La formation professionnelle et l'apprentissage sont parmi les trois besoins les plus fréquemment exprimés et les plus importants pour nos trois millions de concitoyens ultramarins. Tels sont les résultats des consultations engagées par le Gouvernement dans le cadre des Assises des outre-mer.
Les attentes que suscite cette réforme sont donc tout aussi – sinon plus – importantes au sein des outre-mer. Les réalités économiques, sociales ou géographiques de nos territoires sont cependant spécifiques.
Au plan économique, nos territoires se distinguent par la très forte prévalence des très petites entreprises (TPE) : 96 % des entreprises ultramarines appartiennent à cette catégorie, selon les chiffres de la loi de finances pour 2018. Cette réalité induit des branches peu – voire pas – structurées dans notre territoire et la faiblesse de la représentation des organisations nationales.
Au plan social, le niveau de formation initiale de la jeunesse ultramarine demeure inférieur à la moyenne nationale et le taux de décrochage scolaire est particulièrement préoccupant. Selon un rapport du 11 février 2015 du Conseil économique, social et environnemental (CESE) sur l'insertion professionnelle des jeunes ultramarins, le taux de jeunes sans diplôme reste supérieur au taux moyen national qui est de 13 %. Il est notamment de 35 % à Saint-Martin, de 38 % en Guyane, de 63 % à Mayotte. De plus, malgré des progrès récents, le taux de chômage demeure plus important dans les outre-mer que dans l'hexagone. Soulignons que le taux de chômage des jeunes âgés de quinze à vingt-quatre ans est très élevé : 55 % en Guadeloupe, 52 % à La Réunion, 46 % à Mayotte et en Guyane.
Au plan géographique, nos territoires situés en Afrique, Asie ou Océanie sont en situation de concurrence directe avec nos voisins maritimes. Cependant, cette concurrence ne se fait pas à armes égales. Dans le cas de la Réunion et de Mayotte, c'est l'Afrique du Sud qui est en train de fixer les normes en matière de formation professionnelle pour l'Afrique australe, voir l'ensemble de l'Afrique, à l'exception des pays du Maghreb. Les Sud-Africains disposent d'ores et déjà d'un rayonnement et d'une influence internationale remarquables. Ils travaillent, par exemple, étroitement avec l'Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO). À l'avenir, l'Inde ne sera-t-elle pas un concurrent encore plus redoutable ? Il s'agit de marchés dont nous sommes malheureusement absents et aussi d'échanges internationaux dans lesquels nos territoires ne s'inscrivent pas. Or la formation professionnelle représente un levier stratégique pour l'insertion de notre jeunesse dans ces bassins régionaux.
Tels sont les principaux enjeux, dressés à grands traits, veuillez m'en excuser, de la formation professionnelle dans les outre-mer. Tels sont également les motifs qui expliquent la saisine de la Délégation des outre-mersur ce projet de loi, à la demande des députés qui en sont membres.
Je tiens ainsi à saluer Justine Benin et Josette Manin, mes deux co-rapporteures : nous avons mené un travail transpartisan pour avancer au service de nos territoires et de leur développement. Je tiens aussi à remercier le président de la Délégation, Olivier Serva, pour son soutien.
Depuis le début de cette législature, c'est la première fois que la Délégation aux outre-mer se saisit sur un projet de loi. Notre travail se focalise surtout sur les collectivités régies par l'article 73 de la Constitution. En Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie, la formation professionnelle relève des compétences du pays. Nous ne proposerons qu'un amendement – important – ayant trait à ces deux collectivités, afin de donner la possibilité à France compétences de nouer des partenariats avec les agences en charge de la formation professionnelle dans ces territoires.
Faute de temps pour présenter en détail nos propositions, je vous indique qu'elles ont pour finalité de s'assurer que les spécificités des outre-mer soient bien prises en compte dans cette vaste réforme. Nous proposerons ainsi des mesures visant à la représentativité des outre-mer au sein de France compétences, à l'articulation entre organismes paritaires collecteurs agréés (OPCA) dans nos territoires et branches – peu structurées –, ou à la mobilité océanique des actifs ultramarins.
Sur ce dernier sujet, il semble désormais exister un vaste consensus sur la nécessité d'envisager la formation professionnelle dans un cadre international pour les outre-mer. Ce consensus réunit nos forces vives, nos collègues parlementaires – tous partis confondus – le député européen Jean Arthuis, et le Président de la République. Dans son rapport, Jean Arthuis propose un Erasmus de l'apprentissage spécifique aux Ultramarins. En octobre dernier, dans son discours de Cayenne, le Président de la République affirmait : « Nous devons aider les Réunionnais à aller à Madagascar ou en Afrique. Les Antilles veulent pouvoir rayonner dans la Caraïbe et échanger avec celles et ceux avec qui ils auront ou à faire commerce ou à développer des relations académiques. » Tous les acteurs se réunissent autour d'une même volonté politique.
Madame la ministre, vous avez indiqué, et je vous en remercie, que vous regarderez avec bienveillance les amendements visant à renforcer la formation professionnelle et la mobilité dans nos bassins océaniques. Il s'agirait, mes chers collègues, d'une petite révolution pour nos territoires et pour nos concitoyens ultramarins, semblable à celle qu'a constitué le programme Erasmus pour l'hexagone. Il s'agirait de permettre aux outre-mer de s'intégrer, de s'insérer dans leurs bassins régionaux et ainsi de s'ouvrir à de nouvelles ambitions et perspectives.