Intervention de Dominique Boutin

Réunion du jeudi 31 mai 2018 à 9h00
Commission d'enquête sur la sûreté et la sécurité des installations nucléaires

Dominique Boutin :

La vétusté est le problème principal. La vétusté est normale au regard de l'âge des machines. Prévues pour vingt-cinq ans de bombardements, les cuves arrivent à quarante ans d'âge. Même si elles n'ont pas été bombardées vingt-cinq ans, c'est l'ancienneté qui pose problème. La modicité des moyens des opérateurs ne permet pas de remplacer au quotidien les pièces défectueuses. Aussi assiste-t-on à un effet domino, non dans le noyau dur, mais pour tout le reste. Il suffit de visiter n'importe quel réacteur pour s'en convaincre.

Cette vétusté est source de multiples petits ennuis qui s'additionnent. Nous avons évoqué la centrale de Fessenheim, mais nous pouvons également citer la centrale de Civaux qui connaît depuis des années des fuites de tritium. On ne sait où se situent les fuites, mais nous retrouvons le tritium dans l'eau potable à Châtellerault. Si les seuils restent inférieurs aux limites fixées, le phénomène n'en reste pas moins anormal.

Comment les machines répondent-elles à des accidents extérieurs ? Je ne me focalise pas précisément sur des attentats terroristes. Il y a plus grave. Par exemple, les conditions climatiques qui se dégradent fortement. Il est arrivé que la centrale nucléaire du Blayais se soit retrouvée sous l'eau. La tempête Xynthia n'est pas non plus une invention. Ce sont des phénomènes de cette ampleur qui m'inquiètent.

Si nous avions à subir un gros orage comme nous en avons connu ces jours-ci ajouté d'une tempête et d'une marée haute, nous conjuguerions plusieurs phénomènes susceptibles de mettre à mal une centrale.

En raison de la vétusté, de portes qui ferment mal, par exemple, les machines pourraient être inondées. À la centrale nucléaire de Paluel, le générateur de vapeur est toujours en équilibre jusqu'au jour où il finira par tomber pour de bon. Mon inquiétude porte sur des incidents de ce type. Les opérateurs n'ont pas obligatoirement les moyens de répondre à tous les petits aléas du quotidien qui, un jour, se traduiront par un gros incident.

Ma réponse à votre question, madame la rapporteure, sera très géographique, sans doute parce que je suis géographe de formation : il convient d'être attentifs aux inondations maritimes ou des grands fleuves. On l'a constaté à la centrale de Tricastin comme à celle de Blayais. Pour l'heure, aucune réponse adaptée n'est prévue, c'est une réalité. L'ASN l'a d'ailleurs dénoncé. La question a été abordée au titre des éléments complémentaires de sûreté. Même si l'on reconnaît qu'une centrale est en zone inondable, on ne pourra pas régler le problème du jour au lendemain.

La perte de source froide est plus ou moins réglée, je dis « plus ou moins », car ce n'est pas sérieux.

Aussi bizarre que cela puisse paraître en Europe, j'aborderai la question des tsunamis. Un sénateur de l'Hérault a d'ailleurs mis en place au Sénat un groupe de travail fort intéressant sur les tsunamis en Europe. Il pose la question, non pas tant au regard du nucléaire, mais parce qu'il s'inquiète des conséquences d'une vague recouvrant son pays tout plat ! Le CEA a créé un groupe de travail sur le sujet, preuve que la plupart des centrales littorales sont en risque majeur. Les centrales ont été construites au ras de l'eau pour des raisons techniques, mais ce facteur du tsunami a été sous-estimé. Je n'insiste pas, je relève simplement qu'il existe un risque majeur, étudié par les Américains parce qu'ils craignent, sur leurs propres côtes, les conséquences d'un tsunami aux Canaries.

J'en viens au problème des sources froides. Les changements climatiques possibles sont susceptibles d'engendrer la baisse des étiages des fleuves. En 1976, nous avons connu une saison de sécheresse. Le débit de la Loire se situait à 44 mètres cubes par seconde pour douze réacteurs, nous frôlions la limite. Mais nous avons eu cette chance que l'été 1976 n'ait pas été torride. Il n'en demeure pas moins que si l'on devait cumuler une canicule comme celle de 2003 et les conditions de sécheresse de l'été 1976, selon les calculs mathématiques, l'eau viendrait à manquer. Quatre petits forages ont été réalisés à Chinon, mais ils ne sont pas à l'échelle du problème.

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