Intervention de Patrick Levy

Réunion du mercredi 23 mai 2018 à 14h00
Commission d'enquête sur les maladies et pathologies professionnelles dans l'industrie risques chimiques, psychosociaux ou physiques et les moyens à déployer pour leur élimination

Patrick Levy, médecin conseil de l'Union des industries chimiques :

La question de la sous-évaluation des maladies professionnelles est une question compliquée ; je ne suis pas sûr que nous disposions de tous les éléments de réponse.

Le système des tableaux fonctionne sur la base de la présomption d'imputabilité. Quelle que soit l'importance de l'exposition, si les critères du tableau sont remplis, la pathologie est reconnue, je dirais même qu'elle est reconnue quels que soient les autres facteurs de risque intercurrents. Par exemple, les cancers broncho-pulmonaires associés à l'amiante sont reconnus et réparés au titre de l'exposition à l'amiante, même si la personne fumait.

De sorte que, par le fonctionnement des tableaux et la présomption d'imputabilité, une sur-imputation professionnelle est possible pour un certain nombre de pathologies, alors même que les facteurs de risque ne sont pas uniquement professionnels.

Pour certaines pathologies, la relation avec une exposition professionnelle est évidente : l'amiante pour le mésothéliome, ou le chlorure de vinyle monomère pour l'angiosarcome du foie. Pour d'autres pathologies, telles que le cancer de la vessie, il existe une multitude de facteurs de risques professionnels et extraprofessionnels. Dans un système plus idéaliste, et probablement plus juste – et qui existe dans d'autres pays, notamment en Allemagne –, on détermine la part du professionnel dans la genèse des pathologies en fonction des localisations et des expositions. Il sera donc déterminé qu'un cancer de la vessie, par exemple, résulte pour x % de l'exposition à des facteurs de risque professionnels.

Notre système est cependant performant, puisque la France est le pays qui reconnaît le plus de pathologies professionnelles en proportion de sa population. Et si nous prenons en compte l'ensemble des facteurs de risque, nous sommes dans une analyse tout à fait différente. Je ne suis donc pas convaincu que nous soyons en situation de sous-déclaration comparativement à nos voisins européens.

Selon les agences sanitaires – le Centre international de recherche sur le cancer (IARC), l'Académie de médecine et l'Organisation mondiale de la santé (OMS) entre autres – un débat existe sur la part relative des facteurs environnementaux. Les fractions varient entre 3 ou 4 % et 20 %. Il n'y a donc pas de consensus scientifique quant à la part des facteurs professionnels dans la genèse d'un certain nombre de cancers. Il s'agit donc là d'une question difficile.

Les valeurs limites d'exposition professionnelle actuelles reflètent-elles les données scientifiques les plus récentes ?

Aujourd'hui, deux types de valeurs coexistent en France. D'abord, des valeurs qui ont été publiées par voie de circulaire – et reprises par l'INRS – et qui sont, pour un certain nombre d'entre elles, des valeurs anciennes, indicatives et non réglementaires. Ensuite des valeurs bien plus récentes – fondées sur des données scientifiques récentes –, réglementaires et contraignantes, qui relèvent soit d'un processus établi au niveau européen, soit de propositions de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES).

S'agissant des valeurs indicatives et non réglementaires, un travail de priorisation est à réaliser en vue d'une révision, dont nous préférerions qu'elle soit réalisée à l'échelle européenne. Je le répète, nous avons tout intérêt à établir des processus au niveau européen. Nous disposons d'instances scientifiques et d'agences dont c'est le métier, qui doivent donner le ton en définissant les priorités et en réévaluant scientifiquement les valeurs limites existantes. Ce qui ne veut pas dire que nos instances nationales, et l'ANSES en particulier, ne doivent pas y contribuer ; mais cela doit se faire dans un concert européen.

Enfin, concernant les CMR, il existe effectivement une obligation de rechercher des solutions de substitution. Cette disposition est-elle suffisamment contraignante pour modifier les pratiques ? Il s'agit non pas d'une obligation de résultat mais de moyen. Mais elle est formelle, puisqu'elle doit être reprise dans le document unique.

D'autres dispositions réglementaires, beaucoup plus puissantes et probablement plus efficaces, résultent des règlements européens, en particulier du processus d'autorisation et de restriction, en application de REACH. La substitution pour les substances figure dans les annexes XIV « Autorisation » et XVII « Restriction » du règlement. Des dispositions extrêmement puissantes et qui ne peuvent pas être comparées à l'obligation de moyen qui résulte du code du travail – moins efficace.

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