Intervention de Gérard Collomb

Réunion du jeudi 7 juin 2018 à 18h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Gérard Collomb, ministre d'État, ministre de l'intérieur :

À Lyon – et c'est un des secrets de la réussite de la métropole –, je me suis efforcé de maximiser l'investissement privé à partir de l'investissement public. Je développais ainsi des éléments d'investissement structurants, de sorte que, pour un euro d'argent public, sept à huit euros d'argent privé étaient investis. Cela crée une dynamique de développement extraordinaire ! Il faut donc étendre cette stratégie à l'ensemble du territoire, et je demanderai aux préfets d'y veiller.

Il existe d'autres indicateurs. On oppose souvent territoires urbains et ruraux. Mais une excellente étude de France Stratégie montre que certaines métropoles sont diffusantes – elles parviennent à développer autour d'elles un vaste hinterland – tandis que d'autres sont plus fermées et aspirent, au contraire, les autres territoires. Or, lorsque vous interrogez les élus concernés, ils se rejettent la faute. J'ai donc demandé aux préfets de prendre en compte cet élément, car c'est à cette condition que les métropoles sont une chance.

Madame Pires Beaune, je suis tout à fait d'accord avec vous, nous sommes actuellement enfermés dans une sorte de cercle vicieux dû au manque de confiance. D'un côté, les élus s'abstiennent de déposer un projet ou d'engager des travaux par crainte de ne pas obtenir les financements de l'État ; de l'autre, l'État refuse de financer si les travaux ne sont pas engagés. Il faut sortir de ce cercle vicieux si l'on veut améliorer les relations entre l'État et les collectivités territoriales. La DETR et la DSIL ont-elles connu des retards de paiement en 2017 ? À la fin de l'année 2017, nous n'avions aucun impayé. Il est possible que des projets n'aient pas été engagés mais, pour ceux qui l'ont été, l'ensemble des crédits de l'État ont été versés.

M. Roseren a très bien illustré l'un des effets du FPIC, effet qui ne lui est pas propre, du reste : on observe le même phénomène à propos des dotations. Le FPIC étant, comme la dotation globale, une enveloppe fermée, ce que l'on donne aux uns, on le prend aux autres. Il est vrai que certaines communes peuvent être particulièrement touchées ; c'était le cas de la communauté urbaine, puis de la métropole de Lyon. Au lieu de récompenser la vertu – la création de la métropole –, celle-ci s'est vu infliger, au motif qu'elle était riche, une contribution au FPIC chaque année plus importante.

Madame Cattelot, certaines communes rurales peuvent percevoir la DETR alors qu'elles appartiennent à une métropole – et celle de Lille est assez étendue, puisqu'elle comprend 109 ou 110 communes. Au sein de la métropole de Lyon, par exemple, certaines très petites communes peuvent également avoir des difficultés à financer quelques investissements. Du reste, je me souviens d'avoir, au temps où elle existait, attribué ma réserve parlementaire, non pas à la ville de Lyon, qui avait les moyens de financer ses associations, mais à une petite commune dont le musée, consacré à Ampère, figure emblématique de Lyon internationalement reconnue, tombait en ruine. Si l'on supprimait la DETR à toutes les petites communes rurales au sein des ensembles métropolitains, on manquerait, me semble-t-il, notre objectif. Il faut y être attentif.

Je rappelle, pour ceux qui la connaissent mal – ce qui n'est pas le cas de Mme Motin –, que la métropole de Lyon résulte de la fusion, sur le territoire de l'agglomération, de l'ancien conseil général et de l'ancienne communauté urbaine. Cette fusion a permis, tout d'abord, de supprimer vingt-neuf postes de conseillers généraux – ils ne m'en ont pas immédiatement félicité... Elle a eu un autre effet : comme la métropole est une collectivité à part entière, ses conseillers doivent être élus au suffrage universel. C'est là que le bât blesse, car certains estiment que le système ancien avait le mérite de permettre la représentation de chaque commune. Cela conduira donc forcément à des rassemblements et à la formation de communes nouvelles, ce qui est une bonne chose, mais cela peut soulever certaines difficultés transitoires.

Sur le fond, cette fusion nous a permis de beaucoup mutualiser. Par exemple, en matière d'action sociale, le conseil général, la ville de Lyon, voire la communauté urbaine avaient chacun un guichet : désormais, il n'y en a plus qu'un au lieu de trois. Cela n'a pas été facile à faire, mais nous avons réduit les coûts de fonctionnement. Ainsi nous respectons, je crois, la limite imposée à l'augmentation des dépenses de fonctionnement, qui est de 1,2 %, bien que nous ayons repris une dette du conseil général de 170 millions liée à des emprunts toxiques. J'aimerais que d'autres métropoles suivent le même chemin, mais je ne suis pas certain qu'elles le fassent tout de suite – à moins que je ne l'impose de manière un peu centralisée. En tout cas, il me semble que c'est l'avenir.

En effet, il n'existe que deux moyens de réduire les dépenses publiques : les réformes de structure ou les coups de rabot. Il me semble que les premières sont préférables. Certes, toute réforme de structure suscite des résistances – y compris dans les ministères, qui fonctionnent également en silos. Mais si nous voulons progresser, en France, il faut que nous ayons le courage de mener ce type de réformes. On a évoqué la Seine-Saint-Denis, par exemple. Actuellement, le système de fonctionnement de Paris et de la petite couronne est, selon moi, une aberration. Il devrait donc être profondément réformé pour permettre l'élaboration d'un projet global, car les opérations d'urbanisme réalisées commune par commune ou dans de toutes petites intercommunalités n'ont guère de sens. Je l'avais dit, avant la réforme, aux maires de Clichy-sous-Bois et de Montfermeil, qui souhaitaient faire de la rénovation urbaine : à quoi bon mener de telles opérations si elles ont pour seule conséquence de déplacer les pauvres de Clichy vers Montfermeil et ceux de Montfermeil vers Clichy ? En revanche, dans une grande métropole, on peut réaliser une véritable rénovation urbaine, qui consiste, non pas à remettre un coup de peinture, mais à changer la population de manière à favoriser la mixité sociale. En effet, à une grande échelle, il est possible, par exemple, de prévoir 30 % de logements sociaux dans les programmes neufs et de faire en sorte de diminuer le taux de logements sociaux dans les quartiers où il atteint 95 %. C'est ce qu'il faut faire, en région parisienne et ailleurs. Ces derniers temps, j'ai visité un certain nombre de villes et je peux vous dire que, lorsqu'on voit l'état du bâti, dans certains quartiers ghettoïsés et paupérisés, on se dit qu'il va être compliqué de faire de la reconquête républicaine. Voilà les problématiques qui sont devant nous.

En ce qui concerne les fonds européens, monsieur Alauzet, nous nous sommes interrogés. Lorsque les collectivités utilisent ces fonds à leur profit, ils sont comptabilisés dans les contrats de maîtrise de la dépense ; en revanche, lorsqu'elles ne font que les recueillir pour les reverser à des associations, par exemple, ces dépenses ne sont pas prises en compte. Voilà ce que nous avons indiqué aux préfets. Ensuite, que les élus locaux s'interrogent, dans la perspective d'un investissement, sur le coût de fonctionnement que celui-ci va entraîner, c'est le b.a.-ba car, s'ils ne respectent pas cette règle, ils risquent fort de ne pas être réélus ! De fait, si vous ne maîtrisez pas vos dépenses de fonctionnement, vous êtes obligés d'augmenter les impôts ; or, comme vous êtes un peu novice, vous vous y prenez la dernière année et les électeurs vous disent au revoir.

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