S'agissant de l'assurance chômage, enfin, la réforme fait pschitt ou, pour reprendre la formule policée d'éminents économistes que l'on dit proches du Président de la République, « n'est pas à la hauteur des ambitions initiales ». C'est à tout le moins un euphémisme, car de sécurité sociale professionnelle ou d'assurance chômage universelle il n'est pas question. Selon une note récente de l'UNÉDIC, entre 9 000 et 17 000 démissionnaires seulement seront concernés par la réforme une fois tous les cinq ans, alors qu'il y a un million de démissions par an et 30 000 indépendants sur les 1,8 million d'employeurs affiliés à l'assurance chômage. C'est peu – vous pourrez proclamer l'inverse mais la vérité est là – , c'est même dérisoire.
Plus fondamentalement, il n'est pas inutile de s'interroger sur le bien-fondé de la démission comme mode de gestion des transitions professionnelles. À notre sens, il aurait été plus indiqué de renforcer le CIF, mais vous l'avez supprimé.
Et le plan d'investissement compétences – PIC – , me direz-vous ? Il représente 15 milliards d'euros investis en cinq ans. C'est beaucoup, mais ce n'est pas plus que ces dernières années si l'on considère que cela se fait au détriment des salariés et qu'il n'y a pas de crédits budgétaires supplémentaires. De même, force est de constater que votre engagement de former un million de demandeurs d'emploi en cinq ans est moins ambitieux que le plan « 500 000 formations » pour 2016 et 2017. C'est donc un recul, d'autant plus regrettable que nos voisins allemands et danois forment respectivement 20 % et 30 % de leurs demandeurs d'emploi lorsque nous n'en formerons que 10 %.
Madame la ministre, au moment où vous nous présentez votre projet de loi en formulant à nouveau le pari de la confiance, force est de constater qu'au-delà des déclarations d'intentions, vous avez déjà baissé la garde en matière de lutte contre le chômage. Alors que le rythme de création d'emplois reste très soutenu, le chômage stagne, les entrées en formation des demandeurs d'emploi sont en chute libre et les contrats « parcours emploi compétences » ne décollent pas, si bien que les premiers touchés par la crise seront les derniers à bénéficier de la reprise.
Madame la ministre, votre projet de loi n'est pas un texte technique, mais un texte éminemment politique.
Nous sommes convaincus de la nécessité d'accroître le niveau général de compétences de la population – au moins autant que vous, sinon plus car nous défendons la poursuite de la démocratisation de l'enseignement supérieur, dont Parcoursup est l'antithèse – , mais nous ne sommes pas convaincus par l'individualisation des droits, qui laisse les plus faibles sur le côté. Nous croyons aux vertus de l'apprentissage aux côtés de la voie professionnelle, mais nous ne croyons pas à la promotion de l'apprentissage par le marché et l'ouverture à la concurrence.
Durant ces débats, madame la ministre, nous n'aurons de cesse de vous alerter et de vous démontrer, sans animosité mais avec conviction, que vous commettez des erreurs. Nous déposerons des amendements, avec l'espoir d'être parfois entendus. Nous verrons ce que les débats nous réservent.