Intervention de Gérald Darmanin

Réunion du mercredi 30 mai 2018 à 21h30
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Gérald Darmanin, ministre de l'action et des comptes publics :

Non. J'ai même eu des remerciements, pour tout vous dire.

Je ne répondrai pas tout à fait à la question de M. Mathiasin, parce que le principe de l'exercice, en respectant la séparation des pouvoirs tout en me soumettant bien volontiers à vos questions, est d'évaluer l'exécution 2017. J'entends certaines questions, plus politiques, qui ont été posées. Il me semble qu'il existe d'autres cadres pour parler du budget 2018 ou pour faire de la politique, au sens noble du terme. Je redirai simplement que les 400 millions d'euros que vous évoquiez au sujet des retraites, monsieur le député, ne sont pas financés. Vous êtes membre la commission des finances. Il me semble que la moindre des choses consiste à équilibrer les recettes et les dépenses. Après, bien sûr, ce sont des choix politiques.

Je ne reviendrai pas sur les retraites agricoles et sur leurs conséquences outre-mer et en métropole, notamment dans le cadre de la réforme des retraites de M. Delevoye. Si M. le président le permet, l'idée est de s'arrêter à l'exécution 2017. Qui plus est, je précise qu'il ne s'agit pas de mon portefeuille.

Je ferai une réponse à peu près identique à Mme Battistel. Je peux répondre sur les logiques qui mèneront à la suppression des emplois publics dans le projet présidentiel, mais il se trouve que c'est plutôt quelque chose qui appartient au PLF de l'année qui arrive. Je crois que nous aurons ce long débat entre nous. L'année dernière, le gouvernement précédent a créé plus de 10 000 postes dans la fonction publique. Pour notre part, nous avons choisi d'en supprimer 1 600 en 2018, dont 1 400 au sein de ma seule administration. Nous avons d'abord défini les missions avant d'en tirer les conséquences en termes d'effectifs. Il me semble que nous aurons ce débat dans le cadre du PLF.

De la même façon, les fonds spéciaux ne relèvent pas de mes crédits. C'est le ministre de l'action et des comptes publics qui se trouve devant vous. Je crois que le principe est de parler des crédits qui lui sont directement attachés, et que c'est au Premier ministre ou, en tout cas, à ses services, de répondre à la question, ô combien épineuse, des fonds spéciaux. Ces services sont tout à fait à votre disposition.

M. de Courson a posé plusieurs « petites questions », qui ont finalement produit une grande intervention – mais cela ne m'étonne pas de lui. (Sourires.) Je vais essayer d'y apporter de « petites réponses », dont j'espère qu'elles le satisferont. Sur la question des amendes, je ne partage pas son opinion selon laquelle le taux de recouvrement est très mauvais. Quand je compare avec ce qui existe dans d'autres services, y compris territoriaux, ce rendement n'est pas si mauvais, même s'il pourrait être amélioré. La commission des finances et vous-même, monsieur de Courson, avez fait des propositions. Je suis tout à fait prêt à les étudier et à voir comment nous pouvons améliorer le recouvrement des amendes. Je suis tout à fait disponible pour le faire, notamment dans le cadre du débat budgétaire de cette année si vous le souhaitez.

Je n'ai pas bien compris votre question sur le régime des mineurs. À mon avis et si je puis me permettre, vous vous trompez, monsieur le député, car il ne s'agit pas d'une dette de l'État mais d'un mouvement de crédits flux interne à la sécurité sociale, visant à respecter le plan de trésorerie de la cellule opérationnelle de suivi (COS).

En revanche, vous avez posé une question sur la dette que nous aurions envers le fameux régime des buralistes. Depuis 2016, l'État doit un trimestre de cotisations à ce régime, soit, de mémoire, à peu près 8 millions d'euros. En 2017, il ne lui a pas tout à fait été permis d'éteindre cette dette, parce qu'il y a eu 50 millions d'euros d'annulation de crédits sur le budget des douanes. En revanche, je prends l'engagement d'y mettre fin en 2018, soit parce que des crédits la rembourseront, soit parce qu'il y aura une affectation supplémentaire des droits à tabac. Cette réponse devrait vous satisfaire, monsieur de Courson.

Vous avez également posé deux petites questions sur la dette de l'État vis-à-vis de la caisse de retraite de la SNCF. Elle sera réglée en 2018. Même si elle ne pénalise pas le fonctionnement de ce régime, la question méritait d'être posée et la réponse méritait d'être apportée. Quant au RCO, actuellement excédentaire grâce aux efforts financiers de l'État depuis 2017, il ne se dégradera qu'à un horizon postérieur à la réforme des retraites.

Vous évoquez d'autres questions fiscales plus particulières. Vous comprendrez que je ne pense pas que ce soit le lieu particulier pour en parler. Je reviendrai toutefois sur le montant le plus important que vous évoquez : 1,1 milliard d'euros. L'État a perdu son contentieux et a fait appel. Il ne m'appartient pas de citer le nom de l'entreprise, mais nous tentons de sauvegarder les intérêts d'État en faisant appel et en contestant ce qui a malheureusement incité le tribunal administratif de Paris à donner tort à l'État sur le contrôle fiscal qu'il avait opéré sur cette société. Votre rapporteur général et votre président peuvent venir voir tous les dossiers fiscaux, ils le savent bien. Un certain nombre de changements de législation, en tout cas la volonté de changement de législation que nous avons évoquée dans l'hémicycle, en commission et au niveau européen, devraient nous permettre d'aider l'État à être plus efficace, grâce à des moyens juridiques qui lui permettront d'aller au bout de ses contrôles. Je ne veux pas en dire beaucoup plus.

M. Dufrègne, avec le sourire et la faconde qu'on lui connaît, explique qu'il ne posera pas de question, mais évoque quand même le fait que nous dégraderions volontairement le service public. Je crois qu'il ne croit pas lui-même à ses propos. Qu'il y ait une modernisation, c'est une évidence. Je me suis rendu dans le très beau département de l'Allier, chez M. le député, ancien président du conseil départemental, et il a pu constater avec moi que la modernisation pouvait faire naître des craintes, mais qu'elle était aussi la contrepartie d'un certain nombre d'avancées des collectivités locales. Quand 100 % des communes, y compris les plus rurales, d'un département – ce qui est le cas du vôtre – dématérialisent leurs documents comptables, je crois que le fonctionnement de trésorerie est important, mais qu'il se fait de manière différente. Nous avons visité ensemble les services. Le seul endroit où il y avait encore des bordereaux papier était l'hôpital. Ce n'est donc pas qu'une question de taille des communes.

La numérisation ne doit pas signifier la fin du service public humain, je suis tout à fait d'accord avec vous. J'ai eu l'occasion de dire que la façon dont nous fonctionnons vise à continuer à rationaliser un certain nombre de lieux d'implantation, notamment de la DGFiP, parfois aussi parce que les élus locaux l'ont voulu au travers de leurs cartes intercommunales. Il est d'ailleurs parfois étonnant de constater que les élus locaux souhaitent mettre le chef-lieu de l'intercommunalité dans un nouveau lieu, avec tous les services afférents, mais considèrent que l'État ne devrait pas revoir la carte de ses implantations. C'est parfois compliqué à comprendre… En tout cas, l'État accompagne le mouvement, parfois subi mais parfois voulu par les intercommunalités.

Là où vous avez raison, me semble-t-il, c'est sur le fait que nous pouvons le faire sans démagogie et en considérant que, pour une fois, puisque la dématérialisation va dans un sens, des services dits centraux pourraient inversement s'installer dans les lieux qui apparaissent les plus menacés, ou qui ont été les plus touchés par les suppressions de postes. J'ai demandé au directeur général des finances publiques d'y travailler, en lien, bien sûr, avec ses directeurs départementaux. Concernant le nombre de postes que nous devrons économiser en raison de la numérisation et de la suppression d'impôts, notamment la TH, je leur ai demandé de travailler à quelque chose d'un peu nouveau, qui prenne en compte la question du service public de proximité et des territoires ruraux. Si M. le président le permet, je pourrai peut-être évoquer en septembre la question de l'avenir de la DGFiP et de son réseau territorial.

Pour les douanes, je pense que les choses sont très différentes. D'abord, elles ne connaissent pas de baisse d'effectifs. Au contraire, elles connaissent une augmentation d'effectifs dans le budget que vous n'avez malheureusement pas voté – mais je suis sûr que, convaincu par moi de votre erreur, vous le voterez la prochaine fois. Ainsi, 217 équivalents temps plein (ETP) sont créés, notamment pour faire face au Brexit et en attendant le lien commercial qui nous liera avec nos amis britanniques. Selon l'étroitesse de ce lien, nous aurons entre un et quatre contrôles douaniers à effectuer. La nature du trafic a changé. Il passe désormais par Internet et par des colis, qui se sont significativement multipliés. Il est donc normal que les douanes soient moins territorialisées et plus mouvantes au regard de ces trafics. Je pense que le directeur général est à votre disposition pour expliquer le comportement que les gendarmes ou les douaniers doivent avoir vis-à-vis des voleurs ou des trafiquants.

M. Cazeneuve a évoqué la question, assez complexe, de l'instauration d'une loi de financement des collectivités locales. Il sait que je n'y suis pas défavorable. Cependant, je crois que, dans la réforme constitutionnelle qui arrive, le Parlement devrait peut-être s'y intéresser, si vous me permettez cette expression. La question se pose déjà de savoir si l'on ne perd pas un peu le débat budgétaire avec un seul budget pour toutes les administrations publiques (APU). Je sais que je vais loin en disant cela et que je suis totalement minoritaire au sein du Gouvernement, puisque je n'ai pas obtenu gain de cause devant le texte présenté au Parlement – et je souscris bien volontiers à l'arbitrage du Premier ministre. Ce que vous évoquez concernant le saucissonnage des collectivités locales est vrai pour tout, finalement, puisque nous avons un raisonnement global, toutes APU confondues.

Le président de la commission des finances a très intelligemment constaté que nous avions augmenté le déficit de l'État alors qu'il baisse globalement. Chacun a des arguments politiques. Je ne suis pas sûr que cela aide beaucoup la représentation nationale et le peuple français à comprendre le fonctionnement général des choses. Chacun a sans doute des torts. Mais, pour les collectivités locales, sans doute faut-il spécifier le discours. Cela tient aussi au fait que plusieurs ministres s'en occupent. Ceux de Bercy votent des enveloppes globales. Le ministre de l'intérieur a une direction générale des collectivités locales (DGCL), où Bercy intervient peu, et le ministre de la cohésion des territoires parle avec les élus locaux. Je ne peux donc pas répondre sur une loi de financement des collectivités locales, mais j'y suis favorable. En tout cas, j'encouragerai grandement le Parlement, d'un point de vue citoyen, à s'y intéresser pour que le dispositif soit lisible et responsable.

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