Madame la ministre, nos interrogations portent tout d'abord sur les engagements de l'Agence de financement des infrastructures de transports de France (AFITF) qui dispose, à cette fin, de ressources affectées, issues principalement de la fiscalité sur le transport routier.
Les engagements non financés s'étaient accumulés au cours des dernières années, augmentant chaque année les restes à payer de l'agence. Leur niveau a été stabilisé en 2017, passant de 12,3 milliards d'euros à 12 milliards d'euros.
La pause des grands projets a ainsi permis à l'AFITF d'annuler 1,2 milliard d'euros d'autorisations d'engagement envisagées en loi de finances de 2017, principalement pour des commandes de matériels roulants des trains d'équilibre du territoire (TET) et pour le projet d'autoroute A45.
La moitié des 12 milliards d'euros de restes à payer correspond désormais à des contrats de partenariat dont les annuités s'échelonnent pendant vingt ans, comme l'autoroute L2 à Marseille, la ligne à grande vitesse (LGV) Bretagne-Pays de la Loire ou le contournement Nîmes-Montpellier. Cela ne paraît pas devoir susciter d'inquiétude compte tenu des montants des ressources annuelles de l'AFITF, portés à 2,4 milliards d'euros par la dernière loi de finances.
En outre, en 2017, les charges à payer ont été réduites de moitié. Il s'agit de dettes envers SNCF Réseau, qui avait avancé la part de l'État pour des chantiers de LGV. Le montant atteint désormais 221 millions d'euros et j'appelle votre attention sur les pénalités financières occasionnées, estimées à 37 millions d'euros. Il est urgent et nécessaire de solder ce dossier alors que l'État va reprendre une partie significative de la dette de SNCF Réseau.
Le niveau actuel de ressources de l'AFITF permet donc d'honorer les engagements déjà souscrits par l'État mais il ne permet pas d'aller au-delà.
Pourtant, des moyens supplémentaires sont indispensables pour régénérer les infrastructures de transports et améliorer les transports du quotidien, conformément aux objectifs fixés par le Président de la République, lors de son discours du 1er juillet 2017 en gare de Rennes.
Un effort de hiérarchisation des priorités a été mené par le Conseil d'orientation des infrastructures (COI) dont j'étais membre. Le scénario 2 du COI – qui exige 500 millions d'euros supplémentaires chaque année pour l'AFITF – paraît assez consensuel.
Madame la ministre, quels nouveaux financements vous paraissent envisageables ?
Une redevance temporelle pour usage de la route, de type vignette, est souvent évoquée. Cette perspective ne paraît-elle pas fragilisée par la révision à venir de la directive Eurovignette ?
Ne pourrait-on pas tirer parti d'une redevance kilométrique de type « régio-transit » comme elle est pratiquée par certaines régions en Europe, parfois à nos frontières ?
En tout état de cause, pouvez-vous confirmer que le Parlement va effectivement être amené, dans les mois à venir, à examiner un volet de programmation financière du projet de loi d'orientation des mobilités ? Il semble qu'il existe, du côté de Bercy, des velléités de restreindre la portée de la loi de programmation au motif qu'elle constituerait un encouragement à la dépense dans les années à venir. Bien au contraire, nous considérons qu'une visibilité pluriannuelle est indispensable pour caler nos objectifs sur les ressources disponibles et éviter les surcoûts liés au vieillissement des réseaux et à la suspension durable des projets.
Sachez, madame la ministre, que vous disposez de notre entier soutien sur ce dossier. Sans un cadre clair, il ne nous sera pas possible de tenir nos objectifs de report modal et de modernisation des infrastructures, ni de les évaluer.
En outre, j'appelle votre attention sur l'intérêt qu'il y aurait à souscrire une convention d'objectifs et de moyens avec l'AFITF. Elle permettrait de préciser la feuille de route de l'agence pour qu'elle améliore sa programmation budgétaire et financière ainsi que sa transparence. Pouvez-vous indiquer vos intentions à cet égard ?
De même, l'articulation entre les financements de l'AFITF et les crédits budgétaires du programme 203 doit être interrogée pour chaque mode de transports.
Avant de céder la parole à ma collègue Anne-Laure Cattelot, je vais évoquer la situation du réseau routier non concédé.
L'état des structures de chaussées du réseau continue à se dégrader. Les indicateurs du rapport annuel de performances l'indiquent sans ambiguïté. La France risque donc de devoir investir des sommes considérables pour leur remise en état. Pourtant, les annulations de crédits de l'été 2017 ont réduit de moitié, sur le programme 203, les budgets d'entretien préventif et de grosses réparations des chaussées, ce qui contredit l'objectif d'intensifier la régénération routière par des financements de l'agence.
Une remise à plat paraît nécessaire. Il faut améliorer la programmation des travaux et leur efficience, flécher de nouveaux financements vers les investissements routiers, ce qui rendra plus acceptable la fiscalité sur le secteur routier.
Ne pourrait-on pas y consacrer des ressources tirées d'une réforme des dépenses fiscales liées aux carburants professionnels, afin que les poids lourds contribuent à l'entretien du réseau à la hauteur de l'usure qu'ils y occasionnent ? Quelles sont, madame la ministre, les perspectives à cet égard ?