Le coût des OPEX pour l'année 2017 s'est élevé à 1,327 milliard d'euros, chiffre qui atteint 1,542 milliard d'euros quand on y ajoute les missions intérieures – je pense à l'opération Sentinelle. Leur financement a été assuré par la provision de 450 millions d'euros prévue par la loi de finances initiale, par un décret d'avance du mois de juillet 2017 de 643 millions d'euros, par un autre décret d'avance, du mois de novembre, de 238 millions d'euros, par un collectif budgétaire, en fin d'année, de 75 millions d'euros et par 53 millions d'euros correspondant à des crédits non utilisés du titre 2 du budget du ministère et qui ont été utilisés pour le financement du surcoût des OPEX.
J'en viens au financement de 400 millions d'euros de la force conjointe du G5 Sahel. Il faut d'abord saluer l'engagement des Européens pour l'apport de deux fois 50 millions d'euros. Vous avez raison de souligner, Monsieur Lachaud, que l'Arabie Saoudite est un contributeur important puisque ce pays apporte une somme équivalente. Il faut surtout y voir le signe d'une prise de conscience du fléau que constitue le terrorisme au Moyen-Orient et en Afrique. Aussi, plutôt que de se montrer suspicieux, il faut au contraire se féliciter que ce financement ait été mis à disposition, d'autant qu'il est amené à ne satisfaire que des besoins exprimés par les pays du G5 Sahel. Autrement dit, ce n'est pas l'Arabie saoudite qui va déterminer à quoi les 100 millions d'euros qu'elle apporte vont être destinés, mais ce sont les utilisateurs qui vont définir ce dont ils ont besoin, pour l'essentiel des besoins d'équipement puisque les armées concernées, courageuses, sont très désireuses de combattre mais insuffisamment équipées pour être efficaces.
Le Yémen est évidemment un sujet de préoccupation majeur, tant la situation qui prévaut dans ce pays est catastrophique, en particulier au plan humanitaire. Les combats doivent être arrêtés le plus rapidement possible. Je sais que beaucoup de questions sont posées sur la manière dont la France exporte des armements. Je ne reviendrai pas sur le processus de contrôle de ces exportations d'armes. Je rappellerai simplement que le principe qui s'applique en la matière n'est pas celui de la liberté d'exportation, bien au contraire. Le processus est donc extrêmement encadré, pour le Yémen comme pour tous les autres pays, et il est en cours d'examen.
En ce qui concerne la formation des armées malienne et africaines, nous contribuons, à hauteur de 550 hommes, à EUTM Mali. Nous avons instruit plus de 11 000 soldats maliens et nous ouvrons progressivement ces formations à d'autres pays du G5 Sahel, contribuant ainsi à la régionalisation que nous préconisons par ailleurs. D'autres pays européens se joignent à nous ; c'est le cas de l'Espagne, de l'Italie – cela a été annoncé récemment – et de l'Allemagne. Si la France a donné l'exemple, celui-ci est donc désormais suivi. Le principal enjeu consiste à éviter que ces différentes actions – MINUSMA, EUTM, Barkhane, Force conjointe – ne soient menées de façon dispersée ; nous nous efforçons donc de les coordonner. L'autre enjeu, très important pour la Force conjointe, est de faire en sorte que ces forces comportent des unités dédiées qui capitalisent en quelque sorte sur la formation dispensée, afin que celle-ci ne s'évapore pas sous l'effet du turnover des soldats.
On m'a également interrogée sur la présence des Européens aux côtés de Barkhane. Je ne reviendrai pas sur les conditions dans lesquelles cette opération et celle qui l'a précédée, Serval, ont été lancées, mais il ne faut pas adopter un regard trop franco-français et sous-estimer la présence de nos partenaires européens à nos côtés. Dans le cadre de Barkhane, les Espagnols assurent un tiers des capacités de transport aérien, auxquelles les Allemands contribuent également. On ne peut donc pas dire, même si tout n'est pas parfait, que nos partenaires européens sont absents. Au Niger, lorsque nous nous y sommes rendus à la fin de l'année dernière avec le président de la République, des soldats allemands étaient à nos côtés. Bref, il y a une présence européenne au Sahel, en particulier aux côtés de Barkhane.
S'agissant de la Syrie, vous m'avez interrogée sur le rôle de la Russie et de la Turquie. La Russie, comme je l'ai dit dans mon propos introductif, a voté une résolution. Celle-ci prévoit qu'à la date de son adoption et pendant trente jours consécutifs, une trêve sera observée dans les combats. Or, le lendemain de l'adoption de cette résolution, nous avons constaté que les raids aériens se poursuivaient et étaient probablement opérés par des forces qui n'étaient pas uniquement syriennes. Quelques jours plus tard, la Russie a décidé, de façon unilatérale et indépendamment de la résolution 2401 du Conseil de sécurité de l'ONU, de décréter une trêve quotidienne entre neuf heures et quatorze heures pour permettre le passage de convois humanitaires et l'exfiltration des populations civiles. Mais cinq heures, c'est bien peu pour pouvoir assurer de manière effective le convoyage de cargaisons et de matériels humanitaires, qu'il s'agisse d'alimentation ou de médicaments. Pas plus qu'avant, il n'est possible de mener des opérations de façon satisfaisante dans ce temps limité.
Nous constatons donc que la Russie continue à participer aux bombardements de la zone de la Ghouta orientale et nous observons, avec désespoir, que cette trêve, qui est une forme de concession acceptée par la Russie alors même qu'elle n'applique pas la résolution de l'ONU, est totalement impropre à résoudre le problème.
Quant à la Turquie, elle privilégie une vision purement sécuritaire de ses propres frontières. Mais, comme je vous l'ai dit tout à l'heure, en procédant de la sorte et en adoptant une démarche agressive, elle fait le jeu du régime de Damas puisqu'en conduisant les Kurdes à passer des accords avec celui-ci, elle contribue à accélérer et à faciliter la reconquête par le régime de territoires qui n'étaient pas sous son contrôle complet et direct. Nous nous disions, il y a quelques semaines, que la reconquête territoriale et la lutte contre Daech étaient bien avancées, mais force est de constater que l'opération « Rameau d'olivier » ne les facilite pas et ne les accélère pas.
J'en viens à l'évolution du statut des femmes dans les armées. Si nous voulons vraiment voir la part des femmes dans les armées dépasser très significativement les 15 % actuels, il va falloir nous attaquer à des phénomènes extérieurs au périmètre du ministère des Armées et qui se situent bien en amont de son action. De fait, le ministère est tributaire de la composition des filières de formation. Or, malheureusement, les filles sont moins présentes que les garçons dans les filières scientifiques, qui constituent une part non négligeable du vivier dans lequel sont recrutés les officiers. Par conséquent, il va nous falloir jouer – et c'est le sens même des mesures qui ont été annoncées ce matin – sur un clavier beaucoup plus large que celui dont dispose le seul ministère des Armées.
Encore une fois, nous sommes tributaires d'un certain état de la société. À nous de faire en sorte que le ministère des Armées, non seulement ne crée pas de difficultés, mais facilite l'accession des femmes aux responsabilités. Toutefois, il ne peut pas se substituer aux ministères de l'Éducation nationale et de l'Enseignement supérieur – ou à nous tous, en tant que parents – pour éliminer les stéréotypes et montrer que l'ensemble des métiers, y compris ceux qui ne sont pas incarnés de façon clairement mixte – je pense au bâtiment ou à la mécanique, par exemple –, sont accessibles aux filles. À ce propos, j'ajoute – j'imagine que vous l'avez remarqué – que toutes les campagnes de recrutement des armées mettent en valeur des femmes dans des fonctions opérationnelles, précisément pour montrer non seulement qu'il n'y a pas de freins à l'embauche, mais que des missions qui, dans l'imaginaire collectif, demeurent masculines, s'ouvrent aux femmes.