Monsieur le ministre, le pilotage effectif de la diplomatie d'influence avait constitué un point-clé de mon rapport sur le programme 185 au moment de la discussion du projet de loi de finances pour 2018. Aujourd'hui, je reste quelque peu inquiet. Quelques exemples récents que j'aimerais citer ici l'expliquent. Ainsi, l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) a décidé de supprimer des postes de résidents et d'expatriés pour la rentrée 2018 dans les pays d'Afrique subsaharienne, dont près d'une vingtaine constituent pourtant l'objectif prioritaire de notre aide au développement. Au moment précis où nous annonçons le renforcement de notre soutien à ces pays, ce sont 65 postes de résidents et expatriés sur un peu plus de 1 000 que l'AEFE a décidé de supprimer, contre seulement 46 postes dans l'Union européenne sur un peu plus de 2 000.
Pourtant, nous savons tous qu'un poste supprimé dans une capitale européenne est beaucoup plus facile à remplacer par un contrat direct, à compétences égales, qu'un poste en Afrique subsaharienne. Le problème est que ce choix a été guidé par des critères internes et non coordonnés, plutôt que par des critères diplomatiques.
Autre exemple récent, le ministre de l'Europe et des affaires étrangères a indiqué que la reconstruction de l'université de Mossoul, à l'issue de la guerre, serait une priorité. Nous applaudissons tous cette déclaration. Je suis même convaincu que nous pouvons aller plus loin, et que l'enseignement français et la coopération francophone doivent participer – et participeront fortement – à la reconstruction en Syrie et en Irak, sans doute à partir de notre place forte de l'enseignement et de la culture français que représente le Liban. Celui-ci pourrait faire office de hub francophone dans la reconstruction.
Toutefois, monsieur le ministre, est-il certain que nos opérateurs se mettent d'ores et déjà en ordre de marche pour proposer une offre d'excellence, avec une organisation efficace et des moyens suffisants, dans les mois et années à venir ? J'en doute.
Troisième exemple, le Président de la République a relancé le partenariat mondial pour l'éducation, appuyé par 200 millions d'euros. Il a annoncé le doublement des élèves de l'enseignement français et en français. Il est question de la création d'écoles normales locales. Je crois profondément à ces projets, et je salue le fait qu'ils soient au coeur de notre action diplomatique. Cependant, je ne suis pas certain qu'ils soient coordonnés ni qu'ils constituent le cadre dans lequel la réforme de notre réseau est en train de se construire.
Ce ne sont là que quelques exemples de mon inquiétude quant à la question centrale que je souhaite vous poser, Monsieur le ministre, celle du pilotage et de l'utilisation rationnelle des moyens à notre disposition. Nos deux réseaux principaux, l'enseignement et la culture, sont davantage, aujourd'hui, la consolidation de particularismes que des outils agiles, conscients de leur force, de la force de leurs personnels et des enjeux. Il vient d'être question des EAF. Leur problématique ne se limite pas à leur statut. Qu'est-ce qu'un opérateur en tant qu'ensemblier d'un plan diplomatique et en tant qu'interface ? Puisque nous savons exercer ce rôle d'interface avec Atout France, pourquoi nous n'y parvenons pas avec d'autres opérateurs, sur d'autres sujets ?
Monsieur le ministre, quelle transformation envisagez-vous de ce que j'appellerais la « chaîne de commande » dans le ministère ou dans l'organigramme des opérateurs, pour répondre véritablement aux défis et garantir la réalisation des objectifs, le juste emploi des subventions, la planification pluriannuelle avec les contrats d'objectifs et de moyens, ainsi que le suivi régulier des annonces ambitieuses et du rôle de cette « diplomatie de l'intelligence » ?
Dans le même esprit, enfin, monsieur le ministre, pourriez-vous nous donner des éléments sur les deux réformes en cours ? La première réside dans la fusion de l'Institut et de la fondation Alliance française – car c'est bien là que se situe la solution finale aux EAF. Un rapport devait être rendu par l'ancien ambassadeur Pierre Vimont à ce sujet. Pourrions-nous en avoir communication ? Quelles sont les pistes de réforme ? Comptez-vous y associer des parlementaires ? Comment gérerons-nous la période de transition pour ne pas inquiéter inutilement nos partenaires ?
La seconde réforme, celle de l'AEFE, a été annoncée par le Président de la République et devrait survenir d'ici l'été. À nouveau, je me réjouis de ces annonces et de l'objectif de doubler les capacités de notre enseignement à l'étranger. Je connais votre attachement à la séparation des pouvoirs parlementaire et exécutif, mais je souhaite cependant que les parlementaires y soient pleinement associés, régulièrement, et, surtout, en temps utile. Il nous est parfois difficile d'obtenir les informations ou les documents nécessaires à l'exercice non seulement de notre contrôle, mais encore de notre capacité d'initiative parlementaire.