Intervention de Karine Jacquemart

Réunion du mercredi 30 mai 2018 à 11h00
Commission d'enquête sur l'alimentation industrielle : qualité nutritionnelle, rôle dans l'émergence de pathologies chroniques, impact social et environnemental de sa provenance

Karine Jacquemart, directrice générale de Foodwatch France :

Concernant les huiles minérales et les tests que nous avons réalisés, en effet, les produits achetés en Allemagne étaient beaucoup moins contaminés. La raison est simple : un projet de loi est en cours de préparation en Allemagne depuis des années sur ce sujet ; les industriels ont donc anticipé. C'est exactement ce que nous vous demandons de faire : donner le cap. Et croyez-moi, l'industrie s'adaptera. D'autant que tous les industriels que nous avons rencontrés sur ce dossier sont favorables à une réglementation – nous avons mis sur notre site tous les logos de ces industriels.

En France, il nous a été dit pendant plus d'un an qu'il fallait attendre l'avis de l'ANSES – alors que nous avions celui de l'EFSA. Aujourd'hui, nous connaissons l'avis de l'ANSES et il est extrêmement clair : il reprend tout ce que nous disons, nous, les scientifiques et les toxicologues, sur la dangerosité des produits – ils reprennent même les solutions.

Nous demandons au législateur de donner une impulsion et de définir les objectifs. Un arrêté interministériel suffirait. Je sais que les ministères travaillent, nous avons rencontré beaucoup de monde et j'ai encore, dernièrement, sollicité un rendez-vous avec la nouvelle directrice de la DGCCRF… mais nous attendons. Et cela commence à prendre trop de temps.

S'agissant des nouvelles solutions, Open Food Facts est une base de données accessible à tous et donc très utile. L'application Yuka également, des millions de personnes l'utilisent tous les jours. Cependant, nous ne devrions pas en avoir besoin – et que mes amis de Yuka me pardonnent de dire cela. Nous ne devrions pas avoir besoin, lorsque nous faisons nos courses, d'une application pour savoir si tel ou tel produit est dangereux, ou pas, pour notre santé et celle de nos enfants. C'est fou ! Le consommateur devrait pouvoir acheter et consommer sans se poser cette question. Et il appartient aux autorités publiques de s'assurer qu'il ne se la pose pas.

Alors ces alternatives sont utiles parce que nous marchons sur la tête et que certains produits sont dangereux, mais l'objectif est bien de s'assurer que l'on n'en a pas besoin ; que notre alimentation n'est pas dangereuse et que l'information est claire et transparente.

S'agissant de l'étiquetage, Foodwatch International demande que le système soit décidé par des scientifiques, de façon indépendante, qu'il y ait une information claire, colorée, à l'avant de l'emballage pour que tout le monde puisse y avoir accès.

Le Nutri-Score répond à cette demande. Un système existe depuis un certain temps en Grande-Bretagne : les traffic lights – les feux tricolores. Un système que nous soutenions pour l'introduire dans le règlement européen de 2011. Depuis, le règlement a changé les critères nutritionnels utilisés par ces fameux traffic ligths, sous l'influence du lobby de l'industrie alimentaire. Les critères concernant le sucre, par exemple, ont augmenté ; ils sont plus favorables à l'industrie. Un verre de Coca Cola, par exemple, qui a pourtant un taux de sucre phénoménal, n'est plus rouge !

Nous soutenions les traffic ligths avant le changement de critères, aujourd'hui, nous soutenons le Nutri-Score. Peu importe d'ailleurs, nous souhaitons juste un étiquetage qui soit clair, honnête et qui informe le consommateur.

Malheureusement, les fameux Big Five ont eux aussi détourné les feux tricolores, en proposant une approche par portion. Nous nous sommes procuré leurs documents de travail et avons pu voir clairement, par les algorithmes utilisés, que la couleur rouge est devenue orange, et que l'orange est devenue verte. Leur intérêt est de continuer à vendre et non pas de donner une information claire.

Aujourd'hui, en Europe, un débat existe s'agissant des feux tricolores et du Nutri-Score. La Commission européenne doit rendre à la fin de l'année un rapport qui recensera les différents systèmes existants. Je ne pense pas qu'elle recommande un système plutôt qu'un autre, il appartiendra aux États membres de choisir.

Mais l'Europe a besoin d'un système indépendant et obligatoire. Si le Nutri-Score est choisi, tant mieux, car ce système fonctionne. Plus de 40 entreprises en France l'ont adopté et il est scientifiquement validé.

Enfin, pour en finir avec le Nutri-Score, Olivier Véran a soutenu un amendement visant à afficher le Nutri-Score sur l'ensemble des publicités ; il a été rejeté.

Concernant les codes et le secret des recettes, nous pourrions évoquer le projet de loi sur le secret des affaires, avec lequel nous ne sommes à l'aise, vu les risques de museler un certain nombre d'informations d'intérêt général.

La majorité des codes ne sont pas des recettes secrètes, il s'agit simplement, par exemple, de déterminer quelle quantité de sel est acceptée pour appeler tel produit « soupe ». Une terrine de canard, par exemple, peut s'appeler « terrine » à partir du moment où elle contient minimum 20 % de canard. Eh bien, si vous prenez le temps de regarder toutes les terrines mises en vente dans un supermarché, vous constaterez qu'elles contiennent rarement 20 % de canard.

Il me semble donc qu'un certain nombre d'informations ne mettent pas en péril le secret des recettes. Je dirais même que les informations que nous n'avons pas aujourd'hui ne mettent personne en péril et auraient un grand intérêt pour le consommateur.

Je le répète, tout le monde a un rôle à jouer. Les fabricants ont aussi un rôle à jouer. S'ils veulent créer des codes, qu'ils le fassent, mais qu'ils soient transparents et sous la supervision de l'autorité publique qui doit s'assurer que, du point de vue de la santé publique, ils ne sont pas en contradiction avec les recommandations de l'OMS.

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