Concernant Erasmus + France et les programmes de mobilité, nous avons effectué un important travail interministériel pour soutenir la proposition de la commission Éducation d'augmenter les budgets alloués à la mobilité des jeunes. Le Gouvernement souhaite que ces mobilités puissent s'effectuer dans de cadre de l'enseignement supérieur – comme c'est déjà le cas –, mais aussi dans celui du secondaire ou de l'apprentissage. Sur ce dernier point, des éléments de blocage ont été identifiés, sur lesquels nous réfléchissons avec Muriel Pénicaud. En effet, l'apprenti a un statut variable d'un pays de l'Union européenne à l'autre – tantôt étudiant, tantôt salarié. Cela entrave souvent sa mobilité. Nous devons continuer à travailler avec tous nos partenaires européens. Cela nous permettra par ailleurs de mieux mobiliser les crédits européens. Pour ce faire, nous devons en outre être assurés du soutien des établissements qui candidatent. La mobilité de la jeunesse au sein de l'Union européenne participera dès le plus jeune âge à la construction d'un sentiment d'appartenance à la communauté européenne.
Vous m'avez ensuite posé plusieurs questions concernant le financement et la santé des universités. Le budget 2018 a permis d'affecter 234 millions d'euros de crédits supplémentaires aux établissements d'enseignement supérieur. Pour la première fois, je l'ai dit, le GVT a été pris en compte ; de ce fait, les financements supplémentaires liés à la mise en place de la loi du 8 mars 2018 relative à l'orientation et à la réussite des étudiants ont pu être utilisés.
J'appelle votre attention sur très grande difficulté, y compris dans les rapports de la Cour des comptes, à faire la part des choses entre budgets prévisionnels, budgets initiaux des établissements et comptes financiers. Ainsi le compte financier de l'université de Grenoble a été arrêté avec un solde positif de 1,4 million d'euros… Celui de Centrale Nantes a effectivement été déficitaire en 2015, mais s'est soldé par un résultat positif en 2016 et en 2017. À Lille, un déficit a été constaté lors de la première année, mais nous travaillons conjointement avec le président de l'université pour voir comment améliorer la situation.
Comme vous pouvez le constater, tous les dispositifs d'alerte et d'accompagnement ont été mis en place et ont correctement fonctionné. La complexité de la gestion des financements, des budgets et des stratégies des universités va croissant – gestion de financements pluriannuels, difficulté à travailler en autorisations d'engagement et crédits de paiement. Cette technicité accrue doit être accompagnée du soutien de l'État, afin que le budget prévisionnel de chaque université soit le plus proche possible du budget exécuté. La montée en compétences est progressive et les modifications des différentes règles de gestion et de comptabilité sont fréquentes ; il est parfois compliqué pour les établissements de les déployer : on l'a vu lors de la mise en place de la GBCP.
J'ai également entendu vos remarques sur les indicateurs qualitatifs : comment évaluer la qualité des enseignements ? Cette question est fondamentale car, actuellement, celle-ci est peu évaluée dans les établissements. Mais cela suppose parallèlement de mieux reconnaître le volet pédagogique du travail des enseignants-chercheurs, dont la carrière ne progresse pour le moment qu'au vu du seul volet recherche. Lorsque nous aurons construit de véritables indicateurs de la qualité de la formation, les enseignants-chercheurs pourront remarcher sur leurs deux jambes et leur carrière prendra enfin en compte cet engagement. Fin mars, nous avons entamé des discussions avec les représentants des organisations syndicales sur l'évaluation de la qualité des enseignements, afin de pouvoir agir tant sur les indemnités que sur la progression de carrière.
Le problème se pose également au niveau européen et je l'ai donc évoqué avec mes collègues chargés de l'enseignement supérieur : malheureusement, la même situation s'observe à peu près partout en Europe.
Par ailleurs, nous devons mieux articuler la nécessaire autonomie des universités – à laquelle elles sont extrêmement attachées – avec leur rôle d'opérateurs de l'État : elles doivent répondre aux demandes de l'État, notamment pour ce qui touche à la prise en charge et à l'accompagnement des étudiants vers la réussite. C'est tout le sens du dialogue très approfondi que nous avons engagé avec les présidents d'universités afin de vérifier que les financements supplémentaires accordés par l'État dans le cadre de la loi ORE étaient bien destinés à soutenir la stratégie portée par ce dernier, dans le respect bien entendu de l'autonomie universitaire. Les établissements vont progressivement s'y réhabituer : du reste, la majorité d'entre eux ne confondent pas autonomie et indépendance. Ils sont conscients de leur rôle d'opérateur de l'État. Mais il est plus simple de partager une stratégie commune, comme avec les organismes de recherche car nous signons avec eux un contrat d'objectifs, ce qui n'est pas encore le cas des universités. Nous allons nous y atteler.
Vous avez évoqué le CIR. Je crois sincèrement qu'on lui fait parfois de mauvais procès. Il ne devrait pas y avoir à cet égard de sujet tabou. Quelle est la réalité actuelle ? Les entreprises ont le choix d'implanter – ou pas – leurs centres de R&D en France, en fonction de la qualité de l'écosystème. D'où l'importance de faire savoir à toutes les entreprises, qu'elles soient des PME ou des grands groupes, qu'elles peuvent non seulement travailler avec les écoles, mais aussi avec les chercheurs et le monde universitaire. Dans ce contexte, le CIR est bien évidemment à l'origine d'une partie de l'attractivité du système. Cela ne nous empêche pas d'être exigeants, de préciser les effets que l'on en attend et de vérifier qu'on les obtient bien.
En matière de crédits d'impôt, la stabilité est fondamentale. Nous pouvons éventuellement faire évoluer le dispositif à la marge, travailler à sa meilleure compréhension, à sa simplification, mais nous devons toujours évaluer précisément les effets, parfois inattendus, de ces réajustements.
Il me semble que l'on fait également un faux procès au CNOUS et aux CROUS. Vous avez raison, le pilotage par le CNOUS des différents CROUS est toujours perfectible. Le directeur du CNOUS y a travaillé et a réussi à identifier les complexités administratives qui retardaient souvent le paiement à date des bourses par les CROUS. Parfois, on a démesurément compliqué les systèmes et tout le monde en pâtit : tout n'est donc pas imputable à des erreurs de gestion des CROUS… Dès 2018, grâce à la simplification des dispositifs, les bourses devraient être payées à date. Ce qui prouve l'intérêt de s'asseoir autour d'une table, d'analyser les difficultés et de proposer des solutions pour les résoudre, plutôt que de critiquer la gestion et les responsables des organismes. Il suffit parfois de relâcher un peu le système, devenu trop complexe, pour que les choses se remettent à tourner normalement. Tous les opérateurs publics de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation ont à coeur d'accomplir leurs missions de service public. À nous de faire en sorte qu'ils puissent le faire le mieux possible, en comprenant les difficultés auxquelles ils sont confrontés.