J'ai relu attentivement la définition que vous avez donnée dans le texte, madame la ministre. Elle me paraît très tayloriste et dépassée par rapport à la réalité et à l'espérance que l'on peut nourrir à l'égard de l'entreprise et que nous partageons très largement, je le crois, sur tous ces bancs. Je voudrais faire référence à trois réflexions menées actuellement.
La première porte sur le sens même du travail. De nombreux salariés, quels que soient leur niveau de qualification et leurs responsabilités, sont autant à la recherche d'une reconnaissance et d'un sens à leur travail que d'une qualification. C'est la question du travail comme oeuvre, du travail qui n'est pas seulement alimentaire ou fonctionnel, mais qui participe d'une oeuvre et d'une émancipation, comme l'a très bien dit Michèle Victory.
Deuxièmement, dans une proposition de loi intitulée « entreprise nouvelle et nouvelles gouvernances » que Boris Vallaud et moi-même avions présentée au nom du groupe Nouvelle Gauche, mais que vous avez renvoyée en commission, autrement dit jetée aux oubliettes, nous avions évoqué le concept de « codétermination » et proposé une réforme du code civil. Ces idées ont été reprises pour partie et de façon un peu édulcorée dans le projet de loi PACTE – plan d'action pour la croissance et la transformation des entreprises – , qui sera dévoilé le 18 juin prochain.
À cet égard, je suis assez stupéfait que, dans un projet de loi relatif à la formation professionnelle, on n'évoque pas le fonctionnement de l'entreprise, la codéterminination et la participation des salariés aux décisions concernant l'avenir de l'entreprise. Cela va totalement à l'encontre du besoin de déchiffrement du monde et de compréhension de l'entreprise auquel renvoie cet amendement.
Troisièmement, dans le rapport Senard-Notat, il est question de la « raison d'être » de l'entreprise. Est-ce donc simplement de l'affichage ? Un exercice de philo ? Peut-on parler de la raison d'être de l'entreprise tout en refusant cet amendement minimal, de bon sens et qui va dans le sens de la modernité, qui énonce que la culture, comme élément qui nous relie, qui nous enracine en même temps qu'il nous élève et nous émancipe, doit être au coeur du travail au XXIe siècle ? Je serais absolument déconcerté que vous mainteniez in fine votre refus d'un amendement aussi ouvert et humaniste, qui correspond à des valeurs que vous affichez par ailleurs, mais que vous incarnez si peu dans ce projet de loi, quelques mois avant un autre débat sur l'entreprise.