Nous prenons forcément en compte ces problèmes. Fort heureusement, nous ne découpons pas la vie des individus en tranches, encore que ce soit une spécialité des politiques publiques. Nous essayons d'avoir une perception globale et sommes typiquement amenés à travailler avec les entreprises pour expérimenter des modes d'organisation du temps de travail qui prennent en compte la question du travail à distance et du travail effectué en dehors du lieu de travail. Les ordonnances sur le droit du travail ont d'ailleurs créé un cadre plus favorable à l'exercice du télétravail, mais en France, on adore le management visuel. Va donc se poser la question de la capacité des organisations et des managers à trouver les cadres de confiance pour gérer les situations de travail à distance.
Sur d'autres sujets, tels que l'usure professionnelle, il faut adopter une approche longitudinale. Si l'on s'attaque à la question du vieillissement au travail en ne ciblant que les travailleurs âgés, on aura déjà perdu la bataille. En réalité, c'est tout au long de la vie professionnelle qu'il faut avoir cette préoccupation. Si l'on veut construire des parcours qui n'engendrent pas systématiquement de l'usure et des risques, il faut avoir une gestion active de ces parcours, non seulement au regard de l'usage des compétences mais aussi au regard des situations de travail rencontrées. Or, on ne sait pas le faire aujourd'hui parce qu'on ne sait même pas documenter dans le temps les situations de travail rencontrées par les individus. On ne sait le faire que sous l'angle de l'exposition à quelques facteurs de risques précis, mais cela reste limité. C'est pourquoi nous développons des outils permettant aux entreprises de mieux analyser leurs données sociales, y compris de manière longitudinale, pour mieux comprendre les populations au travail, comprendre dans quels environnements elles ont été amenées à travailler tout au long de leur vie professionnelle et construire des parcours de travail, tout autant que des parcours d'emploi. Évidemment, il peut paraître injuste que l'employeur paie les pots cassés à l'instant t quand ses salariés ont eu des parcours professionnels fragmentés dont il n'est pas responsable.