J'ai l'honneur de vous présenter les observations de la commission des affaires européennes sur le présent projet de loi.
Ce texte contient en effet des dispositions importantes concernant d'une part la mobilité européenne des apprentis et des salariés en contrat de professionnalisation, d'autre part le détachement des travailleurs.
En ce qui concerne la mobilité européenne, les opportunités offertes à la jeunesse sont déséquilibrées de manière flagrante. Depuis sa création, 615 000 étudiants ont bénéficié du programme Erasmus, contre seulement 25 600 apprentis pour des durées bien plus faibles, de deux à trois semaines en moyenne.
Le texte prend en compte les préconisations très pertinentes du rapport Arthuis et représente un progrès significatif. Il complète ainsi le statut de l'apprenti mobile, inscrit dans la loi en janvier dernier, et il l'étend au contrat de professionnalisation. Il s'agit, par exemple, d'inscrire la promotion de la mobilité internationale dans les missions des centres de formation d'apprentis (CFA), ou de faciliter la mobilité des personnes en contrat de professionnalisation, en suspendant certaines obligations de l'employeur pendant la durée de la mobilité et en garantissant la couverture sociale du salarié.
Ces dispositions sont très positives. Elles font écho aux témoignages que j'ai pu recueillir lors d'une consultation citoyenne sur l'Europe. Les jeunes apprentis souhaitent cette mobilité. Quoi de plus positif pour l'Europe que d'avoir des jeunes Français qui partent en ambassadeurs de notre pays et reviennent en ambassadeurs du pays qui les a accueillis ?
En résumé, nous nous réjouissons du fait que la France montre le chemin en Europe pour créer un futur statut de l'apprenti européen. Il faudra toutefois être vigilant et s'assurer que ces facilités administratives se traduisent dans les faits. Il faut travailler sur l'accompagnement linguistique des jeunes volontaires et inciter tous les acteurs – branches, CFA – à s'emparer de ces nouvelles possibilités pour s'assurer de leur réussite.
Il faut aussi créer les conditions d'une mobilité entrante des apprentis en provenance des pays européens. Nous avons en France des filières d'excellence à faire valoir : dans le domaine de l'art de vivre à la française – la restauration, l'hôtellerie et les métiers d'art – mais aussi dans les domaines scientifiques et industriels, je pense à l'utilisation du numérique dans le domaine de la santé. Il faut encourager nos partenaires à adopter des dispositions analogues aux nôtres.
Concernant le détachement des travailleurs, le texte est en cohérence avec tout le travail mené par la France au niveau européen sur la révision de cette directive. Il s'agit de revenir à sa philosophie originelle : favoriser les prestations de services ponctuelles et non s'exposer à une concurrence déloyale du fait des différences de niveau social entre les pays de l'Union européenne. J'en profite d'ailleurs pour saluer le vote du Parlement européen sur la directive révisée.
Le projet de loi s'articule autour de deux axes : amélioration des conditions de détachement par allégement des contraintes administratives dans certains cas spécifiques ; renforcement des sanctions en cas de fraude. L'assouplissement des contraintes administratives concernera les zones frontalières par accord bilatéral ainsi que les entreprises intervenant pour de courtes durées ou exerçant des activités non susceptibles de fraude – voyages d'affaires, festivals – et celles opérant pour compte propre.
S'agissant de l'approfondissement des sanctions, le texte prévoit trois dispositifs : la hausse des amendes administratives en cas de fraude au noyau dur de la réglementation française ou de manquements aux obligations déclaratives ; l'extension des cas de décisions préfectorales de cessation d'activité pour travail illégal et la création d'un nouveau cas d'infraction de travail dissimulé pour des entreprises établies en France qui se prévaudraient néanmoins de la directive sur le détachement des travailleurs ; la diffusion automatique de certaines condamnations pour travail dissimulé selon le principe du name and shame, c'est-à-dire nommer et faire honte. Le texte prévoit aussi de donner plus de moyens à l'administration pour qu'elle puisse jouer son rôle, et il étend les pouvoirs de l'inspection du travail – accès aux données informatisées, nouveaux pouvoirs d'enquête.
Ces mesures pragmatiques doivent être soutenues. Il faut revenir à l'esprit du détachement des travailleurs. La France n'est pas contre une telle pratique mais elle doit lutter contre les fraudes. Il faut rappeler que la France, avec la Pologne et l'Allemagne, est l'un des trois principaux pays qui détachent des travailleurs. Nous devons toutefois rester vigilants aux négociations bilatérales qui vont concerner les zones frontalières, de manière à ce que les accords soient équilibrés et à ce qu'ils préservent nos intérêts nationaux.
En outre, l'assouplissement des formalités pour certaines catégories de détachements devra permettent de redéployer les moyens de l'inspection du travail en direction de la lutte contre les fraudes au détachement des travailleurs. Cette lutte devra être impitoyable, notamment dans les secteurs où l'on sait que les fraudes sont nombreuses : bâtiment, transports, agriculture. Je propose que l'on mette en place une évaluation de ces dispositifs au bout de deux ans, afin que l'on s'assure de leur effectivité et de leur pertinence.
De manière plus générale, j'en conclus que nous devons absolument poursuivre notre action en faveur d'un socle social européen.