Autre difficulté, les apprentis ne trouvent pas toujours un emploi stable au terme de leur cycle : en 2014, le taux d'emploi des jeunes ayant suivi des études du niveau du certificat d'aptitude professionnelle à celui du brevet de technicien supérieur et sortant d'apprentissage n'atteignait que 62 %, contre 69 % en 2012. En outre, pour les anciens apprentis, les emplois stables sont devenus plus rares : seuls 55 % d'entre eux étaient en contrat à durée indéterminée sept mois après la fin de leur contrat d'apprentissage.
Les chefs d'entreprise sont parfois rétifs au système, freinés par la complexité du financement et des démarches administratives. Au total, 28,1 % des contrats d'apprentissage sont rompus par l'employeur ou par l'apprenti. Dans 80 % des cas, la rupture du contrat entraîne un arrêt complet de l'apprentissage. Plus préoccupant, ce sont les métiers les plus faiblement qualifiés qui connaissent les taux de rupture les plus élevés. Si l'apprentissage évolue à la faveur des plus diplômés, il apparaît encore fortement comme une voie de relégation rapide pour les jeunes qui ont décroché du système.
Si je constate que le Gouvernement a pris la mesure de l'enjeu, je regrette que toutes les solutions n'aient pas été étudiées et que, comme d'habitude, on se contente de vouloir cacher la poussière sous le tapis en s'occupant prioritairement de gouvernance et de fiscalité. Plus grave, certaines mesures pourraient être dangereuses, entraînant la disparition de CFA dans les territoires périphériques et ruraux. L'essentiel, si l'on veut revaloriser la voie professionnelle, c'est qu'elle cesse d'être perçue comme une filière de relégation. En l'espèce, la revalorisation symbolique est essentielle. Or c'est l'angle mort de cette loi et la raison qui nous fait craindre un nouvel échec.
Les 700 branches professionnelles ne sont pas encore simplifiées, modernisées et en adéquation avec la totalité des métiers d'aujourd'hui. En outre, leurs gouvernances laissent à désirer dans la mesure où elles sont presque exclusivement assurées par le patronat – en l'occurrence par le MEDEF. La réforme du 8 août 2016, qui vise à changer ces deux points essentiels, n'est absolument pas finalisée, puisque c'est seulement en 2019 que le nombre de branches devra être ramené à 200 et que leurs gouvernances devront être réformées, via la commission paritaire permanente de négociation et d'interprétation de chacune des branches, dans le sens du partage du pouvoir entre patrons, cadres et salariés au sein de leurs directions respectives.
L'agence France Compétences doit aller beaucoup plus loin quant à l'implication de l'État en tant que réel stratège. En effet, c'est l'occasion ou jamais de permettre à l'État d'introduire dans la politique de formation professionnelle une réelle vision stratégique par rapport aux besoins en qualifications actuelles et en qualifications du futur, eu égard à son rôle dans les politiques de réindustrialisation, d'innovation, de réinvestissement de l'espace rural et, plus largement, de la relance économique dans tous les domaines. Certaines avancées sont notables, madame la ministre, mais l'ensemble est bien insuffisant, vu la situation actuelle.