Intervention de Gérard Collomb

Réunion du jeudi 7 juin 2018 à 18h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Gérard Collomb, ministre d'État, ministre de l'intérieur :

Je voudrais commencer par rappeler quelques éléments de contexte. La DSIL a été créée après que les dotations ont baissé de 10 milliards d'euros sur quatre ans. Cette baisse a entraîné un effondrement de l'investissement, qui a chuté de 8 % en 2014 et en 2015, et de 3 % en 2016 – un gestionnaire de collectivité qui doit faire face à une baisse des dotations commence par couper dans les investissements, la régulation du fonctionnement demandant toujours plus de temps. Le Gouvernement d'alors a réagi à cette chute des investissements en créant la DSIL.

Des esprits avisés ont fait remarquer que la DSIL devenait inutile à partir du moment où l'on n'agissait plus par baisse des dotations et que les collectivités locales retrouvaient les moyens d'investir. D'autant qu'il a été décidé que l'effort de réduction des dépenses de fonctionnement, avec une augmentation limitée à 1,2 % par an, ne concernerait que les 322 plus grandes collectivités locales. Cela fait que celles qui sont très éloignées, comme vous l'avez dit, des centres de décision, ne sont pas touchées et peuvent reprendre l'investissement comme elles le souhaitent, dès lors qu'elles disposent de ressources stables et bénéficient d'une marge de manoeuvre plus importante.

Le maintien de la DSIL n'était donc pas évident et des coupes ont été envisagées pour 2018. Pour être tout à fait transparent, le niveau de la dotation n'est pas le même, puisque la part gérée par le ministère de la cohésion des territoires a vu sa ligne passer de 246 millions à 0 million. D'autre part, la réserve parlementaire a été supprimée, et seuls 50 millions, sur les 74 millions, ont été versés à la DETR. On peut donc dire que la baisse des dotations atteint 270 millions. Mais l'essentiel a été préservé et la ligne DSIL est conservée pour les prochaines années.

Faut-il une loi de financement des collectivités territoriales ? J'ai la chance d'être un ministre de l'intérieur qui a été gestionnaire d'une collectivité locale. Je connais donc les deux côtés, si je puis dire. Si l'on fixe un taux de manière globale pour les collectivités territoriales dans une loi de financement, cela peut donner le meilleur comme le pire. Évidemment cela assurerait une certaine prévisibilité, mais on peut aussi craindre que ce taux soit raboté au gré de la conjoncture, année après année. Ce serait alors une sorte d'ONDAM des collectivités locales qui fluctuerait selon les majorités et les époques. L'ancien président de CHU que je suis sait quels problèmes cela peut poser.

La question d'une loi de finances dédiée aux collectivités mérite donc d'être examinée de près, mais je ne suis pas certain que la direction compétente en matière de finances locales à Bercy – et je parle évidemment des services, et non du ministre – perçoive cela de la même façon que les collectivités locales elles-mêmes.

Faut-il faire basculer la DGD de la mission Relations avec les collectivités territoriales vers les prélèvements sur recettes ? Les dotations générales de décentralisation, qui s'élèvent à 1,3 milliard euros, sont libres d'emploi et garanties constitutionnellement au titre de la compensation et des transferts de compétences. Leur transformation en prélèvements sur recettes ne changerait strictement rien aux montants servis actuellement. La seule différence concernerait le montant des crédits mis en réserve de précaution en début de gestion : aujourd'hui, on applique le taux de 3 % de mise en réserve sur une assiette incluant les crédits de la DGD. Bien évidemment, cette dotation étant constitutionnellement due, les crédits ainsi gelés ne sont pas annulés, et le dégel est systématiquement demandé et obtenu.

Vous me demandez si nous sommes prêts à clarifier l'organisation et les concours financiers de l'État aux collectivités territoriales, avec une définition plus précise du périmètre des dotations budgétaires et des prélèvements sur recettes. Je suis partisan de la transparence la plus totale, y compris d'ailleurs s'agissant de la DGF et de ses différentes variantes. Vous avez très justement évoqué les effets provoqués par une diffusion partielle de l'information : lorsque nous annonçons que les dotations cessent de baisser globalement, parce que les situations sont extrêmement complexes et tiennent compte de multiples variables, il se trouve toujours un acteur pour dénoncer un mensonge parce que sa propre DGF a baissé, alors que ceux qui enregistrent une hausse de leur dotation se gardent bien de le crier sur les toits. Je connais quelques préfets qui ont eu du mal à répondre aux élus qui montaient au créneau parce que l'administration centrale n'avait pas encore communiqué aux services déconcentrés le panorama global de la situation et des éléments d'information indispensables. Dès cette année, dans un souci de transparence et de pédagogie, nous mettrons à la disposition de tous, sur internet, les informations relatives à chaque commune. La même transparence devra être assurée s'agissant des dotations d'investissement. La connaissance précise des données constitue la meilleure garantie pour que les crédits soient bien utilisés.

J'ai été interrogé sur la sous-consommation des crédits. Tout d'abord, lorsque de gros investissements sont décidés – la DSIL était prévue pour de plus gros investissements que la DETR –, il est plus difficile de reprendre un projet arrêté. Ensuite, les crédits avaient été calqués sur ceux de la DETR alors qu'avec la DSIL, pour laquelle les dépenses sont plus élevées, les études préalables sont plus importantes, ce qui provoque un temps de retard à l'origine d'une surbudgétisation. Du point de vue des collectivités au moins, il vaut mieux que cela se produise dans ce sens.

Permettez-moi de donner quelques exemples qui montrent que nous nous adaptons aux territoires.

Dans le département de l'Essonne, en 2017, le montant moyen des subventions de DSIL s'élevait à 853 725 euros. La plus petite subvention de DSIL a été attribuée pour des travaux de scolarisation des abords d'une école, pour 10 240 euros, et la subvention la plus importante a été attribuée à Coeur d'Essonne Agglomération, pour 3,4 millions d'euros. Les grands spécialistes de la géographie politique pourront faire le bilan de ces subventions.

Dans le département du Cantal, en 2017, le montant moyen des subventions DSIL s'élève à 133 300 euros. Les montants versés vont de 4 700 euros pour le plus petit dossier, à 567 000 euros pour le plus gros.

En Haute-Loire, le montant moyen des subventions attribuées au titre de la part des grandes priorités de la DSIL s'élevait à 102 000 euros, allant de 8 000 euros à 323 000 euros. À titre de comparaison, le montant moyen de subventions attribuées au titre de la DETR s'élevait à 32 926 euros, en 2017, soit trois fois moins que pour la DSIL. On voit bien la différence qui peut exister dans l'utilisation des deux dotations.

S'agissant de la Seine-Saint-Denis, le montant moyen des subventions DSIL s'élève à 671 175 euros. Le système de vidéoprotection de Saint-Denis a par exemple bénéficié de 512 000 euros, soit près de la totalité du coût du projet, qui était de 642 000 euros. Il en a été de même à Villetaneuse, avec un montant de subvention de 152 000 euros pour un projet d'un montant total de 192 000 euros.

À La Réunion, une stratégie de ciblage de quelques opérations structurantes a été privilégiée. Les préfets prennent des décisions selon ce qu'ils jugent être les priorités de leur territoire – ils peuvent viser des projets structurants ou assurer une répartition plus large. Une stratégie a été mise en place pour quelques opérations structurantes et une enveloppe de 5,1 millions d'euros a été concentrée sur dix opérations dont le coût total allait de 518 000 euros à 7,7 millions d'euros.

La DSIL est concentrée sur les territoires urbains alors que la DETR l'est sur des territoires ruraux avec de plus petits projets.

Le coût moyen des projets financés par la DSIL est près de trois fois plus élevé qu'avec la DETR – soit 520 000 euros contre 176 000 euros.

L'effet de levier de la DSIL est estimé à 4,50 euros pour 1 euro investi, alors qu'il s'élève à 3,70 euros pour la DETR. Je reconnais que l'analyse ex post est intéressante car le pays a intérêt à ce que cet effet de levier joue en faveur du développement d'un territoire.

Faut-il rendre la compensation des transferts de charges intégrale et évolutive ? Comme je l'ai dit, j'ai eu les deux casquettes : je sais comment raisonnent les gestionnaires de collectivité. Si c'est un autre qui paie, ils ont tendance à faire plus beau. Par rapport au moment du transfert, le projet peut « évoluer », comme le disait M. Charles de Courson, et, du point de vue des coûts, c'est bien rarement à la baisse – les plus vertueux souhaitent évidemment faire faire des économies à l'État. Autrement dit, l'idée pourrait être coûteuse pour les finances publiques.

Il faut en revanche se garantir contre le phénomène inverse, si je puis dire, lorsque la compensation baisse année après année. L'enveloppe normée étant aujourd'hui sous plafond, tout ce qui est récupéré est pris à quelqu'un d'autre. C'est un jeu à somme nulle.

J'ai été interrogé sur l'association des parlementaires à la gestion des crédits de la DETR et de la DSIL. S'agissant de la DETR, les parlementaires sont déjà associés à la définition de catégories d'emploi au niveau local au sein d'une commission d'élus. Dans les départements comptant moins de cinq parlementaires, ces derniers siègent tous dans cette commission ; dans les départements comptant plus de cinq parlementaires, deux sénateurs et deux députés siègent à la commission – ils ont été désignés cette année par le président de l'Assemblée et par celui du Sénat, ce qui peut permettre une diversité de représentation, en raison des sensibilités politiques différentes de ces autorités.

J'ai souhaité que les préfets puissent disposer des crédits de la DSIL, car il est important que l'État local soit en mesure d'intervenir financièrement en soutien des investissements publics selon les priorités stratégiques qu'il se donne. Nous voulons faire la transparence en communiquant aux parlementaires et aux membres des commissions départementales d'élus de la DETR la liste des projets subventionnés au titre de la DSIL. Si les préfets n'avaient plus véritablement d'outils pour agir, je craindrais qu'ils ne deviennent des autorités purement symboliques. Pour ma part, j'ai toujours été favorable à la coexistence de représentants de l'État forts à côté de représentants des collectivités locales forts. Je pense que c'est comme cela que les choses sont le mieux gérées.

Monsieur le rapporteur général, la gestion de la DSIL a été confiée aux préfets de région. Nous verrons ce qu'ils auront accompli. Je réunis l'ensemble des préfets tous les mois, et je garde le soir les préfets de région pour discuter avec eux des grandes orientations, en particulier en matière d'investissements. Contrairement aux pratiques de ministres qui m'ont précédé, je n'ai gardé aucune réserve ministérielle. J'ai souhaité faire confiance aux préfets afin qu'ils définissent les grandes priorités sur leur territoire, avec les élus locaux. Il me semble préférable de choisir des priorités depuis le terrain, plutôt que vu d'en haut, depuis l'administration centrale. J'ai tout de même gardé quelques réflexes de mon passé.

Nous avions débattu de la DCRTP. Disons qu'un « effet de grâce » a finalement permis de revenir sur la baisse prévue de 107 millions d'euros. Vous souhaitez que les communes bénéficient de cette situation, mais je le rappelle : ce qui est donné d'un côté est repris de l'autre. Les grands mouvements de bascule peuvent avoir des effets secondaires, et poser de réels problèmes. Je ne suis pas sûr que cette mesure ne soit pas l'une des explications des réactions que nous avons observées sur le terrain chez ceux qui voyaient leur dotation reculer.

Je suis évidemment d'accord pour clarifier les concours financiers de l'État. Un site internet dédié permettra, dès la fin de l'année 2018, de prendre connaissance de l'ensemble de l'utilisation de ces crédits.

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