Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, « Petite Poucette cherche du travail. Et quand elle en trouve, elle en cherche toujours, tant elle sait qu'elle peut, du jour au lendemain, perdre celui qu'elle vient de dénicher. » Cette phrase est tirée du livre Petite Poucette, écrit par Michel Serres, philosophe que, une fois n'est pas coutume, j'ai voulu citer.
Un débat a traversé la dernière campagne présidentielle de 2017 : fallait-il instaurer un revenu universel et une taxe sur les robots ? Ces deux propositions sont aujourd'hui défendues par d'éminentes personnalités, comme Elon Musk et Bill Gates.
On peut toujours se demander si le travail est l'avenir de l'homme. À mon sens, comme l'explique Dominique Méda, « le grand défi lancé à l'État aujourd'hui n'est [… ] pas de consacrer plusieurs centaines de milliards de francs à occuper les personnes [… ], mais à parvenir à [… ] susciter chez elles le désir d'autonomie et de liberté ».
La liberté est une valeur fondamentale. La liberté, c'est choisir son destin. La liberté, c'est gagner dignement sa vie et dire non à un métier dans lequel il n'y a aucun épanouissement. La liberté, c'est s'émanciper dans une société qui, souvent, vous oppresse, vous encadre, vous enferme dans des voies que vous n'avez pas choisies.
Qui ne connaît pas un jeune que l'on a mal orienté ? Il y a, au sein de l'éducation nationale, un a priori très négatif sur la formation professionnelle. D'ailleurs, madame la ministre, j'aurais aimé voir à vos côtés M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale. Aujourd'hui encore, dans l'esprit de nombreux enseignants, la voie professionnelle est considérée comme une voie d'échec. Cela rejaillit forcément sur les parents d'élèves.
Le monde change : les mutations technologiques, sociétales et culturelles entraînent avec elles la nécessité de repenser le travail et l'éducation.
En tant que législateur, nous devons essayer d'anticiper les conséquences qu'aura sur l'emploi le développement combiné de l'intelligence artificielle, de l'automatisation et de la robotique. Comme le dit mon estimé collègue Cédric Villani, dans son rapport Donner un sens à l'intelligence artificielle, nous devons nous assurer que l'intelligence artificielle n'accroisse pas les inégalités sociales et économiques mais contribue à les réduire.
Progrès technologique et employabilité ne sont pas antinomiques. Il n'est pas crédible de combattre des solutions d'intelligence artificielle qui pourront in fine préserver l'emploi, en améliorant l'état de santé de nos concitoyens, leurs conditions de travail et leurs compétences.
Aujourd'hui, les salariés sont de plus en plus nombreux à être victimes d'épuisement professionnel, parce qu'ils sont stressés, parce qu'ils craignent de ne pas être assez performants, parce qu'ils ont peur de perdre leur emploi ou, tout simplement, parce qu'ils ont peur pour leur avenir.
Nous devons poser les bases d'une nouvelle mobilité professionnelle, non seulement en modifiant le système d'assurance chômage, qui serait étendu à tous les salariés démissionnaires et aux indépendants, mais aussi en renforçant la formation professionnelle tout au long de la vie.
Sur ce dernier point, en tant que membre de l'Assemblée parlementaire de l'Union pour la Méditerranée, je souhaite plaider en faveur d'une coopération euro-méditerranéenne pour la formation non seulement des étudiants ou apprentis, mais aussi de tous ceux qui bénéficient déjà d'une solide expérience professionnelle.
Cela pourrait se faire dans le cadre d'un programme Erasmus méditerranéen, voire africain, et ce, dans tous les domaines de l'éducation, de la formation professionnelle, de la santé ou du commerce.
Je souhaite finir sur une note plus légère, qui montre que, même dans les situations les plus incertaines, il y a toujours de l'espoir. Dans un de ses sketches, Jamel Debbouze se met en scène face à son conseiller d'orientation, qui lui dit : « Mon petit, tu n'as aucune chance, alors, saisis-la ! » Quelle que soit notre situation, l'espoir est toujours permis !