Intervention de Jean-Baptiste Lemoyne

Réunion du jeudi 31 mai 2018 à 8h30
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères :

Ainsi que vous l'avez souligné, nous avons une ambition forte en matière touristique. Nous sommes conscients que si la France a peu de pétrole, son offre touristique est d'or, tant par son patrimoine que par ses paysages, son savoir-faire et sa créativité. Nous vivons cette réalité au quotidien sur nos territoires respectifs, avec des acteurs très engagés.

Pour autant, la marche à franchir est haute. Pour parvenir à 100 millions de touristes étrangers en 2020, nous devons attirer 10 à 12 millions de visiteurs supplémentaires. Certes, le marché touristique mondial évolue très favorablement, porté notamment par des pays émergents comme la Chine. Celle-ci est désormais la première émettrice de flux, à hauteur de 130 millions de touristes. Face à cela, nous devons nous mettre en ordre de bataille, tant du point de vue de la promotion que de l'investissement.

La France est certes la première destination touristique mondiale, mais ne doit pas se reposer sur ses lauriers. Elle est talonnée par d'autres pays, comme l'Espagne qui accueille 83 millions de touristes étrangers.

En matière de promotion, notre ambition forte s'inscrit dans la suite du plan de relance qui avait été lancé pour redorer le blason de la « marque France ». Je vous confirme que nous avons pérennisé le dispositif visant à attribuer à la promotion un taux fixe de la recette des visas. Ce taux équivaut à 3 % de cette recette, les montants étant répartis à 75 % vers le financement de la destination France et à 25 % vers le financement des personnels nécessaires à la délivrance des visas. Cela génère quelque 4,5 millions d'euros.

Atout France a ensuite pour mission d'enclencher un effet de levier. Il y parvient parfaitement, sous l'égide de son directeur général Christian Mantei, en mobilisant des acteurs institutionnels et privés auxquels il est demandé de prendre part à cet effort. Un euro octroyé par l'État génère environ deux euros de la part de ces autres acteurs. Ainsi, 13 à 15 millions d'euros seront mobilisés pour le financement de campagnes destinées au grand public, souvent numériques, susceptibles de toucher les clients finaux des principaux pays émetteurs. Aux côtés de la ressource étatique issue des visas, quelque 5,3 millions d'euros sont avancés par des partenaires privés, et 2,7 millions d'euros proviennent d'acteurs institutionnels, parmi lesquels divers comités régionaux du tourisme ou France Montagnes.

S'agissant de l'hébergement touristique, il est évident que, le tourisme étant une économie de l'offre, nous devons être en mesure de proposer des équipements attractifs, qu'ils soient rénovés, réhabilités ou nouvellement créés.

À l'occasion du Conseil interministériel du tourisme du 19 janvier 2018, la Caisse des dépôts et consignations (CDC) a accordé une enveloppe de 500 millions d'euros, devant générer 3 à 4 milliards d'euros d'investissement. Bpifrance double par ailleurs son fonds France investissement tourisme, qui passe de 100 à 200 millions d'euros.

Persistent néanmoins un certain nombre de freins ou de contraintes réglementaires et juridiques expliquant le phénomène des « lits froids et volets clos », que vous connaissez bien – et je vous remercie de votre engagement sur le sujet. Une mission de l'inspection générale des Finances et du Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) est en cours sur l'immobilier de loisirs. D'ores et déjà, un dispositif d'accompagnement en ingénierie a été annoncé sera mis en place par Atout France, en lien étroit avec la Caisse des dépôts, qui est présente sur les territoires. Cette dernière a accepté de consacrer 15 millions d'euros à cette mission, ayant pour enjeu de faire émerger les projets.

Sur certains territoires enfin, les idées ne manquent pas mais peinent à se concrétiser en projets opérationnels. Cette nouvelle structuration devrait permettre de progresser à cet égard. Le 4 juin prochain, entre deux réunions du Conseil interministériel du tourisme, nous réunirons un comité de pilotage afin de faire un point d'étape. Nous serons heureux de vous y associer en tant que rapporteure spéciale et coprésidente du groupe d'études. Ce sera l'occasion d'évoquer un certain nombre de stations de montagne ou du littoral qui bénéficieront d'un soutien en ingénierie pour avancer sur des projets très concrets et porter leur offre au meilleur niveau.

Je suis très preneur de l'exemple autrichien que vous évoquez, madame la rapporteure. N'oublions pas, toutefois, que la dépense fiscale est une dépense en elle-même. Il n'en reste pas moins que certains leviers fiscaux sont parvenus à échéance. Nous devrons en outre évaluer, dans le temps, les conséquences du dispositif en termes d'investissement, sachant que les équilibres sont parfois difficiles à trouver. À cet égard, j'ai à l'esprit divers projets très concrets. Si la Caisse des dépôts, les pouvoirs publics et les collectivités locales ne parviennent pas à trouver des équilibres propres, certains projets pourraient ne pas voir le jour. Compte tenu de la disparition de ces leviers fiscaux, chacun devra assumer ses responsabilités pour atteindre un résultat satisfaisant.

Madame la rapporteure, vous préconisez par ailleurs un allongement à 25 ans de la durée des prêts « hôtellerie ». Cette décision est propre à Bpifrance, au vu du risque des projets considérés. Je n'ai pas connaissance de réglementation ou de contrainte que nous imposerions à cet égard.

Outre le tourisme international, le tourisme de proximité et national est fortement pourvoyeur d'une dynamique, et vous avez raison d'insister sur ce point, madame la rapporteure. D'après les dernières statistiques, 69 % des Français comptent partir en vacances cet été, signe d'un net rebond qui ne peut qu'être favorable pour nos territoires. C'est avec eux que la réponse doit être recherchée. Les comités départementaux et régionaux du tourisme sont en effet plus spécifiquement dédiés à la promotion de cette offre, tandis qu'Atout France est davantage tourné vers l'offre internationale. Le travail doit, quoi qu'il en soit, s'élaborer en commun. Avec le ministre de l'Europe et des affaires étrangères, nous avons d'ailleurs souhaité donner une plus grande place aux collectivités au sein du conseil d'administration d'Atout France. Celui-ci accueillera ainsi non plus un seul mais quatre représentants des régions. L'objectif est qu'Atout France ne soit pas simplement un opérateur de l'État, mais devienne un opérateur national, oeuvrant en faveur du tourisme domestique en collaboration très étroite avec les comités départementaux et régionaux du tourisme, les offices du tourisme et les syndicats d'initiative.

Madame la rapporteure, je ne saurais répondre in petto à votre question sur la prise en compte de la population touristique dans le calcul de la dotation globale de fonctionnement. Cependant, dès lors que le Parlement a demandé a demandé une étude sur le sujet, le gouvernement vous la doit.

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