Intervention de Paul-André Colombani

Séance en hémicycle du lundi 11 juin 2018 à 21h30
Liberté de choisir son avenir professionnel — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPaul-André Colombani :

Madame la présidente, madame la ministre, madame la présidente de la commission, mesdames les rapporteures, mes chers collègues, nous nous apprêtons à examiner un projet de loi qui comporte certaines avancées en faveur des salariés, notamment les fonds dédiés au compte personnel de formation et la solidarité des grandes entreprises à l'égard des TPE et des PME en vue du financement des plans de formation. Ce projet de loi aura aussi des conséquences importantes pour la formation professionnelle dans les territoires.

Je note au passage qu'il n'a rien de très girondin, puisqu'il opère une recentralisation de la collecte de la taxe professionnelle. Notons également qu'il floue les collectivités territoriales en privatisant au niveau des branches l'organisation de la formation. Privatisation et recentralisation : voilà ce qui est à l'oeuvre, là où nos concitoyens sont en droit d'attendre une progression de la décentralisation et un renforcement du rôle stratégique de la puissance publique dans le domaine de la formation.

C'est logique, puisque la formation est un sujet capital pour la lutte contre le chômage et l'adaptation aux évolutions de plus en plus rapides du marché du travail. C'est en tout cas un sujet trop important pour en priver les collectivités. Or, avec la suppression de la régulation des CFA par les collectivités, la chose publique est mise de côté. Et tout ça pourquoi ? Pour mettre fin à une régulation prétendument trop administrative de la formation professionnelle ?

Certes, il y a des améliorations à apporter, j'en suis conscient. Mais améliorer, ce n'est pas botter en touche ; ce n'est pas se débarrasser de la formation professionnelle en l'affermant au secteur privé sous prétexte que la gestion de la difficulté est par trop complexe pour les pouvoirs publics. Aujourd'hui, les personnels des organismes de formation sont inquiets. Beaucoup dans mon île m'ont écrit, et je partage leur inquiétude. Je ne vois pas comment les branches pourront, dans certains territoires, structurer la formation en lieu et place des régions.

J'en prendrai un exemple très concret, déjà évoqué par mon collègue Acquaviva en commission : la filière bois dans un territoire périphérique et isolé tel que la Corse. Le bois y est une filière d'avenir que la collectivité territoriale souhaite développer avec une véritable vision stratégique, afin de sortir l'île du marasme économique où elle se trouve plongée depuis deux siècles. Mais que pourra faire la branche « bois » locale avec le présent texte ? Elle ne compte même pas quatre entreprises ! Comment pourront-elles s'organiser ?

Dans de petits territoires comme la Corse, les branches ne sont pas structurées : sans l'intervention des pouvoirs publics, elles ne pourront s'organiser. Certains viennent nous dire que ce sera là une sorte de mise à l'épreuve pour les filières, et que cela les forcera à s'organiser. Personnellement, je ne goûte pas cette rhétorique darwinienne un peu facile, qui consiste à juger trop rapidement ceux qui n'y arrivent pas.

Encore une fois, les lois faites à Paris sont complètement disproportionnées par rapport à la réalité en Corse, où les politiques publiques se déploient à une échelle différente de celle du continent. Je ne veux ici excuser personne. Je suis conscient qu'il y a eu des dysfonctionnements. Mais je doute que le recours direct aux branches soit une solution. Cela revient à se reposer sur l'existant, qui fonctionne déjà, non à parier sur l'avenir. Le pilotage régional de la formation professionnelle aurait permis d'investir sur le long terme dans des formations d'avenir, au sein de secteurs qui ne sont ni structurés ni développés.

En Corse, seules les branches du tourisme et du BTP sont à peu près organisées. Mais elles n'auront qu'une vision à court terme, pour des besoins immédiats de métiers peu formés et mal rémunérés.

Je veux simplement vous amener à comprendre que ce n'est pas en améliorant le fonctionnement de la bougie que l'on a inventé l'ampoule.

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