Je souhaite soulever la question de notre audiovisuel extérieur. Nous suivons l'évolution de ses moyens budgétaires avec une grande attention, car il ne faut pas sous-estimer les externalités positives liées aux dépenses de l'audiovisuel extérieur.
Elles favorisent la pénétration de certains marchés par nos entreprises et permettent d'entretenir et d'étendre la communauté des francophones. L'audiovisuel extérieur fait partie intégrante de la diplomatie française, il est un facteur important du rayonnement culturel, intellectuel et scientifique qui contribue à notre poids politique et participe à la construction d'une image positive de la France. Le Président de la République s'est engagé en faveur d'un renforcement de la présence et de l'attractivité de la langue française, pour lesquelles notre audiovisuel extérieur doit jouer un rôle central. Or les moyens ne sont pas à la hauteur des défis qui nous attendent. Je n'en citerai que quelques-uns.
France Médias Monde doit faire face simultanément à la nécessité de développer la TNT en Afrique – il ne faut pas manquer cette action sur le continent africain –, de généraliser la diffusion en haute définition dans certaines parties du monde, de numériser les contenus, et de renforcer notre présence en Asie, partout où ses relais d'influence appuient la diplomatie économique de la France. Le groupe vient aussi de lancer sa version en espagnol. France Médias Monde est arrivée au maximum de ce qu'elle pouvait faire en matière de redéploiement. Il s'agit de crédits qui représentent pratiquement 7 % de l'ensemble de l'audiovisuel public français.
TV5 est aussi en grande difficulté. La francophonie, raison d'être et ossature de la chaîne, est à un moment-clé de son histoire : l'expansion de la démographie africaine lui garantit théoriquement un triplement de son audience, qui pourrait atteindre près de 700 millions d'individus à l'horizon 2050, majoritairement, bien sûr, en Afrique. Le potentiel de ce levier d'influence est immense pour la France, mais les moyens mis à la disposition de la chaîne sont très largement insuffisants, alors même qu'elle doit moderniser son image et consolider sa présence face à une concurrence très rude, en particulier des Chinois, des Russes, des Américains, des Britanniques et des Allemands.
Troisième exemple : la promotion de nos industries culturelles et créatives, qui doit être une priorité pour notre diplomatie culturelle – le cinéma, les programmes audiovisuels, les contenus web ou encore les jeux vidéo –, de même que la valorisation de l'expertise française en matière audiovisuelle et la promotion du modèle économique et réglementaire français. Là encore, les moyens sont insuffisants.
S'y ajoute enfin tout le volet du soutien aux efforts de professionnalisation et de modernisation des médias de nos partenaires étrangers, en développement ou en sortie de crise. Le dernier en date est la Tunisie, où doivent être formés un certain nombre de journalistes d'organismes publics et privés. Ce volet vise aussi à renforcer l'État de droit et à promouvoir la liberté d'expression, marqueur fort de notre diplomatie. Il incombe principalement aujourd'hui à CFI, agence française de développement des médias qui vient d'être rattachée à France Médias Monde, de s'acquitter de cette lourde tâche. Elle devrait pouvoir compter sur l'aide d'un réseau de professionnels, mais leurs postes semblent, hélas, être en danger, comme on l'a vu pour celui de l'attaché audiovisuel au Maghreb.
Les deux groupes ont réalisé un certain nombre d'économies, mais sont quasiment arrivés aujourd'hui au maximum de ce qu'ils pouvaient consentir. France Médias Monde et TV5 doivent recevoir un certain nombre de garanties. Il est actuellement question, madame la ministre, de réforme de l'audiovisuel public. Je ne pense pas que l'on puisse en débattre sans s'intéresser, bien sûr d'une manière très large, mais d'une manière protectrice, à France Médias Monde et à TV5 Monde. Il s'agit de leur donner de la visibilité, dans le respect de leurs contrats d'objectifs et de moyens et du plan stratégique qui garantit, en quelque sorte, leur visibilité pour l'avenir.
Par ailleurs, compte tenu de la faible progression de leurs ressources propres, notamment en raison d'un marché publicitaire atone, ne faudrait-il pas veiller à dynamiser, en quelque sorte, la contribution à l'audiovisuel public ? D'autant que ces groupes doivent aussi prendre le virage du numérique, ce qui va nécessiter des investissements relativement importants.
Dernière remarque : nous devons dépenser mieux, et investir dans les zones où la France aura le plus d'influence et de rayonnement. Nous devons également nous doter d'un outil de pilotage de l'audiovisuel extérieur, prévoyant le financement de tous les investissements nécessaires, pour lutter contre la concurrence, en particulier celle des Chinois et des Russes, qui nous taillent des croupières en Afrique.