Madame la présidente, madame la ministre, madame la présidente de la commission, mesdames les rapporteures, mes chers collègues, une fois de plus, les députés non inscrits montent à cette tribune les yeux rivés sur le chronomètre. Une fois de plus, votre majorité étouffe littéralement le débat parlementaire en le frappant du sceau du temps législatif limité. Je tiens à le dire solennellement, cela ne démontre pas une bonne santé de la démocratie française, ni même, d'ailleurs, une sérénité du côté du Gouvernement. Vous limitez la liberté d'expression des parlementaires, et donc la pluralité des idées exprimées dans cet hémicycle. Votre majorité souhaite « innover », miser sur la « liberté » et « l'émancipation », pour reprendre vos propres termes, madame la ministre. Ce n'est certainement pas le cas avec l'organisation de ce débat, et nous le regrettons beaucoup.
Venons-en au texte, sur lequel nous interviendrons donc de façon ponctuelle, d'abord pour souligner à notre tour le rôle irremplaçable de la formation. La société de la connaissance et le monde globalisé dans lequel nous vivons obligent chacun d'entre nous à anticiper l'avenir, et par conséquent à se former, à acquérir de nouvelles connaissances et de nouvelles compétences. Cet éveil constant se heurte trop souvent à la complexité du droit à la formation en France. Les chefs d'entreprise, notamment de TPE et de PME, ainsi que les salariés, ont souvent, face à la multiplicité des opérateurs, le sentiment d'un système kafkaïen.
Si les branches professionnelles doivent occuper une place importante au sein du dialogue social, la formation doit demeurer un pan du travail transverse. Or, nous en sommes convaincus, la centralisation que vous opérez rendra plus difficile, pour les travailleurs, le passage d'une branche à une autre, alors que la fluidité du parcours professionnel devrait être une priorité. Elle est même, de notre point de vue, la clé de la modernisation du droit à la formation.
Je veux évoquer ici l'inquiétude exprimée par les 900 salariés du réseau FONGECIF, et le danger qui plane encore sur les cinq emplois de l'organisme corse. Votre projet de loi marque la fin du congé individuel à la formation et la mise en concurrence du conseil en évolution professionnelle pour les salariés. Il ne fait pas de doute que l'apprentissage, complexe par définition, passe par une co-construction entre l'État, les régions et les entreprises.
Dans cette optique, nous nous interrogeons sur l'avenir concret des services publics, qu'il s'agisse de l'AFPA – Agence nationale pour la formation professionnelle des adultes – , de Pôle emploi ou des missions locales. Nous nous interrogeons également sur l'articulation entre les centres de formation, gérés par le monde de l'économie, et les lycées professionnels. Le risque global est que, sous prétexte de rationaliser, vous fragilisiez encore davantage les petites structures, les salariés et, par conséquent, la cohésion sociale.
Pour notre part, nous prônons une formation en adéquation avec les enjeux territoriaux. Lorsque les différents acteurs – élus, centres d'apprentissage, chefs d'entreprise et centres de formation – travaillent de concert, c'est tout le territoire qui revit. La conciliation entre les intérêts individuels des travailleurs et les besoins en compétences des entreprises permet de créer un cercle vertueux en faveur d'un développement économique territorial équilibré. C'est ce lien de proximité, personnalisé, qu'il convient de consolider et non de remettre en cause.
Je souhaite aborder rapidement, comme cela fut le cas lors des travaux en commission, la question des travailleurs détachés. Il nous importe que tous les salariés travaillant en France paient les mêmes cotisations et aient les mêmes droits que les résidents : c'est une question de justice sociale. Par ailleurs, je ferai miens les propos du président Griset sur la grande inégalité qui frappe les femmes collaboratrices de leur conjoint, qui n'ont à ce jour ni statut ni droit à la formation.
Je veux aussi me faire l'écho de l'inquiétude des chefs de petite entreprise et des artisans s'agissant du poids de la réglementation. À titre d'exemple, nous souhaiterions la fin de l'interdiction faite aux jeunes de moins de seize ans de travailler dans les hôtels-restaurants, sous prétexte qu'on y sert de l'alcool. La formation passe aussi par un apprentissage à la consommation et par l'utilisation responsable de produits tels que l'alcool.
Je conclurai en évoquant les difficultés rencontrées par les personnes handicapées. J'ai déposé, sur ce sujet, un certain nombre d'amendements qui reprennent les préoccupations exprimées par les travailleurs handicapés, amendements que je ne pourrai malheureusement pas défendre à cause du temps législatif limité. Ce projet de loi, qui comporte un article spécifique sur l'obligation d'emploi des travailleurs handicapés, peut constituer un levier important pour favoriser leur accès à la formation. Cependant, nous souhaitons qu'un article traite des cas de démission des travailleurs handicapés, cette dernière intervenant souvent après un accident de la vie.
La question du développement de l'apprentissage est cruciale, tant au plan de la promotion individuelle que pour le retour à une croissance économique saine. Aussi formons-nous le voeu que la discussion parlementaire, de laquelle nous sommes exclus, soit l'occasion d'améliorer le texte.