Rapprocher ce contrat du droit commun était donc une nécessité, et je me réjouis des améliorations apportées par les articles 7, 8 et 9 en la matière. Le report du plafond d'âge à 29 ans révolus est une excellente mesure qui montre que nous avons su tirer les enseignements de l'expérimentation permise par l'article 77 de la loi « Travail » du 8 août 2016. La commission des affaires économiques aurait souhaité que cette expérimentation puisse être portée au-delà de 29 ans pour les chômeurs de longue durée, et demeurera attentive aux mesures alternatives concernant ce public.
La suppression de l'obligation d'enregistrement du contrat, l'adaptation des durées et horaires de travail des apprentis au rythme de l'entreprise et la facilitation de la rupture unilatérale du contrat, à l'initiative de l'employeur comme du jeune, me semblent particulièrement bienvenus. Parmi les dispositions, celle qui permet au jeune d'entrer en apprentissage tout au long de l'année était très attendue des entreprises.
Autre mesure : la simplification ambitieuse des aides aux employeurs d'apprentis, que l'article 12 propose de fusionner en une aide unique ciblée sur les petites et moyennes entreprises et sur les premiers niveaux de qualifications. Je dois néanmoins exprimer, à ce stade, une légère inquiétude : l'actuelle rédaction de l'article 12 semble induire la suppression de la prime destinée aux employeurs d'apprentis travailleurs handicapés pour « compenser les dépenses supplémentaires ou le manque à gagner ». Celle-ci était valorisée en 2018 à 1 million d'euros. Si l'efficience de cette prime est mise en cause par le Gouvernement, je lui fais confiance pour que cette suppression soit compensée par la création ou la revalorisation d'autres dispositifs plus incitatifs.
Les articles 17 à 19, qui réorganisent en profondeur les circuits de financement de la formation professionnelle et de l'alternance, constituent le centre de gravité de la « révolution copernicienne » voulue par le Gouvernement. Il s'agit de passer d'un système administré essentiellement par l'État et les régions à un système dans lequel les branches et les entreprises jouent enfin le premier rôle. Je salue ce changement de paradigme, qui demandait un vrai courage politique. La comparaison internationale en confirme la pertinence : dans les pays, comme l'Allemagne, où la formation professionnelle et l'apprentissage fonctionnent bien, ce sont les branches qui pilotent le système et non la puissance publique. Pour autant, les régions ne sont pas oubliées. Elles seront représentées à France compétences et conserveront un grand rôle en matière d'orientation de financement et d'investissement pour certains CFA, en particulier en milieu rural.
Le nouveau rôle confié aux actuels organismes paritaires collecteurs agréés, dont l'article 19 fait des « opérateurs de compétence » – OPCOMS – , est au coeur de ce nouvel équilibre. Déchargés de la collecte légale, les OPCOMS pourront se consacrer pleinement à leurs missions d'appui aux branches et aux entreprises. Désormais chargés du financement de l'alternance dans son ensemble, ils seront les acteurs du passage d'un financement des centres de formation d'apprentis fondé sur une logique de subvention versée par les régions à une logique de financement au contrat, au coût unique défini par les branches.
Une telle transformation nécessitera une vigilance particulière au moment de la transition entre ces deux modes de financement afin de ne pas mettre en péril la poursuite des contrats signés avant la mise en oeuvre de la réforme.
Quant au financement, il me semble que la rédaction de l'article 17 retenue par la commission des affaires sociales constitue un léger recul comparativement à la démarche de simplification très poussée que défendait le projet de loi initial. Ainsi, le maintien de la taxe d'apprentissage dans sa configuration actuelle – qui devient une branche de la contribution unique – plutôt que la fusion pure et simple des taxes d'apprentissage et contribution obligatoire à la formation professionnelle continue, me semble un élément de complexité par rapport à l'ambition initiale du projet.