Je suis très heureux de vous présenter aujourd'hui cette proposition de résolution sur la gouvernance de la zone euro en ma qualité de rapporteur pour la commission des finances bien sûr, mais également de co-auteur de cette proposition, avec Michèle Tabarot. Cette proposition fait suite à un rapport adopté la semaine dernière à l'unanimité par la commission des affaires européennes et je me réjouis de pouvoir vous présenter cette deuxième version.
Je voudrais d'abord vous indiquer le contexte qui nous amène aujourd'hui à envisager la réforme de la zone euro.
Depuis dix-sept ans, l'euro est au coeur de la vie quotidienne de 340 millions d'Européens : il occupe maintenant une place centrale sur la scène internationale puisque 31,3 % des échanges internationaux sont en euros. Il contribue au financement de nos services publics, de façon indirecte, comme au financement des services publics des États membres. Il est devenu le symbole visible d'une politique européenne qui, malgré des difficultés, reste un succès. Aujourd'hui, 75 % des citoyens des pays membres de la zone euro pensent que l'euro est bon pour l'Union européenne.
Cela dit, la crise de la dette européenne a mis en exergue les manquements institutionnels de la gouvernance de la zone euro.
Soyons clair, c'est l'intervention de la BCE en 2012 qui a permis de sauver la zone euro et non une gouvernance solide et démocratique, alliant solidarité et responsabilité –gouvernance qui devrait être la pierre angulaire de n'importe quelle union monétaire.
Le constat des insuffisances de la zone euro est largement partagé par l'ensemble des pays membres, des économistes et des citoyens ayant pâti des crises économiques, même si chacun en tire des conclusions différentes. Ce constat a été la source de plusieurs documents appelant à une refonte de sa gouvernance.
Annoncées depuis 2015, dans le rapport des cinq présidents, les propositions de la Commission européenne qui nous concernent aujourd'hui ont été présentées le 6 décembre 2017 et des précisions supplémentaires y ont été ajoutées le 31 mai 2018.
Compte tenu de ces précisions très récemment apportées par la Commission, j'ai déposé quatre amendements, plus rédactionnels que de fond, qui permettent de mettre à jour le texte initial.
Les propositions de la Commission européenne s'articulent autour de deux axes essentiels à la stabilité de la zone euro, qui se traduisent par certains mécanismes visant à encourager une plus grande responsabilité des États membres et permettent d'assurer une plus grande solidarité entre eux.
Pour prendre ces propositions une par une, la Commission propose d'abord de transposer dans le droit de l'Union européenne un certain nombre de traités ou d'outils décidés dans l'urgence de la crise.
La première proposition consiste à transformer le Mécanisme européen de stabilité en un Fonds monétaire européen (FME), qui fournirait notamment le filet de sécurité nécessaire à l'Union bancaire européenne et verrait sa responsabilité devant le Parlement européen et les parlements nationaux renforcée. C'est un pas vers une communautarisation de l'outil qui assure plus de solidarité en redéfinissant les processus décisionnels.
Deuxièmement, la Commission propose d'intégrer dans le cadre juridique de l'Union européenne, le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l'Union européenne (TSCG), ou « pacte budgétaire ». Si je me félicite de cette proposition, je regrette cependant que cette transformation ne s'associe pas à une véritable réflexion sur l'efficacité et la lisibilité des règles économiques et budgétaires.
Ces travaux s'inscrivent dans la continuité d'autres projets, qui permettront de renforcer la stabilité financière de la zone euro. Je parle notamment de l'Union bancaire et du pilier qui lui fait défaut : un système commun de garantie des dépôts, dont la finalisation permettra de protéger de façon équivalente l'ensemble des épargnants européens. Pareillement, l'approfondissement de l'union des marchés des capitaux est essentiel à l'économie de rupture qui sera l'économie de demain, comme à nos PME et à nos TPE.
J'en viens aux nouveaux outils précisés depuis le 6 décembre.
La Commission a proposé un mécanisme européen de stabilisation des investissements (MESI) qui, doté de 30 milliards d'euros, fournirait aux États membres de la zone euro, ainsi qu'au Danemark, des prêts pour soutenir les investissements publics dans les États qui subissent des chocs asymétriques de grande ampleur.
Le mécanisme est aussi doté d'une forme de subvention : le coût des intérêts de ces prêts sera couvert par les bénéfices des banques centrales de l'Eurosystème.
L'accès à ce mécanisme sera soumis à une stricte conditionnalité : les critères d'éligibilité sont fondés sur le respect des décisions et recommandations formulées dans le cadre de la surveillance budgétaire les deux années qui précèdent la demande d'assistance financière.
Cette proposition est un premier pas permettant une vraie solidarité en cas de crise, en même temps qu'elle incitera les États membres à une plus grande responsabilité budgétaire. Mais nous devons imaginer un instrument de stabilisation macroéconomique plus ambitieux.
Nous pourrions envisager, comme le propose l'amendement de notre groupe, un mécanisme de stabilisation protégeant directement les Européens en temps de crise. Une forme de sur-assurance chômage aurait un effet stabilisateur évident. Qui plus est, elle permettrait de dessiner les contours du visage d'une Union plus protectrice en créant un lien direct entre nos concitoyens les plus fragilisés et l'Union.
Afin de permettre l'établissement d'une telle forme de solidarité, il est indispensable d'aider les économies européennes à converger et à conduire les réformes structurelles nécessaires.
La Commission européenne propose ainsi un programme d'appui aux réformes de 25 milliards d'euros, qui serait doté de trois outils : un premier outil de 22 milliards pour soutenir la mise en oeuvre des réformes introduites dans les domaines définis dans le cadre du semestre européen ; un deuxième instrument d'appui technique, doté de 840 millions, qui vise à apporter aux États membres un soutien et une expertise dans la conception des réformes répondant aux priorités nationales ; un troisième mécanisme de soutien à la convergence, doté de 2,16 milliards, destiné à soutenir les États membres qui n'appartiennent pas à la zone euro dans la perspective de l'adoption de la monnaie commune.
Ces trois outils reposent sur un principe d'incitation à la mise en oeuvre de réformes parfois techniques, parfois financières. Le renforcement de la convergence et de la compétitivité qui en découlerait renforcerait la responsabilité de chacun.
La création d'un ministre européen de l'économie et des finances, autre élément du paquet de la Commission, pourrait renforcer la légitimité démocratique de la gouvernance de la zone euro. Mais, en l'absence de mandat clair pour un tel ministre, la proposition de la Commission reste très institutionnelle. En l'état, elle ne permet pas d'envisager une avancée vers une gouvernance démocratique. Nous devons donc inscrire ce débat dans les réflexions autour d'un budget de la zone euro. C'est le sens du second amendement déposé par le groupe La République en Marche.
En conclusion, le constat est là : la gouvernance de la zone euro doit être renforcée pour assurer la pérennité de notre monnaie commune et protéger efficacement nos citoyens. L'embellie économique relative que nous connaissons à travers l'Europe nous ouvre une fenêtre pour compléter la zone euro, et nous devons donc agir maintenant.
Une vraie question politique se pose à propos de l'articulation entre les pays membres et non membres de la zone euro. Je suis convaincu que, quelle que soit la réponse, elle ne doit, en aucun cas, amoindrir les ambitions de la Commission européenne formulées pour les États membres.
Cette solidarité et cette responsabilité sont les conditions sine qua non du renforcement de la confiance entre les États membres et doivent être coeur de la zone euro : seule leur articulation protégera nos concitoyens des aléas de la mondialisation.