C'est une vraie question, car une telle évolution serait une rupture conceptuelle profonde. Jusqu'à présent, on a privilégié une approche collective de la prévention et de la traçabilité des risques professionnels. Aujourd'hui, sans vraiment le formuler, nous sommes en train de demander un suivi individuel. Ce qui est tout à fait justifié et justifiable, le problème n'est pas là.
Le problème est qu'il s'agit d'une rupture conceptuelle dans les rapports sociaux au sein de l'entreprise. La primauté de la prévention collective sur la prévention individuelle est depuis toujours le dogme. Cette évolution est en partie justifiée par la modification de la nature des contrats de travail. Le fichier des contrats courts et des intérimaires participent de cette révolution culturelle.
Le seul moyen d'assurer une traçabilité personnelle est d'affecter le support d'information à la personne. Actuellement, nous ne disposons que d'un support individuel : la carte Vitale, avec le dossier médical dit « partagé » – je vous rappelle que le conseil de l'ordre a interdit au médecin du travail l'accès au DMP…
Par ailleurs, il n'est pas possible de transmettre des informations dans un seul sens. Donner au seul médecin traitant les informations liées au travail ne servirait que la réparation, alors qu'un échange équitable aiderait l'entrepreneur dans sa prévention. Je ne sais pas qui prendrait la responsabilité politique de privilégier résolument la réparation tout en empêchant l'entrepreneur de se doter de l'outil nécessaire pour développer la prévention, dans son obligation de résultat et au regard de la faute inexcusable. Ce serait coupable et nous le dénoncerions.
On touche là à la question du fameux carnet de santé du travailleur qui, il faut bien le reconnaître, connaît quelques désavantages. Vous pensiez l'éviter en n'instaurant qu'un transfert à sens unique, mais n'oubliez pas qu'il existe, de l'autre côté, une responsabilité pénale.