Intervention de Dominique Boutin

Réunion du jeudi 31 mai 2018 à 9h00
Commission d'enquête sur la sûreté et la sécurité des installations nucléaires

Dominique Boutin :

Nous sommes tous mécontents, c'est vrai.

Nous constatons que des habitudes fâcheuses sont à l'oeuvre. Sur des dossiers importants, par exemple, le compte rendu dont nous devons discuter est déjà rédigé à l'ouverture de la réunion. Certes, nous modifions une virgule ou la structure d'une phrase, mais le concept général est déjà fixé par des professionnels. Il est assez difficile de remettre de telles habitudes en cause.

On a l'impression – je ne dis pas que c'est la vérité – qu'il existe un paradigme international, managé par l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA). Nous avons de grandes difficultés à casser ce système international. C'est ainsi qu'un certain nombre d'idées sont quasi arrêtées une fois pour toutes. Par exemple, l'AIEA continue de développer la piste de l'enfouissement géologique alors qu'elle s'est révélée être un échec partout dans le monde. Casser une idée aussi paradigmale est extrêmement difficile. Si l'on peut modifier légèrement le curseur, nous avons du mal à revenir sur le concept de base. On a même l'impression que l'intelligentsia nucléaire n'ose pas s'opposer.

Autre exemple, les anciens du Commissariat à l'énergie atomique (CEA) avancent qu'il ne faut surtout pas confier une centrale à l'intelligence artificielle et que l'homme doit continuer à décider. Bien sûr, il peut être aidé pour opérer des calculs, mais la décision doit revenir aux hommes, non aux machines. Or, aujourd'hui, l'idée des exploitants consiste à renforcer l'intelligence artificielle. Il n'en demeure pas moins qu'à trois reprises, les autorités internationales ont refusé à l'EPR les projets informatiques mis en place. On a du mal à casser ces idées préconçues. C'est pourquoi nous ne comprenons pas toujours les décisions prises par l'ASN – moi le premier ! Nous les contestons, mais rien n'y fait.

Vous le savez aussi bien que nous, le monde du nucléaire est complexe. Par exemple, si l'on nous présente l'image d'un colis C5 et que nous voulons le remettre en cause, il faut être prêts à argumenter. Mais nous savons par avance que l'on ne peut revenir sur le concept même. Face à une telle complexité, je me demande d'ailleurs jusqu'à quel point l'intelligentsia nucléaire elle-même peut remettre des concepts en cause. Cela dit, je ne suis pas seul à contester certaines positions de l'ASN.

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