pas revenir à ce que l'on a pu connaître dans les années 1970 ou 1980… Quoi qu'il en soit, la popularité ou l'impopularité de notre armée aurait un impact sur notre capacité à encaisser ce choc dans notre écosystème.

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