Chaque année, 11 000 maladies professionnelles sont reconnues en Île-de-France. Les CPAM nous sollicitent pour trois cent dossiers, afin de savoir si nous disposons d'éléments concernant la situation de travail du salarié, mais également celle de l'atelier, de l'entreprise, voire du secteur. Même si, bien entendu, nous ne connaissons pas toutes les entreprises et tous les postes de travail, nous apportons des éléments de réponse qui constituent une aide à la décision. Le système de reconnaissance complémentaire géré par le CRRMP représente quant à lui un peu plus de 2600 dossiers en Île-de-France. Nous les analysons tous et les taux de reconnaissance qui en sont issus ne sont pas atypiques par rapport aux autres régions françaises.
Au total, nous travaillons donc chaque année sur environ trois mille demandes de reconnaissance de maladies professionnelles. Ces dossiers alimentent une base de données, nous permettant ainsi de gagner en productivité – nous disposons désormais d'informations sur de nombreux métiers et entreprises. Nous les partageons depuis peu avec les CPAM d'Île-de-France. Il nous semble important de les aider dans le traitement des dossiers et la reconnaissance des maladies, tout en réduisant le nombre de dossiers qui nous sont soumis.
Comme l'a indiqué M. Clair, la décision de reconnaissance est toujours prise par la CPAM, mais les décisions du CRRMP – constitué de trois médecins – s'imposent à elle.
Qu'est-ce que cette reconnaissance déclenche ? 85 % des maladies professionnelles reconnues sont des troubles musculo-squelettiques (TMS), principalement référencés dans le tableau n° 57 du régime général. La prédominance absolue des TMS rend les autres maladies professionnelles quasiment invisibles, même si celles liées à l'amiante, référencées dans le tableau n° 30, arrivent en deuxième position. Quelques dizaines de cas sont liés au bruit. En termes de ciblage des politiques de prévention, ces statistiques ne nous facilitent pas la tâche – sauf pour les TMS, qui, il faut le rappeler, ont des effets assez rapidement négatifs sur la santé du salarié. En effet, lorsque des situations dangereuses de manutention ou des gestes dangereux perdurent, les troubles musculo-squelettiques se déclenchent rapidement. Cela facilite le ciblage des actions de prévention car nous pouvons facilement repérer les secteurs ou les entreprises concernées et transformer les situations de travail.
Pour les autres maladies professionnelles, les délais de reconnaissance sont parfois très longs – jusqu'à quarante ans dans le cas de l'amiante. Le travail des préventeurs ne peut donc pas s'appuyer sur la sinistralité : il doit être basé sur l'observation et la caractérisation des situations de travail à un moment donné. On sait désormais que les fumées de soudage sont cancérogènes. Nous faisons donc en sorte que les entreprises qui travaillent le métal mettent en oeuvre des mesures de prévention selon les principes généraux de prévention – procédés non polluants, captage à la source, protections collectives plutôt qu'individuelle. Nous intervenons directement sur ces situations dangereuses pour les transformer.
Les petites entreprises – jusqu'à 200 salariés – privilégient souvent les contrats de prévention, notamment pour les risques chimiques. En effet, mettre en place une protection phonique, des systèmes de ventilation ou un traitement acoustique dans un local est souvent coûteux, tout en apportant rarement des gains de productivité importants. Le retour sur investissement de ce type d'équipement étant insuffisant pour ces entreprises, les contrats de contrats de prévention et les aides financières simplifiées permettent de soutenir les projets de prévention des entreprises. Dans ce cadre contractuel, la CRAMIF finance en moyenne 25 à 27 % de l'investissement. Les valeurs varient selon le type de dispositif mis en place. Cela peut aller de la formation à des outils de manutention ou des chariots permettant de réduire significativement les efforts de manutention des salariés et donc d'améliorer sensiblement leur productivité.
Qu'en est-il des responsabilités ? Le sujet est presque simple pour nous… Nous intervenons en tant qu'assureur des entreprises pour les risques encourus par leurs salariés et réparons les dommages. La CRAMIF ne se pose donc pas la question de la responsabilité : en cas d'accident mortel, nous chercherons à comprendre techniquement la genèse de l'accident. L'encadrement réglementaire de nos interventions est léger : nos actions sont couvertes par douze articles du code de la sécurité sociale et notre démarche, pragmatique, est celle d'assureurs. La recherche de la responsabilité relève de l'inspection du travail, qui vérifie si l'entreprise a bien respecté les obligations réglementaires prévues par le code du travail.
Nos techniciens de haut niveau sont formés à la prévention et disposent d'un bagage universitaire important et d'une expérience de l'entreprise avant d'entrer à la sécurité sociale. Le poids des partenaires sociaux est également important : lorsqu'une décision de majoration de cotisations est prise, elle est votée par les partenaires sociaux. Cela signifie que les collèges employeurs et salariés s'accordent pour inciter l'entreprise en question à mieux prévenir les risques professionnels.
Avant ces majorations, deux tiers des injonctions portent leurs fruits. Mais pour certaines entreprises, il faut en passer par cette sanction, d'abord de 25 %, puis de 50 %, voire de 200 %. Notre objectif est uniquement d'inciter les entreprises à faire de la prévention, et pas de rechercher des responsabilités. C'est d'ailleurs très confortable lorsqu'on intervient dans l'entreprise après un accident mortel : l'inspection du travail recherche les responsabilités ; nous cherchons à comprendre ce qui s'est passé d'un point de vue technique.