Intervention de Agnès Buzyn

Réunion du jeudi 31 mai 2018 à 13h45
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé :

Monsieur Saint-Martin, je vous prie d'excuser l'absence de Mme Cluzel, responsable du programme de l'allocation aux adultes handicapés (AAH). La Cour des comptes a montré l'insuffisance des crédits budgétaires afférents à ce programme en 2017. C'est pourquoi nous avons ouvert des crédits supplémentaires, à hauteur de 337 millions d'euros en fin d'exercice. Pour 2018, nous nous sommes assurés d'être au plus près des besoins, avec la budgétisation la plus exacte possible provenant des prévisions de la Caisse nationale d'allocations familiales (CNAF). Pour l'heure, nous sommes en ligne avec les crédits budgétés. En fin d'année il pourrait se manifester une insuffisance d'environ 20 millions d'euros, sur un total de crédits dépassant 9,7 milliards d'euros. Aussi avons-nous atteint un degré de précision assez notable.

J'en viens au programme 204. Monsieur Lurton, vous notez une diminution de dépenses que vous qualifiez « de prévention ». Or ceci tient essentiellement à des effets de périmètre. En effet, nombre de ces dépenses ont été transférées à l'assurance maladie, dans le cadre d'une stratégie de simplification. Rappelons que les sources de financement des agences de sécurité sanitaire et des ARS proviennent pour certaines de l'assurance maladie.

En outre, et comme je l'avais indiqué lors de notre précédente audition lors de la construction du budget, nous changeons de paradigme en matière de prévention. Celle-ci ne saurait se résumer à des budgets de campagnes octroyés aux agences sanitaires, mais doit imprégner le quotidien des professionnels de santé. Dans toute mon action, j'entends financer la prévention dans le cadre des parcours de soins que nous mettons en oeuvre. Je souhaite que les professionnels de santé s'engagent dans la prévention sans qu'elle soit nécessairement portée par des campagnes publiques massives dans les médias. Les messages de prévention seront bien plus efficaces s'ils sont véhiculés par les professionnels eux-mêmes que par des agences sanitaires.

Nous avons quoi qu'il en soit provisionné un fonds de prévention au sein de l'assurance maladie, doté de 100 millions d'euros cette année grâce, notamment, à l'augmentation des prix du tabac. Nous disposons donc de financements pour la prévention. Je n'ai aucunement l'intention de relâcher la pression sur cette politique majeure de santé.

Passons au plafond de ressources fixé aux bénéficiaires de l'AAH. Le Gouvernement souhaite rapprocher le plafond de ressources des couples bénéficiaires de l'AAH et celui des autres minima sociaux, du RSA notamment, en abaissant le coefficient multiplicateur utilisé pour le calcul du plafond de ressources des couples à 1,9 en novembre 2018 et à 1,8 en novembre 2019. Un mode de calcul favorable aux personnes handicapées sera conservé en raison des spécificités de l'AAH et de la prise en charge du handicap. Pour autant, couplé avec la revalorisation exceptionnelle de l'AAH, l'abaissement du coefficient multiplicateur sera a minima neutre pour les couples qui bénéficient actuellement de l'AAH. En effet, le plafond de ressources des couples reste croissant, jusqu'à atteindre 1 629 euros à compter de novembre 2019, pour 1 621 euros aujourd'hui.

Monsieur Hammouche, notre politique relative aux aides sociales est en cours de transformation. Je lancerai notamment, au début de l'été, une stratégie de lutte contre la pauvreté des enfants et des jeunes. Beaucoup d'entre vous ont participé aux groupes de travail afférents en région. Nous avons co-construit cette politique avec les associations, les élus locaux et les personnes concernées. L'objectif est de miser sur l'humain, l'école, la formation ou encore l'accès à l'apprentissage et au travail. L'ensemble des politiques publiques permettra aux personnes de s'émanciper. Tel est l'objectif que nous poursuivons avec cette stratégie, qui sera annoncée très prochainement.

Monsieur Christophe, vous m'interrogez sur l'accès aux médicaments innovants. C'est un sujet que je connais bien. Lorsque je présidais la Haute Autorité de santé (HAS), j'étais extrêmement attentive aux délais de rendu des avis, avec le souci de ne pas retarder l'accessibilité des médicaments. À près de 90 %, les avis sont rendus dans les délais auxquels la HAS est astreinte. Ces délais sont liés aux négociations entre le Comité économique des produits de santé (CEPS) et les industriels. À vouloir les réduire, l'on amoindrirait la marge de négociation du CEPS. Nous avons pourtant besoin de cette négociation pour abaisser le prix de certains médicaments – prix qui s'avère parfois, au départ, sans commune mesure avec les services rendus. Ces délais sont donc malheureusement incompressibles, dès lors que nous voulons préserver la capacité de négociation du CEPS. Pour autant, je tiens à rassurer nos concitoyens : lorsqu'un médicament est réellement innovant et lorsqu'il répond à un besoin non couvert jusque-là, il fait l'objet d'une autorisation temporaire d'utilisation de cohorte. Il est alors accessible environ un an avant son autorisation de mise sur le marché, et il est payé par la solidarité nationale au prix souhaité par l'industriel. La France est le seul pays au monde à procéder de la sorte. Aucun patient français, aujourd'hui, ne pâtit d'un délai d'accès aux médicaments réellement innovants, répondant à un besoin qui n'est pas couvert par un médicament existant.

Monsieur Di Filippo, vous pouvez compter sur moi pour faire des choix, et vous en prendrez bientôt la mesure. Au regard de la maladie d'Alzheimer, j'assume pleinement mon choix de ne plus rembourser un médicament nocif et toxique. Ce déremboursement n'a en aucun cas une motivation budgétaire. Jamais un patient français ne me verra dérembourser un médicament utile. En revanche, il est normal que je prenne mes responsabilités s'agissant d'un médicament ayant été évalué à deux reprises par la Haute Autorité de santé comme nocif pour les malades et n'apportant pratiquement aucun bénéfice. Si je ne suivais pas les avis de la HAS sur les médicaments inefficaces et toxiques, pourquoi le ferais-je pour rembourser les médicaments efficaces ? L'argent qui sera économisé de la sorte par la sécurité sociale sera consacré aux centres Alzheimer et aux équipes qui s'occupent des malades aujourd'hui. Je le répète, ce n'est pas une question financière.

Quant aux stratégies de prévention, monsieur Serville, elles sont réellement financées. Je suis très attentive au centre hospitalier de Cayenne, et vous connaissez mon attachement aux outre-mer. Je me rendrai dans votre territoire cet été. J'y envoie pour l'heure la réserve sanitaire, et la situation devra être résolue.

J'ajoute que les revenus des familles sont pris en compte dans le calcul de la prime d'activité. Celle-ci n'est pas liée aux salaires des personnes, mais bien à l'ensemble des revenus de leur foyer.

Madame Wonner, vous vous êtes exprimée sur le rapprochement de l'AME et de l'assurance maladie. Je reste attachée à ce que le volet contributif, issu des cotisations sociales, reste attaché au financement de l'assurance maladie, et par ailleurs à ce que le volet de solidarité soit financé par le budget de l'État, selon une autre logique. Je ne suis donc guère favorable au rapprochement que vous évoquez.

Madame Bareigts, l'accompagnement des personnes les plus démunies sera mis en oeuvre dans le cadre de la stratégie de lutte contre la pauvreté que nous dévoilerons au début de l'été. Nous avons pour objectif de mettre en oeuvre une politique efficace pour extraire les personnes de la pauvreté. Nous voulons lutter contre ce déterminisme social spécifique à la France voulant que lorsqu'on est pauvre, on reste pauvre.

Madame Dalloz, vous m'avez interrogée sur les projets régionaux de santé et leur financement. Le projet régional de santé de la Bourgogne-Franche-Comté a été co-construit au fil de dix-huit mois de travaux durant lesquels l'ARS a associé l'ensemble des parties prenantes – représentants des professionnels de terrain, des établissements sanitaires et médico-sociaux, des collectivités et des associations de malades – dans le cadre de la conférence régionale de la santé et de l'autonomie. Cette dernière a validé le projet régional de santé de votre territoire. Cette assemblée fédère l'ensemble des acteurs qui ont partagé, pas à pas, la totalité des priorités de ce projet. Je comprends qu'il ne satisfasse pas certains élus, mais il a été largement débattu.

Monsieur Vigier, ma politique de santé sera territoriale. Nous dévoilerons très prochainement la stratégie de transformation du système de santé. Je considère qu'elle doit organiser les territoires pour les mettre en mesure de répondre aux besoins de santé, en prenant en compte les bassins de vie et l'ensemble des professionnels qui y travaillent, qu'ils relèvent du secteur privé ou public, qu'ils soient libéraux ou hospitaliers. Je déploierai une politique volontariste pour répondre aux besoins de santé de nos concitoyens. Je sais à quel point, aujourd'hui, dans les banlieues ou les zones rurales, il est difficile d'accéder à un professionnel de santé. La démographie posera en outre des difficultés dans les années à venir. Les besoins en professionnels de santé n'ont pas été anticipés il y a quinze ou vingt ans. J'hérite de cette situation pour les urgences, les obstétriciens, les anesthésistes ou encore les médecins généralistes. Nous devrons nous organiser, car nous ne pourrons pas faire apparaître de but en blanc 20 000 nouveaux professionnels de santé sur les territoires. Je le répète, nous trouverons l'organisation qui permettra de répondre aux besoins de nos concitoyens.

Enfin, monsieur Castellani, je suis attentive à l'hôpital de Bastia. J'ai d'ores et déjà ouvert des crédits pour la construction des blocs opératoires. Sachez que je suis très attentive aux problèmes d'accessibilité de la santé en Corse, où je me rendrai d'ici l'été.

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