Le survol des centrales belges par des drones est moins connu que le survol systématique organisé par on ne sait qui en France. Mais nos centrales ont également été survolées : la centrale de Doel en décembre 2014, la centrale de Tihange en mars 2015. Sont-ce des survols amateurs, ou sont-ils structurés et coordonnés ? On ne sait. Personnellement, je suis plus inquiet par des chutes intentionnelles d'avions que par le survol des drones. Le survol par les drones ne signifie pas une totale absence de risques, mais, dirons-nous, le risque direct est limité.
Le poids que porte un drone est faible. Bien sûr, tout dépend de la nature de ce qu'il transporte et où il largue son contenu. Un explosif classique n'aurait que peu d'impact. En revanche, un drone peut capter une série d'informations et perturber les systèmes en place. J'ai moi-même survolé une centrale en hélicoptère ; à cette occasion, j'ai noté que des informations pouvaient être récupérées.
Ainsi que mon travail a pu le mettre en lumière, je crois que les avions présentent un plus grand que les drones. Les centrales ne sont pas en mesure de résister à une chute intentionnelle. Bien que ce ne soit pas aisé, quelqu'un de bien informé et de bien formé peut atteindre les piscines ou les réacteurs. S'agissant des drones, j'attends les résultats des enquêtes, en France comme en Belgique. À ce stade, je ne dispose pas de l'information suffisante pour affirmer que le risque est imminent et considérable, tout en constatant qu'il n'est ni sain ni bon que les centrales soient survolées.
La Belgique a longtemps retraité ses combustibles usés en les envoyant à La Hague. Depuis 2017, elle les a rapatriés sous forme vitrifiée. Après que les combustibles sont passés en piscine de désactivation, le stockage temporaire en Belgique est organisé de manière différente à Doel et à Tihange. À Tihange, le stockage s'opère dans les piscines, ce qui est moins sécure qu'à Doel où l'on procède à un stockage à sec.
En 2023, les piscines de Tihange seront saturées. D'ici là, Engie-Electrabel doit imaginer des projets d'agrandissement des sites de stockage ; elle y travaille d'ores et déjà. L'opérateur évolue vers le mode de stockage à sec, y compris pour la partie complémentaire et nécessaire à la centrale de Tihange. Je pense également, pour ma part, que le stockage à sec est plus sécurisé, mais je veux surtout faire remarquer que l'opérateur lui-même penche en faveur de cette solution, qu'il mettra en oeuvre une fois que le projet sera déposé et que les accords seront donnés par l'AFCN, qui formulera certainement des critiques sur le projet lui-même. Le principe même du stockage à sec est plus sûr et c'est dans cette direction que l'on s'engage, même si l'aéroport est construit à quelques kilomètres de la centrale de Tihange qui se situe dans l'axe de survol.
La Belgique met actuellement la dernière main à un pacte énergétique qui sera publié en juillet et qui consolide la décision « du Vendredi saint ». Même si la Belgique n'est pas un pays plus religieux qu'un autre, tous les grands accords politiques portent le nom d'une fête religieuse. Toujours est-il que ce pacte énergétique en projet, qui est intervenu le vendredi précédant Pâques, prévoit le déploiement des énergies renouvelables et le recours au gaz pour assurer la transition. C'est un défi, mais il peut être relevé. Voilà un an, le gestionnaire de réseau de transports Elia a remis une étude très détaillée sur la possibilité de respecter, malgré le retard pris, le calendrier de la loi que les écologistes ont fait voter en 2003, laquelle prévoyait de sortir du nucléaire en 2025 et de remplacer 50 % d'électricité nucléaire par une montée en puissance du recours aux énergies renouvelables et une montée en puissance du gaz jusqu'en 2040-2045. Certes, les émissions de CO2 progresseront légèrement. N'oublions pas cependant que l'électricité n'est qu'une partie de l'énergie utilisée et que la production du Co2 est pour l'essentiel le fait d'autres productions que la production électrique. L'utilisation du gaz pour produire de l'électricité émettra un peu plus de CO2, mais ce surplus sera compensé par le travail réalisé par ailleurs, notamment par l'électrification croissante dans le domaine du chauffage, l'utilisation des pompes à chaleur, et la mobilité. Le CO2 diminuera bien plus sur ce volet, ce qui permettra de respecter l'Accord de Paris. J'ose espérer que la COP 24 prendra des mesures pour combler le gap entre l'engagement pris par l'Accord de Paris de ne pas augmenter sur un siècle la température de 1,5 ou 2 degrés Celsius et la tendance actuelle qui se situe à 3,5 ou 4 degrés. Je pense que l'on devrait retenir la proposition de la Suède et des Pays-Bas, qui reste techniquement compatible avec notre plan de sortie nucléaire.
J'ai effectué un petit travail que j'ai envoyé au Gouvernement en lui proposant trois scénarios pour, à la fois, quitter le nucléaire en 2025 et l'énergie fossile en 2050 : un scénario terre, un scénario mer et un scénario soleil. Nous avons toujours besoin d'éolien on shore et off shore et de panneaux solaires ; mais, en jouant davantage sur l'une ou l'autre voie, on dégage trois scénarios possibles qui montrent comment la Belgique peut sortir du nucléaire et des énergies fossiles en recourant au gaz pour la phase de transition. Je peux vous remettre ce document chiffré à l'échelle de la Belgique. Il ressort que si nous sommes ambitieux et si un consensus politique se dégageait, nous pourrions avancer. De ce point de vue, nous créons des alliances industrielles en Belgique avec les Allemands et ceux qui progressent dans leur volonté d'utiliser des énergies renouvelables. Je crois que nous en aurons de moins en moins avec la France car le nucléaire ne sera plus nécessaire et ne sera plus dans le jeu. Mon document n'est pas le plan du Gouvernement, qui finalise le sien pour le mois de juillet.