La France a accueilli 89 millions de touristes étrangers en 2017. Elle est, en nombre d'arrivées, la première destination touristique mondiale. L'objectif du gouvernement est de conforter cette première place, en portant le nombre de touristes étrangers à 100 millions à l'horizon 2020. Je salue cette volonté, mais il me semble que cet objectif doit être accompagné de moyens plus adaptés, renforçant durablement la compétitivité de la filière touristique française.
Les trois volets d'analyse que j'ai retenus pour ce semestre de l'évaluation des politiques publiques sont donc les suivants. Quels moyens réels sont accordés au principal opérateur de l'État pour la promotion touristique, Atout France ? Quels moyens sont dédiés pour répondre à la crise de l'hébergement touristique ? Enfin, quelle stratégie est déployée en faveur de la relance du tourisme domestique, et quels moyens sont accordés au tourisme comme vecteur d'inclusion sociale ?
La subvention pour charge de services publics affectée à Atout France en 2017 a atteint 31 millions d'euros, constante depuis deux ans, auxquels se sont ajoutés 5 millions d'euros issus du fonds d'urgence pour la relance du tourisme – fonds non reconduit – ainsi que d'autres subventions ponctuelles de différents ministères. Au total, Atout France a reçu 45 millions d'euros de subvention de l'État en 2017.
Parallèlement, si l'attribution d'une part du produit des recettes additionnelles des droits de visa pour renforcer le budget de promotion a rapporté 4,5 millions d'euros en 2016, elle a été nulle en 2017 du fait du solde négatif de ces recettes entre 2016 et 2017. Il y a eu en effet moins d'arrivées l'année dernière que la précédente.
Le dispositif est donc perfectible, puisque les années de baisse de fréquentation, pour lesquelles le besoin en termes de promotion est logiquement le plus important, il ne permet pas de dégager de moyens supplémentaires. Lors de l'examen du dernier projet de loi de finances, je vous ai donc proposé, Monsieur le ministre, un dispositif plus stable destiné à maintenir un niveau sûr d'attribution de recettes pour la promotion, sans créer de nouvelles dépenses dans le budget de l'État. Il consistait à déterminer une part fixe, correspondant à un pourcentage fixe des recettes totales des droits de visas, environ égal à 5 millions d'euros – avec 2016 comme année de référence – et à y ajouter une part variable calculée sur la part additionnelle de ces mêmes droits de visa. L'ajout de cette part variable à une part fixe permet de capitaliser au maximum sur les bonnes années de fréquentation, tout en sécurisant une recette minimum pour la promotion. Cette double attribution, qui pourrait être plafonnée à 10 millions d'euros, me semble de nature à faciliter l'atteinte de l'objectif que le gouvernement s'est fixé à l'horizon 2020, c'est-à-dire un effort national, public et privé, de 100 millions d'euros dédiés à la promotion, correspondant à 1 euro investi par touriste.
Or, s'il semble que le Gouvernement ait entériné le principe de l'attribution de cette recette issue des visas, je souhaiterais savoir, monsieur le ministre, si vous avez fait le choix d'une part fixe ou d'une part de la recette additionnelle, et quel pourcentage des recettes de visa vous avez arrêté pour la promotion. Pouvez-vous nous indiquer ce qui a été décidé sur ce point, et si les 6 millions d'euros supplémentaires annoncés par le Premier ministre en début d'année sont issus de cette recette ?
La baisse constante des effectifs d'Atout France ces dernières années, par laquelle l'opérateur a contribué à l'effort de maîtrise de la dépense publique, ne doit pas l'empêcher de mener les nouvelles missions que vous lui avez confiées, notamment en matière d'accompagnement et d'ingénierie de projets touristiques structurants. À ce titre, monsieur le ministre, j'attire votre attention sur la nécessité d'une meilleure adéquation entre le plafond d'emplois d'Atout France et ses nouvelles missions.
Venons-en à l'investissement dans l'économie du tourisme.
L'un des sujets prioritaires en matière de politique touristique porte sur la compétitivité de notre offre d'hébergement : est-elle suffisante et qualitativement satisfaisante ? Offre-t-elle des opportunités sur l'ensemble du territoire national ou tend-elle à se concentrer sur certaines destinations ? Dès votre arrivée au gouvernement, monsieur le ministre, vous avez identifié deux défis auxquels nous devons rapidement apporter des réponses concrètes : remettre sur le marché locatif des logements de résidences de tourisme préalablement réhabilités d'une part, et d'autre part stopper l'érosion de l'hôtellerie familiale et indépendante en favorisant les transmissions et la rénovation de ces biens.
Sur le premier point, alors que les constructions nouvelles restent restreintes dans les zones touristiques, le vieillissement du parc des résidences de tourisme et la sortie de ces lits du marché locatif fragilisent l'ensemble du tissu économique des territoires touristiques. Avec 785 000 lits, ces résidences représentent près de 30 % du parc d'hébergement touristique, pourcentage qui dépasse 50 % dans les départements les plus touristiques, à la mer comme à la montagne. Or, on estime que les sorties de baux locatifs représentent chaque année 1 % à 2 % des lits, à la mer et à la montagne, soit à 5 000 à 10 000 lits sortant annuellement du parc locatif.
L'enjeu du maintien de ces lits sur le marché est plus vital encore en montagne, où le modèle économique des domaines skiables, et les milliers d'emplois qui y sont liés, dépend exclusivement du nombre de forfaits vendus, lui-même dépendant pour l'essentiel du nombre de lits touristiques.
Sur ce point, le Premier ministre a annoncé en janvier dernier, en Savoie, une mission d'inspection interministérielle devant examiner, je cite, « des mesures incitatives fiscales, soit positives, soit plus pénalisantes » pour faciliter la remise en location de ces biens. Or, il faut bien comprendre que le droit de propriété ne permet pas de mettre en place des mesures véritablement contraignantes. Nous buttons depuis des années sur cette difficulté. Nous ne disposons donc que d'un levier incitatif pour avancer sur ce sujet, raison pour laquelle je proposerai plusieurs amendements en ce sens dans le cadre du projet de loi portant l'évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (ELAN).
J'ajoute, monsieur le ministre, qu'il est important de mettre en oeuvre rapidement ce type de dispositif, car l'augmentation de la contribution sociale généralisée sur les revenus locatifs risque d'accentuer encore la frilosité des propriétaires à louer leurs biens. Pouvez-vous nous indiquer quelles mesures fiscales vous entendez mettre en oeuvre, conformément au propos du Premier ministre, sur ce sujet crucial ? Je crains en effet que tout dispositif de conseil ou d'accompagnement des propriétaires reste peu efficient au regard de l'enjeu, s'il n'est pas accompagné de dispositifs fiscaux adaptés.
En ce qui concerne l'état de l'hôtellerie familiale et indépendante, qui a le mérite de couvrir le territoire national et qui fonctionne bien chez nos voisins autrichien et italien, la situation est très préoccupante. Ces hôtels ferment et ne se transmettent plus, en raison de droits de succession trop élevés et inadaptés à des reprises. Comme l'indique l'ensemble des représentants de l'hôtellerie aujourd'hui, il coûte aussi cher de transmettre que de vendre son hôtel. Par ailleurs, les mises aux normes et travaux de rénovation sont trop coûteux par rapport à la capacité d'investissement des propriétaires, qui peinent en outre à trouver des repreneurs et des gestionnaires compétents.
L'Autriche a, semble-t-il, sauvé son hôtellerie indépendante en mettant en oeuvre des mesures favorisant la transmission. Monsieur le ministre, étudiez-vous des pistes telles qu'une exonération partielle des droits de successions en contrepartie de travaux et d'une transmission d'activité ?
Par ailleurs, la durée des prêts « hôtellerie » mis en place par Bpifrance pour faire face aux enjeux de réhabilitation lourde, qui est de 15 ans en moyenne, est trop courte, de l'avis même de son directeur général. Il conviendrait que cette durée soit allongée à 25 ans pour tenir compte du modèle économique de ces établissements, de l'importance des travaux qu'ils ont à engager et de la saisonnalité de leur activité. Monsieur le ministre, qu'en est-il de cette préconisation ?
Passons à la place du tourisme domestique dans la politique du Gouvernement.
Le tourisme relève aujourd'hui en totalité du ministère de l'Europe et des affaires étrangères. Or, s'il est essentiel d'agir à l'intention de la clientèle internationale, la clientèle touristique française ne doit pas être oubliée. Je n'ai pas le sentiment que le tourisme intérieur occupe la place qu'il mérite dans votre stratégie. C'est la raison pour laquelle, monsieur le ministre, j'aimerais savoir ce que vous entendez mettre en oeuvre à destination de nos concitoyens pour leurs départs en France. En effet, ils représentent notre premier marché, et leurs choix ont un impact sur notre balance commerciale. Pour que celle-ci soit positive, il ne s'agit pas seulement d'attirer des touristes étrangers, mais aussi de renforcer la fréquentation endogène. Il y a là, en outre, un véritable enjeu d'inclusion sociale. Je rappelle que selon l'Observatoire des inégalités, 37 % des Français ne partent pas en vacances.
Enfin, monsieur le ministre, j'aimerais savoir où en est l'étude demandée par le Parlement lors du dernier projet de loi de finances sur une meilleure prise en compte de la population touristique dans le calcul de la dotation globale de fonctionnement, ainsi que sur l'analyse de l'effet du fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales sur les communes touristiques. Prenons garde à ne pas trop fragiliser, par des choix budgétaires excessifs, les communes supports de notre économie touristique, source de recettes importantes pour le budget de l'État.