Je ne reviendrai pas sur aspects principaux de l'exécution du budget 2017 que vous venez de rappeler. Concernant les universités, 2017 marque le dixième anniversaire de la loi LRU, qui a attribué de nouvelles compétences aux établissements, mais aussi de nouvelles responsabilités ; c'est ce que l'on appelle communément l'autonomie. Cette autonomie doit accompagner le développement d'une signature territoriale identifiée des universités. Il ne s'agit pas de courir à la fusion ou au regroupement, mais bien de faire en sorte que chacun puisse développer, dans le cadre d'une politique de site adaptée à son territoire, ses spécificités, son projet pédagogique, son projet scientifique et son projet d'insertion professionnelle.
De nouvelles reconfigurations sont attendues à partir de 2018 et 2019 dans le cadre du projet de loi pour un État au service d'une société de confiance, qui va permettre plus de souplesse dans la construction de ces projets et des regroupements qui les porteront. Les initiatives et les projets des établissements ont également été soutenus dans le cadre des appels à projet du programme d'investissements d'avenir, et notamment dans le cadre du développement des nouveaux cursus universitaires et des écoles universitaires de recherche.
Les universités ne sont pas des acteurs territoriaux hors sol. La dévolution du patrimoine, qui a permis d'ancrer les établissements universitaires dans des logiques territoriales en lien avec les collectivités territoriales et leur environnement extérieur participe à la construction d'une stratégie pour les différentes universités. Cette stratégie prend en compte l'impact qu'elles peuvent avoir sur leur environnement immédiat et l'effet positif qu'elles jouent dans le développement urbain et territorial de l'ensemble de leur périmètre d'influence : les présidents d'universités sont bien conscients d'agir comme de véritables responsables publics dans leur environnement immédiat.
Vous m'avez interrogée sur la situation financière des universités. Avant d'en venir à la situation particulière des établissements en difficulté, je voudrais rappeler quelques éléments d'appréciation d'ensemble et surtout les commenter.
Il faut se méfier lorsque l'on regarde les résultats consolidés des universités, leurs fonds de roulement, mais aussi leur trésorerie. Ainsi, la somme des fonds de roulement 2017 des établissements s'élève apparemment à 1,99 milliard d'euros. Néanmoins, lorsque l'on s'intéresse aux fonds de roulement réels des établissements en intégrant une précaution de réserve de quinze jours, les sommes s'établissent plutôt autour de 200 millions d'euros ; et lorsque l'on prend le taux de réserve à trente jours, les fonds de roulement réels peuvent être négatifs… L'amélioration des indicateurs financiers ne traduit donc pas nécessairement une hausse des marges de manoeuvre pour les établissements.
Une minorité des établissements est concernée par des difficultés financières particulièrement concentrées. Dix établissements sont déficitaires en 2017, alors qu'ils étaient au nombre de quatorze en 2016. Mais quatre établissements présentent un double déficit en 2016 et 2017 et concentrent particulièrement notre attention.
Conformément aux dispositions du code de l'éducation, ces établissements ont produit un plan de retour à l'équilibre financier qui fait l'objet d'un suivi régulier de la part du recteur, chancelier des universités ; les solutions mises en oeuvre privilégient l'accompagnement des établissements et la rationalisation de la gestion.
Un dispositif de suivi, d'alerte et d'accompagnement a aussi été installé dès 2012 par le ministère, et réformé en 2016 pour prendre en compte la réorganisation territoriale. Cela nous permet d'identifier rapidement les établissements à risque et de mettre en place par anticipation des plans d'action adaptés, plutôt que de les laisser s'enfoncer avec des comptes financiers de plus en plus dégradés qui les feraient passer sous contrôle rectoral. Les actions d'accompagnement ont aussi été mises en place avec l'inspection générale de l'administration de l'éducation nationale et de la recherche, qui ont prouvé leur grande utilité.
Une mission spécifique d'appui a été constituée au sein de la direction générale de l'enseignement supérieur et de l'insertion professionnelle, dotée d'une mission d'expertise-conseil constituée d'un collège de conseillers d'établissements, pour la plupart d'anciens chefs d'établissement. Cette mission d'appui est à l'écoute, au quotidien, des difficultés.
L'ensemble de ces accompagnements nous permet petit à petit d'anticiper les difficultés des établissements, mais aussi d'aider ceux qui ont connu des équilibres financiers compliqués à retrouver une trajectoire financière permettant le retour à l'équilibre. Ce retour se fait toujours dans une perspective pluriannuelle, et le travail porte aussi sur l'analyse de l'offre de formation, l'étude de la structure des emplois et la recherche de nouvelles ressources propres.
Voilà ce qu'il en est de nos capacités d'information sur le fonctionnement financier des universités.
S'agissant du pilotage de la dépense, comme j'ai eu l'occasion de le dire récemment, j'ai la ferme conviction que nous devons nous inspirer, pour les universités, du dialogue conduit annuellement avec les organismes de recherche.
Aujourd'hui, les budgets des universités sont reconduits quasi-mécaniquement d'une année sur l'autre. Sur le papier, il est bien prévu un dialogue contractuel, mais il n'influe que très marginalement sur les aspects financiers, alors que la relation entre l'État et les universités se fait au travers de vagues contractuelles. Je souhaite donc travailler à une nouvelle approche centrée sur les établissements et leurs projets, en dehors de modèles préconçus comme le modèle SYMPA (système de répartition des moyens à la performance et à l'activité), qui agrège tellement de choses différentes que finalement, les établissements ne s'y retrouvent pas.
Travailler à cette approche centrée sur les établissements ne nous empêche évidemment pas de travailler sur un référentiel commun des coûts. C'est extrêmement important pour travailler à des comparaisons réelles entre établissements dont la situation est très différente d'un territoire à l'autre. Pour moi, l'objectif de ce dialogue sera de permettre à ces établissements d'affirmer leurs priorités vis-à-vis de l'État en termes de projet stratégique, de politiques de sites, et sur l'ensemble du périmètre de leurs missions.
Mais ce doit être également l'occasion pour l'État de rappeler ses priorités, y compris s'agissant de l'enseignement supérieur, à l'exemple de ce que nous avons fait lors du dialogue qui s'est ouvert dès l'été 2017 sur le chantier de la transformation de l'accès au premier cycle universitaire, qui s'est ensuite traduit par la loi du 8 mars 2018 relative à l'orientation et à la réussite des étudiants. Dans le cadre de la nouvelle vague de concertation sur la réforme de l'arrêté « licences » qui se tient actuellement, il est très important que l'État accompagne les établissements au service d'une stratégie visant à une meilleure orientation et une meilleure « diplomation » des étudiants de l'enseignement supérieur. Ces deux initiatives ont été rappelées dans le plan étudiant. Je rappelle que l'objectif de performance inscrit dans le projet de loi de finances vise 40 % de réussite – objectif modérément ambitieux mais que nous sommes pourtant encore très loin d'avoir atteint, puisque seuls 30 % des étudiants obtiennent leur licence en trois ans.
Concernant la budgétisation des dispositifs d'aide comme les bourses, l'aide à la recherche du premier emploi, les aides à la mobilité, vous avez constaté que la prévision retenue pour le budget 2018 correspondait beaucoup plus à la réalité. En effet, sur plus de 2 milliards d'euros de budget, les écarts se limitent à quelques millions d'euros : 20 millions de surbudgétisation pour les bourses, mais compensée par une sous-estimation de l'aide à la mobilité de quelques millions d'euros. Nous nous interrogeons sur la façon dont nous pouvons mieux accompagner la recherche d'un premier emploi, avec des dispositifs qui nous permettraient de suivre effectivement l'amélioration de l'insertion professionnelle dans le cadre de la mise en place du dispositif ARPE, et d'autres encore auxquels nous réfléchissons.
La formation tout au long de la vie et la formation continue sont deux chantiers au long cours engagés dès 2014 et que je poursuis dans le cadre de mon action ministérielle. Nous travaillons actuellement à l'élaboration des fiches diplômes en vue de l'inscription de l'ensemble des formations universitaires au répertoire national des certifications professionnelles (RNCP). Afin de garantir un accès facilité à ces formations, nous travaillons également au lancement d'un portail qui recensera l'intégralité de l'offre disponible en matière de formation continue. L'organisation plus modulaire, en blocs de compétences, autorisée par la loi orientation et réussite des étudiants, permettra d'enrichir l'offre de formation continue constituée pour l'heure de diplômes universitaires majoritairement dédiés aux disciplines de santé. Il est donc très utile et très important de développer l'offre de formation dans les autres champs disciplinaires. Pour aider les universités à s'emparer de ce sujet, nous travaillons à l'élaboration d'un référentiel commun des coûts, de manière à affiner le schéma directeur en cours d'élaboration par la conférence des présidents d'universités, les établissements ayant parfois du mal à estimer le coût complet de la mise en place d'un module de formation continue.
L'objectif est de permettre, grâce au CPF, à l'ensemble de la population de s'approprier ces outils de formation continue, et de sortir d'une logique où l'on obtient une fois pour toutes son diplôme pour entrer dans un cheminement différent, où l'on peut obtenir un premier diplôme, aller vers l'emploi, puis revenir obtenir un deuxième diplôme et ainsi changer de carrière professionnelle, ou la faire évoluer.
Un dernier mot s'agissant des CROUS. Vous l'avez rappelé, le « plan 40 000 », auquel a succédé le « plan 80 000 », a pour objectif de permettre au plus grand nombre d'étudiants possible de bénéficier d'une offre de logements de proximité. L'ensemble des professeurs partage la conviction que la réussite étudiante est indissociable des conditions de vie étudiante. C'est aussi pour cette raison que le Parlement a accepté la suppression de la cotisation au régime spécial de sécurité sociale étudiante, qui permet de rendre dès cette année 100 millions d'euros de pouvoir d'achat aux étudiants et à leurs familles.
Le « plan 40 000 » a été réalisé avec succès, puisqu'un peu plus de 40 300 logements ont été construits au 31 décembre 2017. Ce plan a été largement porté par le réseau des oeuvres et a conduit à une hausse de leurs engagements hors bilan, principalement grâce à 23 000 logements financés au moyen de montages reposant sur des autorisations d'occupation temporaire. Ces logements font aujourd'hui l'objet d'un meilleur suivi et d'une comptabilisation plus exhaustive dans le cadre de la préparation du passage à la gestion budgétaire et comptable publique (GBCP), et conformément aux recommandations de la Cour des comptes. Le Centre national des oeuvres universitaires et scolaires (CNOUS) s'est rapproché depuis près d'un an des services de la direction générale des finances publiques pour fixer un cadre juridique et comptable, ainsi qu'une méthodologie solide, validée, commune à l'ensemble des CROUS pour les aider à mener à bien l'intégration comptable du stock de contrats en cours sur deux ou trois ans, et mieux les préparer à la gestion des nouveaux contrats. Bien sûr, cette exigence s'appliquera au plan 80 000, qui prévoit 60 000 logements étudiants supplémentaires.
Concernant les questions plus spécifiques de fonctionnarisation des personnels du CROUS, effectivement la loi du 20 avril 2016, puis le décret du 29 mars 2017, puis le protocole d'accord entre les organisations syndicales et le CNOUS, qui date du 4 mai 2017 – je vous laisse apprécier les dates – concernent potentiellement 8 000 personnels ouvriers qui bénéficiaient déjà d'un quasi-statut. Cela étant, tous ne souhaitent pas basculer, et tous n'y ont pas intérêt. Nous prévoyons qu'un quart à un tiers de ces 8 000 personnels bénéficieront de cette fonctionnarisation. C'est une démarche sur laquelle on peut porter un regard interrogatif, mais des engagements avaient été pris depuis plus de deux ans, actés dans des textes. Le dialogue social avait eu lieu et il nous a fallu avancer. Je serai très attentive à ce que cette démarche se traduise par des effets réellement positifs pour les agents, que cela ne fragilise pas les CROUS, amenés dès cette année à collecter la contribution vie étudiante, et qu'elle soit aussi traitée de manière responsable sur le plan budgétaire.