Intervention de Dominique Boutin

Réunion du jeudi 31 mai 2018 à 9h00
Commission d'enquête sur la sûreté et la sécurité des installations nucléaires

Dominique Boutin :

C'est la roulette russe ! Nous ne connaissons pas la réponse. L'Andra explique que nous n'avons pas de soucis tant que cela fonctionne. Les chercheurs savent calculer le temps de remontée de la radioactivité en surface dans des conditions favorables. Quant à savoir s'ils ont calculé les conséquences d'un accident, nous n'avons pas de réponse.

Et puis il y a un aspect qui relève du pari. J'ai découvert la semaine dernière que pour éviter toutes fuites ultérieures, aucun forage n'avait été réalisé dans la zone d'enfouissement. Cela semble logique, si ce n'est que tout repose sur la connaissance du terrain. Or nous la connaîtrons uniquement le jour où nous commencerons à enfouir et à travailler dans la zone. C'est là que se pose un problème déontologique. Les ingénieurs découvriront « en faisant ». À l'heure actuelle, ce que l'on imagine ne repose que sur des réflexions figurant sur le papier. La réversibilité était définie dans la loi comme la capacité pour les générations futures à réévaluer les choix définis antérieurement, si ce n'est que la situation doit être connue au cours des premiers mois, des premières années. Si un déficit quelconque devait être découvert vingt ans après, que ferions-nous des colis accumulés ? Techniquement, il serait impossible de les sortir.

C'est pourquoi je considère qu'un pari est lancé qui ne semble pas à la mesure de l'enjeu. Nous percevons la difficulté des Américains sur le site de stockage des déchets de Yucca Mountain. Ils font marche arrière, de même que les Suédois dont la Cour suprême a émis un avis défavorable à l'enfouissement. Quant à Stocamine, avec l'appui de la population, il est prévu de sortir l'ensemble des colis. Aucun site ne présente une bonne piste, toutes les expériences tentées de par le monde se soldent par une faillite. C'est pourquoi nous considérons qu'il est nécessaire d'avoir au minimum un plan B lorsque nous découvrirons des failles dans cinq ou dix ans. Je ne parle même pas de l'investissement financier que cela représente. Aujourd'hui, nous n'avons aucune réponse garantissant la sûreté.

Tous les jours, nous découvrons de nouvelles difficultés. Cigéo nous a toujours dit que le site de Bure était composé d'argiles ; en fait, il s'agit d'un sel de carbonate de calcium. Des flux d'hydrogène en grande quantité seront libérés par les colis. J'ai interrogé l'IRSN pour connaître la réaction entre les flux d'hydrogène et le carbonate. Nous n'avons toujours pas obtenu de réponse. Ce sont des imprécisions majeures que l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra) n'explicite pas ; elle ne dit pas ignorer la qualité géologique du site où aura lieu l'enfouissement. D'où un décalage.

En revanche, nous dialoguons intelligemment avec l'IRSN. Les 12 et 13 décembre derniers, en 2017, un débat public de deux jours a été organisé sur ces questions. Il serait intéressant, selon moi, de développer ces débats publics techniques et pointus pour obtenir des réponses. Je salue l'IRSN qui réalise vraiment un excellent travail !

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