Intervention de Muriel Pénicaud

Réunion du mardi 29 mai 2018 à 16h25
Commission des affaires sociales

Muriel Pénicaud, ministre du travail :

Avant de parler de sa conversion en euros, revenons au CPF lui-même, issu de l'accord national interprofessionnel du 14 décembre 2013, négocié entre les partenaires sociaux, qui a été transposé dans la loi du 5 mars 2014. Je pense qu'une majorité de députés s'accordera à dire que c'est un bon dispositif car il prévoit des droits individuels garantis collectivement. Il ne s'agit pas d'une individualisation hors sol. Aux termes de l'accord du 22 février 2018, les partenaires sociaux ont souhaité renforcer ce CPF, en rappelant qu'il était un vecteur de progrès pour les salariés.

Nous proposons de le convertir en euros pour trois raisons.

Première raison : assurer une meilleure égalité des chances. Vous connaissez tous les chiffres : un ouvrier ou un employé a deux fois moins de chance qu'un cadre d'entrer en formation ; le salarié d'une petite entreprise a deux fois moins de chance que celui d'un grand groupe d'entrer en formation. L'heure de formation d'un cadre est plus chère. Le séminaire de marketing avancé pour cadre bancaire à HEC est plus coûteux que la plupart des formations destinées aux ouvriers et employés. En convertissant le CPF en euros, nous rétablissons une égalité des chances puisque les droits seront proportionnellement plus élevés pour les personnes qui en ont peut-être le plus besoin.

Deuxième raison : ce droit n'est plus formel mais il devient réel. Peut-être avez-vous eu le courage et la curiosité d'aller jusqu'au bout de votre inscription, en surmontant la complexité technique ? Une fois arrivé à ce stade, vous avez votre nombre d'heures. Encore faut-il qu'un organisme accepte de transformer ces heures en droit réel : il faut que l'OPCA approuve votre formation. Dans la pratique, les OPCA privilégient la discussion avec les entreprises – plutôt les grandes que les petites – pour qu'un surplus du plan de formation soit financé en utilisant les CPF. Le salarié, dont projet ne s'inscrit pas dans l'optique de d'entreprise, n'a quasiment aucune chance de pouvoir utiliser son CPF. Nous voulons faire en sorte que l'individu puisse prendre, en bénéficiant de conseils, des décisions qui concernent son avenir sans être totalement dépendant de l'entreprise. Dans la plupart des cas, la formation se fera dans le cadre d'un accord individuel, collectif ou de branche avec l'entreprise. Cependant, certains salariés qui veulent changer de métier ou d'entreprise pourront le faire.

Dans le CPF, il y aura de vrais euros qui seront transférés à la Caisse des dépôts et consignations (CDC). Celle-ci deviendra, d'une certaine façon, la banque du CPF. Le salarié qui s'engagera dans une démarche de formation sera sûr de pouvoir la suivre ; il n'aura pas besoin de demander d'approbation ; il pourra décider lui-même. C'est en ce sens que le droit à la formation devient réel. C'est une émancipation. L'individu aura son mot à dire, il sera le conducteur et non pas le passager arrière. Telle est la philosophie qui fonde la conversion en euros.

Troisième raison : le monde de la formation est en pleine mutation. Les formations numériques, à distance, sur le temps de travail et sous des formes multiples sont en train de se développer. Tout ce pan de formations – dont le coût est d'ailleurs relativement moins élevé – est inutilisable si nous raisonnons en heures. Or, elles se développent à tous les niveaux, concernant aussi bien les cadres que les ouvriers et employés, les grandes entreprises que les TPE-PME, les zones rurales que les zones urbaines. Les formations innovantes n'entrent pas non plus dans un système en heures.

Pour résumer, le système est plus égalitaire, il rend les droits réels et l'individu décisionnaire – avec une aide gratuite en cas de besoin –, et il permet d'intégrer toutes les formes pédagogiques.

Quant aux montants, je vous ai dit que les coûts de formation étaient en train de baisser compte tenu du fait que nous mélangeons aujourd'hui des systèmes différents. Cela dit, les calculs ont été réalisés en transposant exactement l'accord des partenaires sociaux, qui a proposé une augmentation du nombre d'heures, sur une base de 14,28 euros, sachant qu'en moyenne Pôle emploi, c'est 9 euros. Les OPCA ne peuvent être comparés car ce sont des formations bien plus élevées que l'épargne formation d'entreprise ; c'est ce qui fait monter le prix du marché de façon excessive car les excédents sont utilisés et dans bien des cas il n'y a pas de négociation réelle.

Le fond du sujet, c'est plus d'égalité, des droits qui deviennent réels à la main de chaque actif, et avec toutes les formes pédagogiques possibles. C'est pourquoi nous avons proposé que ce soit en euros. Plusieurs sondages ont été réalisés et les premières réactions à ces annonces dans l'opinion publique sont un plébiscite. Nos concitoyens veulent avoir leur mot à dire : seulement 6 % des ouvriers, 12 % des employés et 25 % des cadres disent aujourd'hui avoir leur mot à dire sur leurs formations. Il faut aller vers un système où l'entreprise et l'actif décident ensemble.

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