Intervention de Hervé Morin

Réunion du mardi 15 mai 2018 à 18h15
Commission des affaires sociales

Hervé Morin, président de Régions de France :

J'imagine que Laurent Wauquiez vous répondra que ces chiffres sont inexacts mais je ne rentrerai pas dans ce débat car je ne puis répondre à sa place. En revanche, je peux vous répondre concernant la région Normandie que c'est en 2016 que nous sommes arrivés à la tête des régions. Nous avons organisé un Grenelle de l'apprentissage si bien que la région Normandie consacre entre 10 et 15 millions d'euros de plus à l'apprentissage que ce qu'elle perçoit au titre de la taxe d'apprentissage. Ce Grenelle de l'apprentissage nous a donc permis de définir un plan d'investissement nettement plus important qu'en 2016.

Plus globalement, les jaunes budgétaires nous renseignent quant à l'effort des régions en matière de financement de l'apprentissage. Les régions dépensent 1,963 milliard d'euros en ce domaine et ont perçu 1,685 milliard. Leur effort net fut donc de 278 millions en 2016. L'apprentissage touche ainsi plus de crédits qu'il n'en reçoit des entreprises. Ajoutez à cela que les majorités régionales ont changé – je pense par exemple à l'Île-de-France et à PACA, où Valérie Pécresse et Renaud Muselier ont décidé d'augmenter considérablement l'effort en faveur de l'apprentissage. Que certaines régions aient profité du système pour se fixer d'autres priorités, on ne dira pas le contraire, mais ces régions ont changé de majorité et consacrent aujourd'hui beaucoup plus d'argent qu'elles n'en touchent au profit de l'apprentissage. Il faut donc arrêter ce procès. De plus, ce chiffrage ne prend pas en compte les coûts de fonctionnement des personnels chargés de la gestion de l'apprentissage dans les régions ni l'ensemble des soutiens périphériques que j'évoquais tout à l'heure. Le solde net en faveur de l'apprentissage est donc de près de 300 millions d'euros, auxquels il faudrait ajouter les efforts faits en faveur de la mobilité, les aides à l'équipement etc. Il est donc archifaux de considérer que les régions en profitent pour se goinfrer sur le dos de l'apprentissage comme je l'ai entendu à plusieurs reprises. Il est vrai que certaines régions ont fait plus d'efforts que d'autres mais l'Île-de-France consacrait moins d'argent à la formation professionnelle du temps de M. Huchon qu'aujourd'hui. Cela étant, les libertés locales sont là pour que les exécutifs locaux qui tirent leur légitimité du suffrage universel mènent des politiques sensiblement différentes.

La numérisation des contenus de formation nous renvoie à la nécessité de pouvoir appréhender la diversité des situations. L'intérêt d'un système piloté au plus près est qu'il permet aux organismes de formation d'innover et d'inventer de nouvelles solutions pédagogiques dans le cadre des conventions d'objectifs et de moyens que les régions signent avec eux. Dès lors que vous fixez un prix national, cela devient beaucoup plus compliqué. Les innovations pédagogiques pourront certes être financées par les régions dans le cadre du fonds d'aménagement des territoires mais elles ne pourront être appréhendées autrement que dans le cadre d'un dialogue avec les régions. Si nous réclamons le pilotage de la formation professionnelle, c'est en effet pour favoriser les innovations pédagogiques.

Les chiffres de 250 et 280 millions d'euros ne sont pas dans le texte, qui ne fait qu'évoquer un fonds d'aménagement du territoire et un fonds d'investissement. Si le premier fonds s'élève à 250 millions d'euros, certaines régions seront incapables de financer des déficits beaucoup plus lourds que ce que vous croyez, à moins que les centres de formation ne décident tout simplement de fermer toute une série de formations à faible effectif, ce qui est une autre façon d'ajuster l'offre et la demande.

Je suis totalement d'accord avec Mme Dubié concernant le sort des formations interprofessionnelles, sujet que j'ai oublié d'évoquer dans mon propos introductif. La construction du modèle d'organisation et le pilotage des formations de back office des entreprises – formations socles pouvant intéresser différentes branches – va être extrêmement compliquée et je n'ai pas le sentiment qu'on ait trouvé de solution à ce sujet.

Pardonnez-moi si j'ai dit que 700 centres de formation allaient fermer : il s'agit de 700 centres dans lesquels certaines formations vont fermer. Nous vous donnerons notre méthode de calcul, comme nous l'avons donnée à l'Élysée et au Gouvernement, et vous aurez la liste précise des formations qui vont fermer. Dans ma région, je puis vous dire quelles formations seront concernées, à partir d'hypothèses qui ont été construites très sérieusement. Quand nous avons discuté avec Muriel Pénicaud du niveau de ce fonds d'aménagement du territoire, nous avons demandé à nos services d'évaluer à la louche les besoins du système et nous nous sommes rendu compte qu'en deçà de 400 millions d'euros, ce serait infaisable et qu'à 250 millions on serait très loin du compte. Ce n'est pas parce que le budget de la région Normandie va s'effondrer de 30 ou 40 millions d'euros que le rôle de la région va changer : la question est plutôt de savoir si l'on s'apprête à construire un système efficace à partir d'un modèle nouveau. Ces 400 millions ne représentent que 10 % de la ressource globale, ce qui n'est pas énorme. Par conséquent, si le Gouvernement ne prévoit que 250 millions, on ne sera pas dans les clous.

Enfin, vous avez entièrement raison concernant la représentation des métiers, monsieur Chiche, mais nous n'avons pas la compétence en matière d'orientation. La question cruciale de la représentation des métiers ne concerne d'ailleurs pas que les métiers liés à l'apprentissage : regardez combien il y a de femmes dans les entreprises du numérique et dans les startups. Quand il y a quelques femmes sur un plateau technique d'une cinquantaine de collaborateurs, c'est le bout du monde ! On apporte pour l'instant très peu de solutions à ce problème colossal. Nous prenons chacun et chacune des initiatives, l'éducation nationale aussi, mais nous avons besoin dans le pays non seulement d'avoir une autre représentation des métiers de l'apprentissage mais aussi des métiers du numérique, ce qui suppose d'intégrer l'idée d'une culture scientifique qui soit partageable aussi bien par les hommes que par les femmes.

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