Cette loi est fondue dans le même moule que la précédente, calquée sur la même matrice, issue du même scénario. On ne change pas plus la liberté du renard en droit des poules que le plomb en or. Vous n'avez pas trouvé, madame la ministre, la pierre philosophale.
On ne trouvera pas ici de véritable droit nouveau, en tout cas rien qui soit à la hauteur du droit qui disparaît, et il faut immédiatement préciser, puisqu'il nous a été dit qu'il s'agissait ici de lutter contre le chômage de masse, que la formation professionnelle seule n'y saurait suffire, sans quoi cela signifierait que ses victimes en seraient les responsables.
Voilà le Gouvernement à nouveau embarqué dans une opération « table rase » qui manque à la fois d'humilité et d'ambition. Or, la formation professionnelle mérite une grande ambition. En effet, nous sommes dans un monde en pleine évolution – une évolution permanente des technologies et des techniques, des modes de production et du travail lui-même. Et c'est bien du travail que nous parlons, de cet acte de production, de création, de participation – le travail, qui ne consiste pas à obéir, à accomplir une tâche, mais qui mobilise l'être humain et ses capacités pour produire un bien ou un service utile à la société. Ce dont il est question, c'est bien de placer chaque travailleuse, chaque travailleur, dans les meilleures conditions pour que cet acte participe de son épanouissement. Nous parlons donc bien d'émancipation, alors que le travail est aujourd'hui bien trop sous la domination des injonctions étriquées du capital, des actionnaires, des grands propriétaires.
Alors, de quoi avons-nous besoin ? Nous avons besoin de travailleuses et de travailleurs libres et responsables, et non pas de simples exécutants.
Nous avons besoin, d'abord, d'une ambition éducative au grand large pour les jeunes de notre pays, y compris pour celles et ceux qui, aujourd'hui, ne parviennent pas à trouver leur place dans l'école telle qu'elle est.
Nous avons besoin d'accompagnement pour que chacune et chacun puisse choisir vraiment sa voie, au moment opportun, en s'appuyant sur ses désirs comme sur ses capacités.
Nous avons besoin de sécurité et de droits pour ne pas être gouvernés par les contingences immédiates, par la peur de l'avenir ou par les éléments d'une économie en proie aux crises de la financiarisation insensée.
Nous avons besoin d'une formation professionnelle continue qui permette à chaque travailleuse, à chaque travailleur, de continuer à avancer dans son métier sans avoir à mettre en péril son existence en quittant son emploi, de gagner en qualification et en reconnaissance, de suivre, et même d'anticiper, les évolutions à l'oeuvre, et aussi de changer de voie en utilisant ses savoirs sous d'autres formes et dans d'autres optiques.
En somme, parce que nous sommes confrontés à d'immenses défis qui appellent un changement profond des modes de production et l'invention d'autres rapports sociaux, parce que nous devons faire face à la crise écologique comme à la crise anthropologique, il y a besoin de forces nombreuses, d'intelligences actives, partout, au coeur des lieux où s'invente, se fabrique et se protège le monde. Il faut donc élever le niveau de connaissances et de qualification et il le faut d'autant plus que, tandis que des emplois se détruisent et que d'autres se créent, personne ne doit être laissé sur le bord du chemin.
Des emplois nombreux se détruisent pour de mauvaises raisons, liées notamment aux théories du coût du travail et au dumping social.