Pour ce qui est des scandales alimentaires, vous avez mentionné des affaires qui ne sont pas de même nature : il y a des cas de mésusage, des cas de fraude et des cas de mauvaise évaluation du risque sanitaire présenté par certains ingrédients ou certains composés. Le mésusage et la fraude relèvent de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), et donc du contrôle par la puissance publique. Pour ce qui est de la méconnaissance du risque, il ne serait pas étonnant, comme je vous l'ai dit, que l'on constate régulièrement que tels ingrédients, tels additifs ou tels contaminants présents, naturellement ou pas, dans les aliments, ont un effet indésirable qui n'a pas été caractérisé jusqu'alors parce qu'on ne cherche pas à le faire. On peut se dire, par exemple, qu'il est bizarre de trouver du dioxyde de titane dans des produits où il n'a pas à être, puis l'on constate des activations inflammatoires et l'on s'interroge. La question juste est : a-t-on besoin de dioxyde de titane pour fabriquer des bonbons plus blancs afin que les enfants en mangent davantage ? Je le redis, le problème, étant global, appelle des mesures globales et pas uniquement un étiquetage nutritionnel. Une révision générale s'impose.
Je ne peux pas vraiment dresser le bilan complet du PNNS, mais de très bonnes choses en sont issues : on a beaucoup parlé de nutrition, de nombreuses initiatives locales très intéressantes y ont trouvé leur source et l'on a donné des repères de consommation, ce qui tend à se rapprocher de la pyramide alimentaire qui m'est chère, vous l'avez compris.
L'augmentation du taux d'obésité chez l'enfant est effectivement effrayante. Que faire ? On peut certainement expliquer que tel aliment est très sucré et qu'il vaut mieux en consommer un autre, mais je vais à nouveau plaider en faveur d'une autre approche, celle de l'éducation nutritionnelle, qui consiste à expliquer aux enfants ce qu'ils doivent manger et ce qu'ils ne doivent pas manger, leur dire qu'ils peuvent boire une boisson sucrée mais occasionnellement, que mieux vaut manger un fruit que boire un jus de fruit… C'est à la fois simple et compliqué, parce que l'éducation n'est pas une chose facile, que cela prend du temps, que cela demande des aptitudes et des compétences et aussi des déclinaisons par les acteurs de terrain. Et puis, si l'on traite de l'obésité, il faut s'intéresser à la taille des portions, la grande absente des réflexions. Sur ce plan, à mon avis, un travail concret pourrait être fait. Il faut expliquer aux gens ce que doit être la vraie taille des portions alimentaires car l'inflation est étonnante. Il faut être capable aussi de bien désigner la densité énergétique – c'est évidemment un ensemble.
De façon générale, les aliments proposés par les vendeurs de fast food ne sont pas de nature à contribuer favorablement au régime des Français. Que la viande soit française ou qu'elle soit tchèque ne change pas grand-chose ; qu'elle contienne moins de matières grasses ou pas, non plus. Ce niveau de réductionnisme n'embrasse pas la réalité des choses. Il faut revenir à des régimes que l'on sait favorables, et ils ne donnent pas une très grande place aux aliments que l'on trouve dans les chaînes de restauration rapide. C'est pire ailleurs, vous avez raison, mais dans tous les cas, ce n'est pas bon.
Il faut inculquer la connaissance des produits, faire une éducation nutritionnelle et une éducation culinaire, apprendre aux gens ce que contiennent les aliments qu'ils consomment – ce qui est le cas quand vous faites une mayonnaise vous-même. Le contexte est celui de la déstructuration des repères culturels traditionnels, attaqués depuis cinquante ans. J'ai conscience de ne pas faire de propositions faciles, de ne pas vous dire qu'en faisant ceci et cela on réglera le problème, mais c'est que je ne le crois pas. Un ensemble de choses est nécessaire, la première étant une structuration culturelle supérieure fondée sur une éducation nutritionnelle sur les régimes que les gens peuvent consommer. Cela ne signifie pas que d'autres mesures ne peuvent pas avoir une influence positive, et cette indispensable structuration culturelle supérieure ne doit bien sûr pas obérer le reste – y compris l'étiquetage nutritionnel – tout aussi important et parfois plus pratique à mettre en oeuvre immédiatement.