Monsieur le président, madame la rapporteure, mesdames et messieurs les députés, je vous remercie de votre invitation et surtout de la mise en place de cette commission d'enquête, au moment de la discussion du projet de loi relatif à l'agriculture et à l'alimentation, qui nous laisse très largement sur notre faim. Nous y reviendrons, je vous présenterai notamment des propositions visant à renforcer le cadre réglementaire, à la fois européen et français.
J'articulerai ma présentation autour de trois thèmes. Le premier concerne l'alimentation et la santé. Le deuxième est relatif à la transparence. Je vous dirai deux mots sur la campagne « Arnaque sur l'étiquette » et vous présenterai des propositions. Enfin, troisième thème, les scandales alimentaires et la sécurité sanitaire – je ne m'étendrai pas sur ce sujet, l'ayant déjà traité lors de mon audition devant la commission d'enquête sur l'affaire Lactalis.
La question de l'alimentation et de la santé comporte deux aspects majeurs. D'une part, les substances toxiques pour la santé que l'on trouve dans les aliments industriels et, d'autre part, les aspects nutritionnels.
Nous le savons, nous sommes face à une épidémie de maladies chroniques mondiale : l'Organisation mondiale de la santé (OMS) et l'Organisation des Nations unies (ONU) l'ont identifiée. D'ailleurs, un Sommet se déroulera en septembre sur ce sujet, au cours duquel des engagements mondiaux de réduction des maladies chroniques doivent être pris. Le rôle de la France sera important.
Quinze à vingt millions de personnes sont touchées par ces maladies chroniques. Et un grand nombre de maladies sont concernées, comme le diabète de type 2 – 3 millions de personnes en France en souffrent, et 10 000 en meurent chaque année – et l'obésité.
Le coût de ces maladies est très important. Selon une estimation de la direction générale du Trésor, le coût social de la surcharge pondérale est de 20 milliards d'euros par an.
Ces maladies chroniques ne sont pas toutes dues à notre alimentation, bien évidemment. C'est la raison pour laquelle nous parlons de santé environnementale, dont il conviendrait d'avoir une approche intégrée. Une approche que nous avons appelée de nos voeux durant les États généraux de l'alimentation, et qui fait défaut, tant dans le plan d'action du Gouvernement tel qu'il est ressorti des États généraux, que dans le projet de loi actuel ; j'en profite donc pour le rappeler ici.
D'ailleurs, l'une des conclusions, que nous nous sommes battus pour faire adopter, de l'Atelier 8 des États généraux sur la sécurité sanitaire est qu'il doit y avoir un soutien politique à l'état des lieux de l'impact des substances chimiques sur notre alimentation et des recommandations qui en découleraient. Notre demande est que ce soit une mission parlementaire qui s'en charge. Je vous tends donc la main et la perche.
Si ces maladies chroniques ne sont pas toutes dues à la seule alimentation, nous disposons aujourd'hui d'une importante documentation sur ce sujet qui démontre que l'alimentation est l'un des vecteurs principaux – 80 % du problème étant dû au bisphénol A. Il convient donc de s'y attaquer, de ne plus faire l'autruche, car il s'agit bien d'un problème de santé publique !
Deux aspects sont à considérer : l'aspect nutritionnel et les substances dangereuses.
S'agissant de l'aspect nutritionnel, nous soulevons deux points : ce qui se trouve dans les produits et l'information accessible aux consommateurs. Deux points sur lesquels il faut travailler.
En ce qui concerne l'information accessible aux consommateurs, je salue l'initiative du Gouvernement français qui a relancé le Nutri-Score, un logo nutritionnel composé de cinq couleurs et de cinq lettres. L'objectif étant d'informer les consommateurs de la composition nutritionnelle des produits – gras, sucré, salé, etc.
Néanmoins, lorsque le règlement européen INCO, sur l'étiquetage des denrées alimentaires, a été adopté par le Parlement européen en 2011, l'industrie alimentaire agroalimentaire aurait dépensé, selon l'ONG Corporate Europe Observatory, un milliard d'euros en lobbying, à Bruxelles, pour faire échouer le projet et bloquer la demande d'instaurer un logo nutritionnel obligatoire en Europe ! Et ce avec succès, puisque le Parlement européen a renoncé à tout système contraignant. Je reviendrai sur ce sujet, Foodwatch portant fortement les projets de réglementation obligatoire à l'échelle européenne, afin que tous les consommateurs soient protégés avec les mêmes règles.
Aujourd'hui, la marge de manoeuvre est limitée par ce règlement et la France n'a pu que recommander un système volontaire. Il conviendrait donc, en premier lieu, de changer la réglementation européenne pour la rendre obligatoire. Par ailleurs, il faut savoir que toutes les entreprises ne jouent pas le jeu, même en France, au motif que l'adoption d'un système est basée sur le volontariat.
Foodwatch réclame un logo nutritionnel indépendant, développé par des scientifiques, hors influence de l'industrie, et reconnu pour son efficacité à informer les consommateurs ; coloré, il devra être mis à l'avant des emballages. Le Nutri-Score correspond à cette attente.
Alors que Nestlé, Coca Cola, Pepsi Co, Mondelez, Mars et Unilever, appelées les Big Six, étaient censées jouer le jeu, elles créent de la confusion en prétendant que le système Nutri-Score n'est pas le meilleur et en prônant un autre système. Un système par portions, pour que les couleurs tirent plus vers le « vert » et qu'elles puissent continuer à vendre leurs produits, au détriment de la santé publique. Les Big Six sont d'ailleurs devenues les Big Five, la marque Mars s'étant désengagée.
Nous dénonçons une telle pratique qui ne va pas dans le sens de l'intérêt général, qui démontre qu'une approche basée sur le volontariat n'est pas efficace. Il est dangereux de faire ce genre de pari.
S'agissant de la composition des aliments, on a constaté que depuis le Nutri-Score, un certain nombre d'entreprises ont déjà commencé à changer la composition des aliments ; c'est le côté vertueux du système.
Autre élément important : la protection de nos enfants. Un enfant sur six, en France, est en surpoids ou obèse. L'OMS recommande depuis très longtemps l'interdiction de la publicité et le marketing, sur tout support, des produits trop gras, trop sucrés et trop salés, qui ciblent les enfants. Une recommandation simple à appliquer, l'OMS ayant déjà déterminé les critères permettant de définir les produits trop gras, trop sucrés et trop salés. Nous pourrions également utiliser le Nutri-Score ; peu importe du moment que l'on se fonde sur des références scientifiques.
Nous pourrions donc simplement décréter qu'il est interdit de cibler les enfants. Je vous cite un exemple. Nous avons lancé une pétition contre Capri-Sun qui, à l'époque, mettait sur leurs petits sachets de jus de fruits, trop sucrés, les personnages du dessin animé Rio. Les dirigeants nous ont répondu qu'ils ciblaient non pas les enfants, mais les parents ! La même semaine de leur réponse, la marque sponsorisait le film Le Petit Spirou. On se moque vraiment du monde !
De nombreuses marques se vantent de leurs engagements volontaires – appelés le I U pledge – mais ne les tiennent pas. Mes collègues allemands ont réalisé une étude qui le démontre. Et nous voyons fleurir un grand nombre d'emballages, de jeux, qui incitent les enfants à consommer des produits trop sucrés, trop salés et trop gras.
Un amendement, visant à rendre obligatoire l'interdiction des publicités ciblant les enfants, a été notamment présenté par Mme Anne-Laurence Petel, mais il a malheureusement été rejeté. Je ne comprends pas. Nous allons donc continuer à appuyer cette demande, populaire et efficace, qui vise à protéger la santé des enfants.
Alors je comprends bien qu'il peut y avoir un problème s'agissant de la redevance télé ou du contrôle d'internet, mais tout cela me paraît contournable. Je suis sûre que le Gouvernement peut trouver des solutions, si les élus portent cette demande. Je rappelle le coût social de la surcharge pondérale : 20 milliards d'euros.
L'autre condition pour avoir une alimentation saine est de supprimer les substances toxiques. Or que trouvons-nous aujourd'hui dans nos assiettes ? Du glyphosate, ainsi que des résidus de beaucoup d'autres pesticides, des perturbateurs endocriniens, des huiles minérales – des dérivés d'hydrocarbures, contre lesquels une campagne européenne est menée depuis 2015 –, des nanoparticules, plus de 320 additifs… Des additifs autorisés alors que beaucoup d'entre eux sont controversés car déclarés dangereux pour la santé ; mais le principe de précaution n'est pas appliqué.
D'une part, ces additifs ne sont toujours pas affichés clairement – qui sait ce qu'est le E460, par exemple ? Personne. Et, d'autre part, les additifs dont on sait qu'ils sont dangereux pour la santé, comme le nitrite de sodium, n'ont pas été supprimés.
S'agissant des nanoparticules, un amendement a été déposé dernièrement visant à interdire le dioxyde de titane ; c'est très bien, mais grandement insuffisant.
La création de votre commission est donc extrêmement utile, car elle nous donne l'occasion de se poser les questions suivantes : que se passe-t-il dans le processus de fabrication des produits alimentaires ? Quelles sont toutes ces substances qui sont potentiellement dangereuses pour la santé ? Sont-elles vraiment nécessaires ? Ou bien peut-on tout simplement les supprimer ?
Des propositions d'étiquetage ont été présentées pour obtenir plus de transparence sur le nombre de produits phytosanitaires. J'y suis favorable, bien évidemment. Mais l'objectif, in fine, devrait être de sortir de la production agroindustrielle les substances dangereuses pour la santé des consommateurs. Point ! Il ne devrait n'y avoir aucun autre débat !
Qui a déjà entendu parler des huiles minérales ? En français, ces mots ne font pas très peur. Pourtant, les huiles minérales sont des dérivés d'hydrocarbures. Voilà des années que l'industrie agroalimentaire sait que ces substances, dont les mineral oil aromatic hydrocarbons (MOAH) qui sont les plus dangereuses, sont reconnues comme potentiellement cancérogènes, mutagènes et perturbateurs endocriniens.
La bonne nouvelle, c'est que tout le monde s'accorde sur leur dangerosité, l'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) comme l'Agence nationale de sécuritaire sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES).
La mauvaise, c'est que l'industrie alimentaire sait depuis des années que les aliments contiennent ces huiles minérales, tout comme les responsables politiques. Mais rien n'est fait. C'est la raison pour laquelle nous avons décidé, à la fin de l'année 2015, de procéder à des tests en laboratoire sur 120 produits, dans les trois pays où nous sommes présents : Allemagne, Pays-Bas et France. Sur ces 120 produits, 42 étaient français ! Les résultats des analyses, réalisées avec une méthodologie transparente, que nous avons publiée et qui n'est contestée par personne, sont clairs : 60 % des produits achetés en France étaient contaminés par les MOAH. Nous parlons là de produits secs, tels que les lentilles ou les céréales, emballés dans des cartons. Or, mauvaise nouvelle, la première source de contamination sont les emballages recyclés – ce n'est, bien sûr, pas la seule source de contamination. Attention, nous sommes favorables au recyclage, là n'est pas la question. Bonne nouvelle : il existe des solutions.
Cependant, aucune réglementation n'existe, ni européenne ni française. Nous avons donc lancé un débat public sur ce sujet, et contacté toutes les entreprises concernées par nos tests. Eh bien, fin 2016, six des plus grands distributeurs en France se sont engagés à supprimer les MOAH détectables et, en plus, à établir un seuil pour la catégorie la moins dangereuse ; ce seuil a, depuis, été déterminé avec des scientifiques. Nous suivons leur plan d'action et je dois dire qu'ils s'y tiennent.
La question qui se pose aujourd'hui est la suivante : pourquoi le Gouvernement français, malgré nos alertes, nos propositions et nos échanges avec les différents ministères, n'a pas encore adopté un arrêté interministériel, pour ensuite porter cette question au niveau européen ? Car depuis notre campagne, la Commission européenne est en train de rassembler des données, de travailler sur la méthodologie – beaucoup trop lentement à notre goût.
S'il n'y a pas que le glyphosate dans la vie, celui-ci est emblématique. Nous avons lancé, voilà dix jours, avec une trentaine d'organisations, une pétition pour interdire le glyphosate ; nous avons déjà recueilli plus de 200 000 signataires. Les citoyens, les consommateurs veulent un signal démontrant que leur santé est prise en compte.
Les aspects économiques sont très importants, personne ne le nie. Mais l'argument économique est toujours celui qui nous est adressé lors de nos échanges avec les entreprises, les ministères et les parlementaires. Or nous aimerions bien que l'argument santé publique prime. Il est indispensable de le remettre à sa juste place dans l'équation, car il est de la responsabilité, in fine, des autorités publiques d'assurer la santé des citoyens.
Alors, oui nous demandons l'interdiction du glyphosate, oui nous demandons un engagement du Président de la République, car il est essentiel d'envoyer un signal très fort. Il n'y a aucune raison de continuer à s'empoisonner.
Je rappelle que l'Union européenne n'a pas décidé de supprimer le glyphosate, puisqu'elle a renouvelé son autorisation pour cinq ans, affirmant qu'il fera ensuite l'objet d'un débat.
Je n'insisterai pas sur l'impact de l'alimentation sur notre santé, et notamment sur celle des personnes les plus précaires.
J'en viens à la transparence. Je vous parlerai des deux aspects principaux. Le premier, c'est le règne de la désinformation dans les supermarchés. Nous nous efforçons d'enquêter, de dénoncer et de démontrer publiquement que différents emballages de produits induisent les gens en erreur, car ce n'est pas acceptable. Et l'une des raisons pour lesquelles cela arrive encore, c'est parce que la marge de manoeuvre donnée aux fabricants et aux distributeurs est trop grande. Des recommandations politiques doivent être prises pour réduire cette marge de manoeuvre.
À Noël, nous avons épinglé Coraya qui avait mis en vente des surimis « goût homard ». Or il n'y en a pas dedans ! Même pas d'arôme de homard, rien. Uniquement des produits artificiels. Pourtant, la marque les vend plus cher que ses surimis classiques. On se moque là vraiment des consommateurs, je dirai même qu'on les vole.
Mais ce qui est encore plus incroyable, c'est que cela est légal, puisque permis par la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) dans sa doctrine sur les arômes.
Nous dénonçons ce type de pratiques, aujourd'hui légales, mais non légitimes. D'autant qu'une réglementation européenne relative à l'alimentation indique bien que les consommateurs ne doivent pas être induits en erreur. Il est temps de muscler notre arsenal européen – nous travaillons sur le règlement 1782002, la bible de l'alimentation au niveau européen –, mais également français. Car les industriels poussent aussi loin que la loi le leur permet.
La transparence concerne également la gestion des scandales, la publicité des contrôles, etc. Des efforts doivent être réalisés sur la transparence de façon générale autour de l'alimentation.
Je finirai par deux points, qui sont des fils rouges.
Je l'ai déjà mentionné, mais je voudrais revenir sur la question de l'autorégulation. Concernant la marge de manoeuvre qui est laissée aux entreprises sur l'étiquetage, il existe aujourd'hui de nombreux codes. Connaissez-vous le code de la dinde ? Le code de la charcuterie ? Ou encore le code de la soupe ? Ce sont des codes qui ont été définis par l'industrie elle-même, par les filières, et que les autorités de contrôle acceptent. Quand la DGCCRF effectue un contrôle dans les usines pour vérifier la fabrication des produits, elle le fait sur la base de ces codes.
Nous avons lancé une pétition, il y a quelques semaines, contre la marque Isla Délice qui affiche « goût boeuf »« goût veau » alors que les produits n'en contiennent pas. Bien entendu, nous vérifions toujours les informations que nous publions, par rapport aux cadres européen et français – car parfois des arrêtés donnent un cadre pour la production de certains produits.
Or ces codes, qui sont définis par l'industrie, ne sont pas accessibles au public ; il faut les acheter. Des produits industriels alimentaires sont donc fabriqués sur la base de codes définis par l'industrie et qui ne sont pas accessibles aux consommateurs. C'est tout simplement aberrant.
Par ailleurs, l'autorité publique règlemente de moins en moins, au motif qu'il faut responsabiliser les acteurs de l'industrie agroalimentaire et donc leur faire confiance. C'est ce que nous avons encore entendu ces derniers jours au cours du débat sur le projet de loi agriculture et alimentation. C'est très inquiétant.
En 2008, un arrêté qui réglementait la soupe a été supprimé. Et derrière, le code de la soupe est apparu. Cette tendance, qui consiste à de moins en moins réglementer, alors que les autorités publiques sont responsables de la santé des consommateurs, pour déléguer ces services aux acteurs privés, qui de fait, se retrouvent en situation de conflit d'intérêts – car leur intérêt est de vendre toujours davantage –, n'est pas acceptable et extrêmement préoccupante.
Je profite donc de cette audition pour vous alerter, vous parlementaires, car vous avec le pouvoir de légiférer. Ces derniers jours, le ministre de l'Agriculture n'a cessé de parler de responsabiliser les acteurs privés. Je suis bien évidemment d'accord pour dire que chacun doit jouer son rôle. D'ailleurs, notre ONG a joué le sien lors des États généraux de l'alimentation et de l'élaboration du projet de loi. Nous avons créé la Plateforme citoyenne pour la transition agricole et alimentaire ; nous avons présenté des propositions ; nous avons utilisé beaucoup de nos ressources pour participer aux États généraux de l'alimentation.
Le projet de loi actuellement en discussion relatif à l'agriculture et à l'alimentation est extrêmement faible. Quand la partie « alimentation saine » est arrivée sur la table des discussions, nous sommes restés positifs, nous avons retroussé nos manches et travaillé avec un certain nombre de parlementaires pour la renforcer par des propositions d'amendements. Or 90 % des propositions ont été retoquées ; nous n'avons pas compris.
Concernant l'interdiction de la publicité de produits trop sucrés, trop salés et trop gras, qui concernerait les enfants, l'argument a été le même : responsabiliser les acteurs. Alors oui, il y a le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA), et les chaînes s'inquiètent, mais trouvons des solutions, car il y en a.
À la fin du mois de juin, les acteurs de l'industrie alimentaire sont censés revenir vers le Gouvernement pour proposer des chartes alimentaires musclées. Eh bien je suis désolée, mais ce n'est pas leur rôle ; c'est celui de l'autorité publique que de protéger la santé des enfants.
Je terminerai sur la gouvernance. Un sujet que nous avons soulevé lors des États généraux de l'alimentation. Aujourd'hui, il est très compliqué de rencontrer des responsables politiques pour discuter d'alimentation saine et formuler des propositions.
Pour débattre des huiles minérales, nous avons rencontré, depuis fin 2015, les ministères de l'économie, de la santé, de l'écologie et de l'agriculture, mais nous n'avons jamais tenu une réunion tous ensemble. J'ai d'ailleurs beaucoup de mal à savoir aujourd'hui où ils en sont.
La question de l'alimentation saine est donc éclatée entre quatre ministères. Et le ministère de l'agriculture ne peut pas être impartial, puisqu'il a d'autres enjeux à prendre en considération, tels que les intérêts économiques de l'industrie agroalimentaire.
Nous invitons donc de nos voeux – Foodwatch, mais également d'autres associations de la société civile également impliquées – la mise en place d'une gouvernance interministérielle efficace, pour traiter de cette question transversale. Bien entendu, nous incorporons dans cette gouvernance la politique commerciale. Mais nous avons besoin de cohérence dans les politiques publiques aujourd'hui.
Nous avons trouvé un grand nombre de points intéressants dans la Stratégie nationale de santé publique qui a été publiée en janvier. Et Emmanuel Macron s'est engagé à fonder son approche de la politique de santé davantage sur la prévention – un engagement qui, parfois, est en opposition avec les positions avancées par le ministre de l'agriculture.
Cependant, les accords commerciaux qui ont été signés par la France, comme le CETA, vont totalement à l'encontre de cette stratégie nationale. En effet, en signant de tels accords, vous ne pourrez plus, mesdames et messieurs les parlementaires, garder la même marge de manoeuvre pour légiférer. Je vous l'affirme. Et je suis à votre disposition pour en parler à une autre occasion.
À ceux qui vous disent le contraire, je vous propose de leur poser la question suivante : montrez-moi dans le texte ce qui garantit le principe de précaution ? Montrez-moi dans le texte que l'on pourra, demain, si on le décide, interdire le glyphosate en France ?
Le Canada a abordé ce sujet dès la première réunion du Comité sur les produits phytosanitaires. Ils n'ont pas du tout envie que nous interdissions le glyphosate un jour. Et pour cela, ils vont utiliser tout ce qui est légal pour diminuer, voire supprimer notre marge de manoeuvre.
Je ne veux pas m'étendre sur ce sujet, mais nous nous devons de mettre en perspective la question de notre politique commerciale et celle des accords de commerce. Parce que nous ne pouvons pas, d'un côté, prétendre vouloir prendre un certain nombre de décisions, et, de l'autre, se tirer une balle dans le pied en signant des accords qui vont nous en empêcher. Sachant par ailleurs que l'alimentation en sera tout particulièrement impactée – je ne parlerai pas du soja, des activateurs de croissance, etc.