Intervention de Olivier Lapôtre

Réunion du lundi 28 mai 2018 à 15h00
Commission d'enquête chargée de tirer les enseignements de l'affaire lactalis et d'étudier à cet effet les dysfonctionnements des systèmes de contrôle et d'information, de la production à la distribution, et l'effectivité des décisions publiques

Olivier Lapôtre, membre du Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) et président du Syndicat national des inspecteurs en santé publique vétérinaire (SNISPV) :

Si vous le permettez, je vais faire une brève présentation de notre syndicat qui permettra d'aborder certaines des questions posées.

Tout d'abord, je soulignerai le fait que notre taux de syndicalisation est assez élevé par rapport à ce qui est couramment constaté dans la fonction publique. Entre la moitié et les deux tiers des ISPV et des vétérinaires inspecteurs contractuels sont syndiqués. Les vétérinaires inspecteurs contractuels jouent un rôle très important dans notre dispositif de contrôle. Au sein des directions départementales de la protection des populations (DDPP) et des directions départementales de la cohésion sociale et de la protection des populations (DDCSPP), ils peuvent représenter parfois plus de la moitié des effectifs de vétérinaires. Ils sont quasiment les seuls vétérinaires à intervenir dans les abattoirs car les ISPV assurant ce type d'inspection sont très rares. Notre système repose donc beaucoup sur ces agents contractuels.

On dénombre un peu moins de 250 contractuels, ayant une ancienneté d'environ deux ans de contrôle dans l'administration, pour 500 ISPV titulaires. Ces 500 titulaires se répartissent en 90 % de vétérinaires et 10 % de personnes devenues ISPV par la voie interne. Ces dernières ne peuvent pas faire des certifications ou des opérations de saisie, liées au diplôme vétérinaire, mais elles peuvent encadrer des équipes et exercer d'autres missions dans lesquelles elles jouent aussi un rôle indispensable.

Depuis quelques années, sous l'effet de la vague de « déprécarisation », quelque soixante personnes ont été titularisées mais le nombre global d'ISPV titulaires n'a pas augmenté puisque le mouvement a seulement compensé les départs en retraite. C'est déjà beaucoup de compenser les départs en retraite depuis quelques années. Entre 2004 et 2014, les effectifs avaient baissé de 1 400 personnes. Le vice-président, qui est rapporteur du programme de son site, doit pouvoir disposer de chiffres encore plus précis que les miens. Seulement 180 recrutements ont été effectués au cours des années 2015, 2016 et 2017. Il faut savoir qu'en 2013, les effectifs avaient diminué de 120 personnes dans le programme 206, « Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation », qui regroupe les services vétérinaires et les services phytosanitaires.

La loi organique relative aux lois de finances (LOLF) a un énorme avantage : elle a permis d'identifier les moyens humains et financiers dans le même budget, ce qui a représenté pour nous une nette amélioration par rapport à la situation qui existait avant 2005. La LOLF permet de visualiser les chutes d'effectif dans l'administration centrale et dans les services déconcentrés de terrain. Il n'y a pas eu de gagnant. Tout le monde a vécu les réductions d'effectif qui ont commencé un peu avant la révision générale des politiques publiques (RGPP) et qui se sont accrues par la suite.

La création des directions départementales interministérielles (DDI) a un peu pallié ces diminutions d'effectifs. Des équipes d'une dizaine de personnes ou moins ont été regroupées avec des équipes d'une quinzaine de personnes et avec des gens dont les métiers étaient assez éloignés. Ce n'est peut-être pas idéal en termes de cohésion sociale mais, au moins, cela a permis d'atteindre une taille critique – qui n'existait parfois plus – en matière de fonctions support et de logistique.

Chez nous, les effectifs atteignaient rarement moins d'une quinzaine de personnes mais, dans les services départementaux de l'économie des départements ruraux, ils étaient malheureusement souvent inférieurs à ce seuil. Dans les fonctions support, on a réalisé une certaine mutualisation. Mon collègue reviendra sans doute sur le sujet car, en tant que directeur départemental adjoint, il mesure, au jour le jour, les avantages et inconvénients de tels rapprochements.

Dans le cas de Lactalis, cette globalisation des moyens et la mise sous autorité unique des services de contrôle au niveau opérationnel – le département – ont représenté un énorme avantage. La tour de séchage de Lactalis déshydratait du lait mais aussi des céréales. La majorité des malades a été contaminée avec le Picot Pepti-Junior, un produit dérivé du lait, qui ne nécessitait pas d'agrément sanitaire en tant que tel parce qu'il est fabriqué à partir de protéines de lactosérum hydrolysé. C'est un produit issu du lait qui, une fois reconditionné et mélangé à autre chose, n'est pas soumis à un agrément sanitaire. Sa pasteurisation est soumise à l'agrément mais pas le reste du processus. M. Gilles Salvat, de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) et Mme Deflesselle, de la DGCSPP de Mayenne, ont effleuré ce sujet au cours de leurs auditions respectives.

Globalement, l'atelier était contrôlé sur le plan sanitaire par les services vétérinaires. Cette fois-ci, on n'a donc pas eu, au niveau local, de « renvoi de balle » entre services, l'un disant avoir contrôlé la partie des produits purement laitiers mais pas le Picot Pepti-Junior, un produit hydrolysé qui aurait été uniquement du ressort de la DGCCRF. Au moins, on avait une unité opérationnelle de contrôle.

Dans le passé, il a fallu faire travailler un service départemental dépendant du ministère de l'économie avec un service départemental dépendant du ministère de l'agriculture, chacun ayant deux directeurs différents appartenant vraiment à deux chaînes hiérarchiques différentes.

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