Intervention de Dominique Boutin

Réunion du jeudi 31 mai 2018 à 9h00
Commission d'enquête sur la sûreté et la sécurité des installations nucléaires

Dominique Boutin :

Il y a sous-traitants et sous-traitants. Une entreprise de Chinon employant 50 personnes de grande expérience était un sous-traitant permanent. Une bonne partie du personnel sous-traitant travaillait dans la construction dans les années 1980. Il arrivait avec un bon bagage technique, une bonne connaissance des machines, des lieux, de la géographie des réacteurs. L'obligation de passer par des appels d'offres a fait que cette entreprise qui comptait beaucoup d'hommes de cinquante ans coûtait plus cher qu'une jeune entreprise qui démarrait avec des jeunes de 25 ans qui ne connaissaient pas grand-chose. Cette dernière a donc emporté le marché et l'on se retrouve avec des jeunes, ce qui en soi est une bonne chose, mais qui ignorent le fonctionnement des machines qui sont complexes – il y a 1 200 pompes par réacteur – et qui n'ont pas les réflexes professionnels nécessaires. En conclusion, nous sommes confrontés à une multitude d'incidents qui sont liés à cette méconnaissance globale du système, auquel s'ajoute le problème des consignes. EDF, en l'occurrence, va donner des consignes aux sous-traitants. Le sous-traitant a-t-il les compétences pour soumissionner ? Lorsqu'il ne les a pas, il sous-traitera lui-même. Il est arrivé qu'un appel d'offres compte sept niveaux de sous-traitance. Entre la consigne initiale et celle reçue par le dernier sous-traitant, c'était l'horreur !

À l'heure actuelle, nous sommes revenus à deux niveaux de sous-traitance, nous constatons une meilleure qualité du service.

Par ailleurs, il existe des entreprises qui sont compétentes sur une action mais qui n'ont pas une vision globale ; elles peuvent passer à côté d'un petit défaut. C'est ainsi que nous avons failli perdre un homme en 2010. Alors qu'il était en train de nettoyer une piscine, par réflexe professionnel, il a ramassé une pièce qu'il a trouvée. En sept secondes, il a reçu sa dose annuelle. Il a ensuite eu le réflexe de jeter la pièce au loin. Un jeune serait décédé, il n'aurait pas eu le réflexe de se débarrasser de la pièce en question.

Je cite cet exemple caractéristique de la méconnaissance générale d'une machine, de l'absence de réflexes ou gestes professionnels qu'il faut avoir. Les rapports de l'ASN fourmillent de tels exemples.

À la question sur l'alliance objective entre les acteurs du nucléaire, je répondrai que l'ASN, le gendarme du nucléaire, dresse de beaux rapports, mais jamais de procès-verbaux. Il s'agit d'un gendarme très conciliant. Suite à un rapport de l'ASN, nous avons porté plainte devant le tribunal car nous avons estimé que la loi avait été bafouée. Nous ne parlons pas de l'interne. Nous avons retenu des éléments du rapport de l'ASN et les avons portés au tribunal, nous avons gagné. Pourquoi donc l'ASN ne dépose-t-elle pas plainte pour irrespect de la loi ? On peut donc imaginer une certaine alliance objective. Il conviendrait de demander au gendarme d'être plus sévère dans ses conclusions et non pas uniquement dans ses rapports. Lorsqu'une vie humaine a été mise en danger, un rapport « gentil » n'est pas approprié, il faut des conclusions qui aillent au-delà.

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