Nous allons en rajouter une couche ! Il s'agit là de définir les actions de formation, dont vous avez choisi de restreindre le plus possible le champ. Mme Autain a rappelé qu'un projet de loi n'est pas un texte administratif. Nous ne voulons pas dresser une liste pour le simple plaisir de le faire : nous pensons qu'il faut inscrire dans le marbre de la loi l'esprit, l'objectif et le champ des actions de formation.
Pour définir ce dont nous parlons et qui est censé être le coeur de la loi, il nous semble nécessaire de préciser certaines choses. Manifestement, nous ne partageons pas votre philosophie, aux termes de laquelle les salariés seraient non des personnes qui suivraient une trajectoire d'émancipation à travers le travail, mais simplement des entités qui doivent être rentables.
Selon nous, la formation professionnelle n'a pas pour seule vocation de requalifier les travailleurs en salariés rentables. Or il semble que ce soit le cas pour vous. En effet, vous supprimez de la loi un nombre considérable de formations, que vous considérez sans doute comme un inventaire à la Prévert, alors qu'elles nous semblent essentielles pour l'émancipation. Je pense, par exemple, à la possibilité pour les travailleuses et les travailleurs de se former à l'économie et à la gestion de l'entreprise. Quoi que vous en disiez, votre définition réductrice de la formation n'intègre plus cette possibilité.
Pour notre part, nous estimons que la formation professionnelle devrait permettre aux salariés qui le souhaitent de répondre à des questions qui ont un impact direct sur leur entreprise : comment sont calculées ses marges ? Qui décide de ses grandes orientations ? Quels sont les droits des travailleuses et des travailleurs ? Comment sont distribués les bénéfices ? Que se passe-t-il en cas de faillite ? Comment envisager l'avenir et adapter l'entreprise aux changements actuels ? Autant de questions auxquelles les salariés ont encore le droit de chercher des réponses à l'occasion d'une formation. Ce ne sera plus le cas si le projet de loi est adopté.
Si tel est le cas, en effet, ce type de formation ne répondra plus aux critères. Dès lors, les travailleuses et les travailleurs qui n'auront pas bénéficié d'une formation initiale sur le sujet n'auront alors plus qu'à courber l'échine. Nous ne voulons pas creuser l'écart, comme vous le faites, entre une classe qui détiendrait les codes de l'entreprise et la masse des travailleuses et des travailleurs qui n'y auraient pas accès. Nous ne voulons pas que se mette en place un big bang de la formation, générateur de burn out, qui renforcerait les inégalités salariales.
Nous souhaitons au contraire que les salariés puissent apprivoiser leur environnement de travail, qu'ils puissent se former, s'ils le souhaitent, à la macroéconomie et améliorer leur culture économique. Nous voulons qu'ils puissent analyser, critiquer, argumenter, s'impliquer activement dans la vie de l'entreprise.
Nous désirons tout simplement qu'ils puissent choisir des formations qui leur permettent de comprendre les enjeux dans lesquels ils sont pris et dont ils sont les premiers acteurs.
Je suis sûre qu'un grand nombre d'entre nous souhaite davantage de dialogue social, un vrai dialogue, entre des personnes en capacité d'échanger des arguments pour améliorer les conditions de travail et la vie dans l'entreprise. Vous voterez donc, chers collègues, l'amendement, qui vise à faciliter ce dialogue, ainsi que la formation individuelle et la cohésion collective au sein de l'entreprise.