Je me réjouis de participer à cet exercice pour la première fois. Ayant été « petite main » au budget il y a une dizaine d'années, je suis heureux de constater que l'esprit de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), tel que MM. Didier Migaud et Alain Lambert l'avaient défini, s'applique ici pleinement, avec davantage de redevabilité – pour employer un terme souvent usité en matière de développement – vis-à-vis du Parlement et de la commission des finances.
Pour répondre au rapporteur spécial Marc Le Fur d'abord sur l'annulation de crédits. L'entrée en fonction d'un nouveau gouvernement après une élection présidentielle est toujours l'occasion de dresser un état des lieux de la dépense. Souvent, en année électorale, les lois de finances initiales – qui ne sont pas exécutées par ceux qui les ont écrites – recèlent quelques problèmes. Aussi avons-nous été tenus d'ajuster la voilure, afin de répondre à certains enjeux et de respecter nos engagements européens. Chacun a été mis à contribution. S'en est suivi un long travail de programmation pluriannuelle. Le CICID, qui a décliné les engagements du président de la République en matière de développement, est survenu postérieurement à cet exercice, le 8 février 2018. C'est désormais à partir de cette feuille de route que le travail se décline.
Pour autant, la portion de notre aide publique au développement pouvant faire l'objet d'un pilotage est congrue. L'essentiel des contributions à des fonds multilatéraux, dans le cadre du programme 209 Solidarité à l'égard des pays en développement, est obligatoire au titre d'engagements pluriannuels. Au niveau communautaire, le Fonds européen de développement (FED) représente la moitié des crédits du programme 209. Les éventuels retards de paiement entraînent en outre des pénalités financières. Nous avons par ailleurs diverses contributions au niveau international, certes très modestes par rapport aux autres partenaires – citons notamment le Haut-Commissariat pour les réfugiés (HCR), le Fonds des Nations unies pour l'enfance (UNICEF), le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), le Programme alimentaire mondial (PAM), ou encore l'Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA). Les diminuer encore ou les annuler aurait eu un coût politique particulièrement élevé.
Les contributions volontaires, quant à elles, ne représentent pas un montant considérable. S'élevant à 95 millions d'euros, elles n'auraient pas pu absorber à elles seules l'annulation de crédits de 138 millions d'euros que vous avez évoquée, monsieur le rapporteur spécial. Cette diminution s'est donc reportée sur la partie d'aide-projet bilatérale, étant entendu que tous les projets ne sont pas conduits et décaissés au même moment. Un pilotage a été mené au plus fin avec l'AFD et nos partenaires afin que cette réduction ait le moins d'impact négatif possible. Toujours est-il que l'AFD a dû reporter 15 projets. La loi de finances initiale de 2018 fait cependant apparaître une augmentation de notre aide publique au développement de l'ordre de 100 millions d'euros. La marche est plus forte encore pour 2019. Nous avons donc mis un coup d'arrêt à l'érosion systématique de ces crédits budgétaires qui sévissait depuis quelques années. Nous reprenons une pente ascendante, d'autant que le président de la République s'est engagé fortement sur le plan multilatéral. C'est ainsi que, le 3 février 2018 à Dakar, la France a été particulièrement impliquée dans la conférence de reconstitution des fonds du Partenariat mondial pour l'éducation.
J'en viens au Mali. Dans cette zone particulièrement importante, nous avons besoin d'accroître l'efficience de notre action à tous niveaux. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle les outils évoluent actuellement. Il y a à peine un an était lancée l'Alliance pour le Sahel, ayant pour objet de réunir des bailleurs et de mettre en oeuvre des procédures plus courtes et plus resserrées, afin d'aboutir aux résultats plus rapidement. Nous montrerons ainsi aux populations que nous sommes en capacité de répondre à leurs attentes, ce qui pourrait éviter à certains d'être tentés par des aventures guerrières.
En 2017, la France a consacré 198 millions d'euros au Mali, montant en nette augmentation par rapport à 2016 et 2015. Le Mali est le troisième récipiendaire de l'AFD en termes de projets, derrière la Palestine et le Niger. Ceci traduit une prise de conscience de l'importance de cette zone.
Nous avons informé les autorités maliennes que nous devions améliorer les résultats de la délivrance des laissez-passer consulaires. Nous avons manifestement été entendus, comme en témoigne le progrès sensible de la coopération, de ce point de vue, depuis le début de l'année 2018. Quelques restrictions symboliques ont même porté sur la délivrance de visas diplomatiques, signe d'une volonté affirmée de progresser, volonté partagée depuis par le Mali.
Je vous propose d'aborder les effectifs après l'intervention de votre rapporteur spécial Vincent Ledoux, dont je sais qu'il évoquera ce sujet.
S'agissant du CICID, il constitue notre feuille de route et nous permettra de mener un certain nombre d'actions ainsi que d'augmenter significativement les moyens dévolus aux 19 pays que nous avons identifiés comme prioritaires. Notez que deux nouveaux États ont intégré cette liste, la Gambie et le Liberia, où se sont produites des alternances voire une transition démocratique pour la première. Ces pays ont besoin que nous soyons à leurs côtés pour les aider à engager des chantiers urgents en termes d'électricité ou encore de formation professionnelle. La France s'engage très fortement à leur égard. Nous avons annoncé la semaine dernière, à l'occasion de la conférence pour la Gambie, l'octroi de 50 millions d'euros supplémentaires pour la période 2018-2022.
Il résultera du CICID un accent sur le bilatéral et sur les dons. Le focus sur les prêts qui valait jusqu'à présent introduisait en effet une distorsion entre les pays qui avaient la capacité d'y accéder et ceux dont la structure budgétaire et financière ne le permettait pas. Il était important que nous mettions nos outils en phase avec nos priorités. Nous réaffirmons très régulièrement, lors des conseils des ministres européens du développement, le souhait d'une concentration sur les pays les moins avancés. À l'orée de la renégociation de l'accord entre l'Union européenne et les pays d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (UE-ACP), certaines voix en Europe ont pu exprimer d'autres objectifs. Avec le concours de l'Allemagne notamment, La France est néanmoins parvenue à affirmer l'importance de cet enjeu. Le saut quantitatif d'un milliard d'AE supplémentaire en dons-projets bénéficiera particulièrement à ces 19 pays.
Par ailleurs, un travail est en cours avec le ministère de l'action et des comptes publics pour identifier les voies et moyens de prendre en compte des besoins en crédits de paiement qui n'étaient pas prévus dans les lettres plafonds du ministère, de l'ordre de 138 millions d'euros. Je vous rendrai volontiers compte de ses résultats le moment venu.
Le Parlement aura un rôle à jouer dans le cadre du débat budgétaire pour garantir la crédibilité de notre politique d'aide publique au développement, dans le respect des engagements pris par le président de la République.
Enfin, le risque de change est pris en charge au moyen d'ordres d'achat à terme de devises, de dollars notamment, permettant de se couvrir contre les variations de monnaies. En 2017, nous avons acheté pour plus de 400 millions d'euros de devises afin d'assurer nos contributions internationales. La Cour des comptes a émis des recommandations pour améliorer encore cette couverture. Elle prône une politique globale de couverture du risque de change par l'État, à laquelle nous sommes favorables. Un groupe de travail a été mis en place à ce sujet avec Bercy. Là encore, je ne manquerai pas vous tenir informés de ses avancées.