Intervention de Muriel Pénicaud

Réunion du mercredi 30 mai 2018 à 21h30
Commission des affaires sociales

Muriel Pénicaud, ministre du travail :

Je partage le point de vue de toutes les personnes qui se sont exprimées. Les écoles de production sont un dispositif innovant, qui a fait ses preuves et qui tient une place particulière. Il permet de faire de la prévention à l'égard des jeunes décrocheurs en proposant une formule originale, qui réussit très bien pour un certain type de jeunes. Nous sommes d'accord sur ces points.

Deux questions sont posées aujourd'hui. L'une porte sur le financement, l'autre sur le statut juridique.

S'agissant du financement, je tiens à rassurer tout le monde ici et à clarifier un point : le hors quota de l'apprentissage – qui s'appellera ensuite la contribution professionnalisante – est maintenu en l'état et permettra de continuer à financer les écoles de production, les EPIDE (établissement pour l'insertion dans l'emploi), les écoles de la deuxième chance, les lycées et les universités. Il n'y aura pas de changement du financement, ni du recours à la portion de la taxe qu'ils utilisaient. Les écoles de production ont des projets de développement importants, qu'un certain nombre d'entreprises se sont engagées à accompagner. Au plan financier stricto sensu, il n'y a pas d'inquiétudes à avoir.

Ensuite, les écoles de production ayant maintenant plusieurs années d'expérience sont à la recherche d'une certaine sécurisation juridique à long terme. C'est un peu plus compliqué, et je pense que c'est le sens des propos de Sylvain Maillard. Soit l'évolution se fait vers un modèle d'apprentissage adapté, soit elle se fait vers un enseignement technique privé sous contrat, alors qu'il est aujourd'hui hors contrat. On ne peut pas, à moins de changer complètement l'enseignement technique privé ou de changer l'apprentissage – mais je ne pense pas que nous allons changer tous les dispositifs pour 800 jeunes – avoir les avantages des deux systèmes.

Si l'évolution se fait vers l'apprentissage, alors les jeunes doivent avoir un contrat de travail, dont les modalités peuvent être adaptées, mais il y a forcément un contrat de travail, avec une alternance. Et dans ce cas, ce n'est pas possible pour les jeunes de quatorze ans. Un jeune qui a seize ans dans l'année peut entrer, donc certains jeunes de quinze ans le pourraient, mais pas ceux de quatorze ans.

L'autre voie, qui semble privilégiée aujourd'hui à la lecture des amendements déposés par les uns et les autres, est de continuer dans l'enseignement technique privé, qui permet d'avoir des jeunes de quatorze ans. Mais pour avoir une meilleure reconnaissance et plus de financements, il faut que ces écoles passent sous contrat. Ce qui implique des contraintes : des contrôles administratifs et pédagogiques, mais aussi des règles pour les enseignants et l'enseignement. Et cela peut modifier le projet pédagogique.

Je détaille ce sujet car je pense que beaucoup de gens de bonne volonté souhaitent aider les écoles de production à se développer. Il faut juste que ces écoles et ceux qui les conseillent mesurent si, en souhaitant se protéger d'une menace qui pour le moment ne s'est jamais avérée, car tout le monde a toujours soutenu ces écoles de production, le mieux ne risque pas d'être l'ennemi du bien. Opter résolument pour une solution ou une autre, alors qu'elles représentent aujourd'hui une troisième voie acceptée par tous, ne risque-t-il pas d'être un handicap plutôt qu'une force ?

Vous le voyez, je suis d'une totale transparence. Je pense que les écoles de production sont un modèle intéressant, elles sont en petit nombre, mais c'est très important pour les jeunes qu'elles accueillent et ce modèle marche très bien. Je crois que ces écoles et la représentation nationale doivent mesurer quelle est la meilleure solution pour qu'elles puissent se développer de manière sereine, continuer à accueillir plus de jeunes qui en ont besoin, mobiliser d'autres entreprises, car manifestement, les entreprises répondent bien à ce sujet. Prenons garde de ne pas créer de problèmes là où il n'en n'existe pas.

Les différentes options sont discutées depuis plusieurs mois. Aujourd'hui, la demande des écoles de production est celle qui figure dans les amendements. Le dilemme juridique se posera de toute façon, opter pour un modèle ou un autre – ce que personne ne leur demande – entraînera d'autres contraintes et imposera d'adapter leur modèle. Les acteurs doivent dire ce qu'ils souhaitent.

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