L'étude d'impact indique que « le financement dédié au compte personnel de formation peut s'estimer, compte tenu de l'évolution de la masse salariale, à 2,1 milliards d'euros par an en 2019 et 2020, à 2,2 milliards d'euros en 2021 et à 2,3 milliards d'euros en 2022 ». Or, la France compte environ 25 millions de salariés, dont 16 millions dans le secteur privé. Si chaque salarié se voit verser 500 euros sur son compte personnel de formation (CPF), le besoin de financement est donc de 12,5 milliards d'euros. Seuls 20 % des salariés pourront donc effectivement utiliser leur compte.
Cela confirme bien que l'absence de régulation du CPF est un problème majeur, comme nous l'avons déjà souligné lors votre audition, madame la ministre, devant notre commission. Les euros qui s'afficheront sur les 5,5 millions de comptes déjà ouverts et sur ceux à venir seront de la monnaie de singe.
Pourtant les enjeux de l'ingénierie du CPF sont énormes. Quelque 40 millions d'actifs, en effet, seront dotés d'un compte : 28 millions de travailleurs salariés, 4 millions de travailleurs non-salariés, 5 millions de fonctionnaires et 3 millions de demandeurs d'emploi. Comme le craignent certains experts, le risque de thésaurisation est grand, puisque ces salariés verront leur compte crédité chaque année de 500 euros, soit 5 000 euros en dix ans.
Ce risque de thésaurisation risque de contrarier l'objectif affiché de la réforme, qui entend promouvoir la formation professionnelle dans le cadre du développement des compétences. Mais, au-delà de ce risque, votre schéma financier montre bien qu'il y aura une baisse des fonds dédiés à la formation professionnelle, sans parler de ceux dédiés à l'apprentissage.
Après avoir mis à mal les espaces collectifs de dialogue social autour de la formation dans les entreprises, notamment celles où il n'y a pas de représentants élus, vous procédez à une ultra-individualisation des droits. N'oublions pas en effet que les salariés les moins formés sont aussi les moins spontanément demandeurs de formation et que, par ailleurs, les entreprises ont une très faible appétence pour la négociation sur la formation professionnelle, comme le souligne le bilan annuel de la négociation collective diffusé par vos services.
L'argument selon lequel vous renforceriez les droits individuels des personnes ne tient donc pas, a fortiori puisque vous y consacrez moins d'argent. Je tiens d'ailleurs à souligner ici le manque de transparence des documents sur lesquels vous vous appuyez. Le législateur que nous sommes doit mener l'enquête pour comprendre où passent les flux financiers et quels en sont les montants.
C'est pourquoi nous proposons la suppression de cet article.