Nous en sommes tous d'accord : les femmes subissent de trop nombreuses inégalités professionnelles qui ne sont pas acceptables bien qu'elles soient encore, hélas, le quotidien de la vie professionnelle de la plupart d'entre elles.
Représentant environ 48 % de la population active, les femmes subissent encore de nombreuses inégalités : elles occupent 80 % des emplois à temps partiel ; elles représentent plus des deux tiers des travailleurs pauvres ; elles sont confrontées à un environnement professionnel souvent sexiste et ségrégué. Plus exposées à la précarité dans l'emploi, elles voient également leurs possibilités limitées par le fameux plafond de verre pour l'accès aux postes à responsabilités, et elles ont des déroulements de carrières moins favorables que les hommes. Ces inégalités se traduisent aussi en termes de rémunérations : en France, en 2018, les femmes gagnent environ 25 % de moins que les hommes et un écart salarial inexplicable d'environ 10 % persiste entre une femme et un homme possédant un contrat, un diplôme, une expérience et des responsabilités identiques.
En cohérence avec la grande cause nationale du quinquennat, il me semble primordial de tout faire pour mettre fin à ces inégalités et aux discriminations envers les femmes dans le monde du travail. Au regard de cet objectif et de l'importance de ces enjeux, la Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes a souhaité être saisie du projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel.
Dans cette perspective, la Délégation a organisé deux tables rondes et j'ai moi-même, en tant que rapporteur, conduit de nombreuses auditions. En outre, nous avons eu l'honneur de recevoir ce matin Mme la ministre Muriel Pénicaud, que je remercie une nouvelle fois pour sa présence et pour son engagement sans faille en faveur de l'égalité entre les femmes et les hommes.
Je me réjouis que deux problématiques d'inégalités soient abordées de front par le projet de loi : l'inégalité salariale et le harcèlement sexuel. Il me semble évident qu'il faille en finir avec le harcèlement sexuel et toute forme d'agissements sexistes et de violences sexuelles sur le lieu de travail. C'est un enjeu primordial pour la dignité des femmes et aussi celle des hommes, et une condition nécessaire pour parvenir à l'égalité professionnelle. Je soutiens donc pleinement ce dispositif, mais je pense que, pour qu'il soit efficace, il faut s'assurer de l'effectivité des voies de recours et de la pleine accessibilité aux services compétents en matière de harcèlement sexuel.
Je tiens à le répéter : ces situations ne sont pas acceptables. Nous ne parviendrons pas à une société d'égalité si nous n'éradiquons pas ces situations intolérables. Il n'est pas normal qu'une femme gagne moins qu'un homme à travail égal. Il n'est pas normal qu'une femme puisse être victime de violences sexuelles et d'agissements sexistes jusque sur son lieu de travail. Afin d'éradiquer ces inégalités, j'adhère pleinement aux dispositifs proposés par les articles 61 et 62 du projet de loi et j'aurai l'occasion d'y revenir au cours de l'examen du texte.
En outre, et c'est le sens même de mon rapport, qui a été adopté à l'unanimité par la Délégation aux droits des femmes la semaine dernière, je considère que la question de l'égalité entre les femmes et les hommes est par essence transversale. Elle irrigue donc l'ensemble des problématiques sur lesquelles nous nous apprêtons à légiférer. À chaque dispositif que nous adopterons, nous devrons garder ces enjeux à l'esprit.
Sans revenir sur l'intégralité des dispositifs du projet de loi ni sur l'ensemble des préconisations que je formule dans mon rapport, je voudrais insister sur deux points : la formation et l'accès à l'emploi.
Si le taux global d'accès des femmes à la formation professionnelle est proche de celui des hommes – 43 % contre 45 % –, l'espérance de formation est de vingt heures par an pour les hommes contre seulement douze heures pour les femmes. Nous devons changer cette réalité et éliminer les inégalités entre les femmes et les hommes dans l'accès à la formation. C'est absolument essentiel pour préparer l'avenir et cela doit se faire dès le plus jeune âge. C'est pour cela que je pense qu'il faut encore davantage intégrer ces enjeux dans le projet de loi, par exemple dans le cadre de la réforme du compte personnel de formation (CPF) ou de l'apprentissage.
En ce qui concerne l'accès à l'emploi, il est important de mieux sécuriser les parcours professionnels des travailleurs, tout en garantissant une souplesse et une capacité d'adaptation pour relever les défis économiques actuels. Le projet de loi propose plusieurs dispositifs allant dans ce sens et il me semble que nous devons veiller à ce qu'ils prennent bien en compte l'égalité professionnelle. Par exemple, les articles 26 à 28 du projet de loi prévoient d'élargir le bénéfice d'un revenu de remplacement à certaines démissions volontaires, notamment pour assurer une reconversion professionnelle, ainsi que, dans certains cas, pour les travailleurs indépendants. Sans détailler ce dispositif, je tiens à dire que ces mesures du projet de loi constituent une opportunité à saisir. Il conviendrait toutefois de suivre leur impact sur les femmes travaillant comme indépendantes, ces données n'étant actuellement pas disponibles. Je proposerai un amendement en ce sens.
Bien évidemment, ces deux points ne sont pas les seuls qui doivent intégrer les enjeux d'égalité, car ceux-ci doivent être systématiquement pris en compte à chaque fois que nous envisageons un changement du droit, en particulier dans le domaine du droit du travail. Tout au long de notre travail législatif sur ce projet de loi, nous devrons rester vigilants pour faire progresser l'égalité entre les femmes et les hommes.
Pour conclure je voudrais ajouter que si nous voulons parvenir à l'égalité professionnelle – et même à l'égalité tout court – nous devons faire évoluer les mentalités. Madame la ministre, vous le mentionniez ce matin devant la Délégation : avec ce projet de loi s'engage une bataille d'opinion. Je suis absolument certain que nous la gagnerons.