Mon intervention porte sur l'exécution, en 2017, des crédits dédiés aux affaires maritimes et aux ports, qui figurent dans le programme 205 Sécurité et affaires maritimes et une partie du programme 203 Infrastructures et services de transports.
Je tiens, avant tout, à rappeler l'enjeu stratégique que constitue la politique maritime pour notre pays, qui possède le deuxième domaine maritime du monde derrière les États-Unis, avec 5 000 kilomètres de côtes, et une zone économique exclusive de 10 millions de km2.
Le programme 205 regroupe des crédits finançant la sécurité maritime, la protection de l'environnement marin, l'enseignement maritime, et la promotion de l'emploi maritime français via un dispositif d'exonération de charges sociales.
En 2017, la consommation des crédits de ce programme s'établit à 168 millions d'euros en crédits de paiement, en hausse de 10 millions d'euros par rapport à 2016. La consommation des crédits est toutefois inférieure aux crédits votés en loi de finances initiale, qui s'élevaient à 197,9 millions d'euros.
Parmi les facteurs expliquant cette sous-consommation, j'appelle votre attention sur l'annulation récurrente, depuis 2016, des crédits destinés à compenser l'extension du dispositif d'exonérations de charges sociales pour les armateurs français. Ce dispositif mis en place par la loi du 20 juin 2016 pour l'économie bleue, a été notifié à la Commission européenne en juillet 2016, afin d'évaluer sa compatibilité avec le régime européen des aides d'État. Près de deux ans plus tard, ce dispositif n'a toujours pas été validé au niveau européen, et les crédits prévus ont donc été annulés à hauteur de 19 millions d'euros en 2017.
Madame la ministre, pouvez-vous nous indiquer où en est la validation par la Commission européenne de ce dispositif d'exonérations de charges sociales pour les armateurs ?
Mise à part cette sous-consommation, je tiens à souligner la bonne gestion budgétaire du programme 205 sur l'année 2017.
Par ailleurs, l'École nationale supérieure maritime (ENSM), établissement qui forme aux métiers de la marine marchande et reçoit pour cela une subvention pour charges de service public, a poursuivi en 2017 le rétablissement de sa situation financière, qui était fortement dégradée depuis 2011. Après avoir connu un déficit de 52 000 euros, en 2016, l'ENSM a réussi à dégager un excédent de 557 000 euros l'année dernière. L'ENSM s'est par ailleurs engagée dans un plan de réorganisation immobilière afin de se concentrer sur ses locaux du Havre et de Marseille.
J'observe également la poursuite, en 2017, d'une politique d'investissement pour financer les équipements nécessaires aux opérations de sauvetage en mer, et à la surveillance du trafic maritime. L'achat d'un nouveau patrouilleur pour les Terres australes et antarctiques françaises a été financé par 3 millions d'euros de crédits, et la mise en place d'un nouveau système de gestion des opérations de secours des personnes en détresse en mer a bénéficié de 1 million d'euros. Je tiens à rappeler l'importance de maintenir dans la durée le budget d'investissement des affaires maritimes. Madame la ministre, pouvez-vous nous assurer sur votre volonté de pérenniser les dépenses d'investissement pour financer la politique maritime ?
J'en viens aux crédits dédiés au financement des infrastructures portuaires, tels qu'ils sont décrits dans le programme 203 Infrastructures et services de transports.
Les travaux de dragage des ports constituent un poste de dépenses essentiel pour assurer le bon fonctionnement et maintenir la compétitivité des ports français. En 2017, ce poste de dépenses a pu bénéficier de 26 millions d'euros de crédits supplémentaires par rapport aux crédits votés en loi de finances initiale : l'État a financé le dragage des ports à hauteur de 67 millions, contre 41 millions en 2016. L'État a ainsi appliqué la décision prise lors du comité interministériel de la mer (CIMER) du 4 novembre 2016, qui prévoyait une hausse de sa participation financière au dragage des ports.
Madame la ministre, cet effort de réengagement de l'État dans le financement du dragage des ports sera-t-il maintenu, voire augmenté, à l'avenir ? Vous n'êtes pas sans savoir que les pays voisins de la France financent à 100 % le dragage des ports.
Le programme 203 participe aussi au développement des infrastructures portuaires, via des fonds de concours versés par l'AFITF. Les projets de développement des infrastructures portuaires, mis en oeuvre dans le cadre des CPER 2015-2020, et dans le cadre du plan de relance portuaire mis en place en 2013, ont ainsi pu bénéficier, en 2017, de 45 millions d'euros de crédits.
Concernant le travail d'évaluation des politiques publiques mené dans le cadre du projet de loi de règlement, j'ai choisi d'approfondir la question de la lutte contre la pollution liée au transport maritime. La réduction des rejets polluants des navires dans l'air – dioxyde de carbone, oxydes de soufre et d'azote mais aussi particules fines – représente un enjeu majeur pour l'environnement et la santé publique de nos concitoyens, notamment dans les villes portuaires – je suis moi-même élu à Marseille.
Comme vous le savez, la lutte contre la pollution du transport maritime doit se mener tant au niveau national qu'au niveau international, en particulier dans le cadre de l'Organisation maritime internationale (OMI). J'ai eu l'occasion d'auditionner l'ambassadrice représentant la France auprès de l'OMI. Elle m'a présenté la stratégie adoptée en avril dernier par l'organisation pour diminuer les rejets de gaz à effet de serre par les navires : l'objectif est de réduire ces émissions de 50 % à horizon 2050. Il s'agit d'une décision importante que je salue.
Par ailleurs, les émissions d'oxydes de soufre sont limitées, avec un taux maximal abaissé à 0,5 % à compter du 1er janvier 2020. Le taux d'émission sera donc divisé par sept par rapport à la situation actuelle. Cela rend d'autant plus urgente la nécessité de recourir à des modes de propulsion des navires moins polluants.
La convention internationale pour la prévention de la pollution par les navires, dite « MARPOL », permet également de créer des zones instaurant un contrôle renforcé des émissions d'oxydes de soufre et d'azote, dites « zones ECA », pour Emission Control Area, où le taux d'émissions d'oxydes de soufre est limité à 0,1 %. Je rappelle que la France défend actuellement la création d'une zone ECA en mer Méditerranée. Pouvez-vous nous présenter l'état d'avancement du projet de zone ECA en Méditerranée ? Quel est le calendrier établi par le Gouvernement concernant sa présentation à l'OMI ?
Vous le savez, l'urgence est réelle pour nos concitoyens. C'est pourquoi, la lutte contre la pollution du transport maritime doit passer par l'accélération de la transition énergétique dans le secteur. À l'heure actuelle, deux solutions ont été identifiées pour mettre en oeuvre cette transition : d'une part, la propulsion au gaz naturel liquéfié (GNL), un carburant qui permet de limiter fortement les émissions d'oxydes de soufre et d'azote ainsi que les émissions de dioxyde de carbone, et, d'autre part, le recours à des branchements électriques dans les ports pour l'alimentation des navires à quai. Je tiens à saluer l'action du Gouvernement qui s'est pleinement engagé, lors du dernier CIMER du 17 novembre 2017, pour la transition vers l'utilisation du GNL comme carburant marin.
Par ailleurs, en application d'une directive européenne, la France a élaboré un cadre d'action national pour le développement des carburants alternatifs, qui identifie sept ports maritimes dans lesquels seront mises en place des structures d'avitaillement en GNL d'ici à 2025. Le développement de structures d'avitaillement en GNL dans les ports français me paraît être un enjeu crucial de santé publique pour les habitants des villes portuaires, ainsi qu'un enjeu d'attractivité et de compétitivité pour nos ports. Où en est la mise en oeuvre de la mesure du CIMER 2017 concernant le soutien à la transition vers le GNL, et où en est la mise en oeuvre du cadre d'action que j'ai exposé précédemment ?
Au cours des différentes auditions que j'ai menées, j'ai pu observer que les acteurs privés du secteur maritime sont favorables au recours au GNL, ainsi qu'à l'installation de branchements électriques dans les ports. Cette transition énergétique nécessite cependant d'importants investissements de leur part. Il me paraît primordial que l'État développe une stratégie pour soutenir ces investissements privés, mais aussi une aide au fonctionnement, en particulier pour amorcer la filière d'approvisionnement des navires – comme me le rappelait encore ce matin la présidente du Grand Port maritime de Marseille.
Madame la ministre, comment envisagez-vous de réformer les modalités d'amortissement des investissements effectués par les armateurs qui s'engagent dans l'achat de navires moins polluants ?
Je souhaite insister sur la nécessité d'appréhender la transition énergétique du transport maritime sur le long terme. De nombreux acteurs du secteur maritime ont ainsi identifié l'hydrogène comme la prochaine solution à envisager pour « décarboner » le transport maritime. Il me semble donc stratégique d'envisager un soutien au développement de cette énergie d'avenir au service du transport maritime. Quelle est la place du transport maritime dans ce plan de déploiement de l'hydrogène ?
Pour conclure, j'insiste sur la nécessité d'instaurer un dialogue avec les habitants et ceux qui travaillent dans les environs immédiats des grands ports maritimes. Les grands ports réussissent d'autant mieux qu'ils sont intégrés dans leur environnement. Quand j'ai commencé à travailler sur ce sujet, j'avoue avoir été un peu étonné par le fait qu'il n'existait pas de structure officielle de discussion entre les habitants et les grands ports, alors qu'il existe par exemple des commissions consultatives de l'environnement pour les aéroports. Je souhaite que vous puissiez étudier la question, et faire en sorte que l'on puisse créer, à terme, une structure officielle qui permette que les habitants, les acteurs du territoire, et les grands ports puissent discuter à échéance régulière des projets du port, notamment en matière environnementale.