La demande d'asile a baissé en 2017 par rapport à 2016 en Europe. Elle a toutefois augmenté en France, particulièrement à cause des mouvements secondaires dus à des personnes qui avaient été accueillis dans un pays, puis déboutés dans d'assez larges proportions du droit d'asile, et qui ensuite viennent en France. C'est une des raisons qui expliquent pourquoi nos prévisions de départ ont été faussées, et pourquoi les budgets ont sensiblement augmenté par rapport aux prévisions.
En 2017, la demande d'asile a été de 198 300 en Allemagne, de 126 000 en Italie, en France elle s'est traduite par 115 000 arrivées devant le guichet unique. Cette augmentation est un peu plus importante dans la mesure où nous avons réduit les délais, et que de ce fait les demandes augmentent ; auparavant ils se trouvaient dans les structures de premier accueil des demandeurs d'asile (SPADA) et on ne les comptabilisait pas. Un effet « gestion » a ainsi été créé, ce qui est plutôt positif du point de vue de l'organisation, mais se traduit par une consommation des crédits plus importante.
Je rappelle que, sur 115 000 personnes se présentant au guichet unique, 41 442, relèvent du règlement « Dublin ». Pour ce qui concerne l'OFPRA et la CNDA, les décisions positives prises l'année dernière se sont élevées à 31 734, soit un taux de 36 %, et le délai moyen d'instruction, CNDA comprise, a été d'un an et deux semaines. Vous savez que nous nous sommes engagés à réduire la durée de l'examen à six mois : c'est un challenge important que nous allons, je l'espère, relever ensemble.
Pour ce qui concerne les trois premiers mois de l'année 2018, je vous indique quelles étaient les principales nationalités d'origine des demandeurs : en tête l'Afghanistan avec 2 054 personnes, puis l'Albanie avec 1 282 personnes, la Guinée avec 1 099, la Côte d'Ivoire avec 1 067, puis la Géorgie avec 933. Le phénomène est intéressant, car un certain nombre de personnes, qui sont aujourd'hui dispensées de visa, viennent demander l'asile, ce qui crée évidemment une difficulté.
Tel était le cas des Albanais, mais nous avons commencé à prendre des dispositions et, sur les trois premiers mois, même si les personnes d'origine albanaise sont encore en seconde position, nous constatons une diminution de 37,5 % par rapport aux trois premiers mois de l'an dernier. On voit donc que les discussions que nous avons avec certains pays d'origine portent leurs fruits. En revanche, depuis quatre ou cinq mois, l'obligation de visa a été levée pour les Géorgiens, ce qui nous vaut d'avoir vu 933 Géorgiens arriver sur notre sol.
L'année dernière, nous avons éloigné 18 157 personnes, et au cours des quatre premiers mois, nous avons éloigné 10 901 personnes soit plus de 25 % par rapport aux quatre premiers mois de l'année dernière, dont 4 996 contraints, c'est-à-dire plus 10 %. En effet, l'an dernier, 85 000 non-admissions ont été prononcées au cours des quatre premiers mois. Nous comptons 22 966 décisions de non-admission, ce qui représente une baisse de 8 % avec une demande encore forte du côté italien, et une demande – qui, à mes yeux constitue une embellie temporaire – qui a plutôt été en baisse du côté de l'Espagne. Mais les chiffres montrent un déplacement du parcours migratoire, et beaucoup de personnes qui aujourd'hui ne passent plus par Agadez et la Libye, essaient de passer par une autre route, ce qui augmente les arrivées en Espagne, et laisse augurer d'un effet rebond en France.
J'ai par ailleurs été interrogé au sujet des impasses que nous avons connues sur le budget pour 2018.
En premier lieu, les prévisions portant sur le nombre de demandeurs d'asile et de migrants susceptibles d'arriver en France étaient optimistes. En 2017, nous avions tablé sur une augmentation d'environ 10 %, or nous avons vu arriver dans les GUDA plus de 22 % de personnes supplémentaires, chiffre toutefois tempéré par la mise en oeuvre de la modification des procédures que j'ai évoquée. Nous nous attendons à rencontrer les mêmes difficultés en 2018, car nous estimons – mais ce n'est pas une science exacte – que la progression sera de 17 %, ce qui se traduira par un coût d'environ 34 millions d'euros.
Ensuite, le Conseil d'État a considéré que le pécule attribué aux demandeurs d'asile était insuffisant, et nous a intimé de l'augmenter. Nous avons dû répondre à cette injonction dès le 1er juin, dont le coût s'élève à 12,4 millions d'euros. Par ailleurs, la grève menée à la CNDA nous a coûté environ 15 millions d'euros en nous contraignant à reporter un certain nombre de décisions.
S'agissant de la baisse de la durée de traitement des dossiers, elle a permis de passer de 120 à 60 jours pour l'OFPRA à la fin de l'année. De son côté, la CNDA connaîtra une baisse de ces délais à la fin de l'année, car nous avions attribué 35 équivalents temps plein (ETP) à l'OFRA et 51 postes supplémentaires à la CNDA, mais tous n'ont pas été engagés. Si tous les postes ne sont pas pourvus, nous ne réduiront pas à réduire les délais de traitement des dossiers comme nous le souhaiterions. Nous estimons donc l'ensemble de ces dépenses à 27 millions d'euros.
Par ailleurs, nous avions établi des prévisions budgétaires sur le mois de carence ; l'Assemblée nationale en a décidé autrement, ce qui nous a coûté 9 millions d'euros. De son côté, le Conseil d'État nous a enjoint d'installer des sanitaires et des douches à Calais et Dunkerque ; opération dont le montant s'est élevé à 6 millions d'euros.
La transformation du dispositif d'asile, la création des CAES, et le fait que nous n'avons pas pu fermer certains CAO, qui sont plus coûteux, revient à 4 millions d'euros ; enfin la création des places de CADA coûte 10 millions d'euros.
L'hétérogénéité des dispositifs d'hébergement a été soulignée par plusieurs d'entre vous. Lorsque l'on considère l'histoire de la création de chacun de ces modes d'accueil, on réalise que rien n'a été pensé dans la durée, mais réalisé au fur et à mesure que les circonstances l'exigeaient ; ce qui explique cette grande disparité. Je rappelle qu'une nuitée en CAO coûte environ 25 euros, contre 17 euros en HUDA, 15 euros à l'accueil temporaire service de l'asile (ATSA), 19,5 euros en CADA, et entre 40 et 60 euros en CHUM.
Ce sont bien entendu des problématiques auxquelles nous réfléchissons, et nous essayons aujourd'hui de généraliser et d'homogénéiser le dispositif d'accueil à partir d'un modèle du type CAES, qui nous permettra de faire l'accueil ainsi que l'évaluation, ce qui constituera un considérable gain de temps. Nous travaillons en particulier sur les CHUM, en tâchant d'opérer de manière différente.
Comme vous le savez, ces centres sont surtout situés en Île-de-France et, de ce fait, les coûts sont relativement importants. La demande d'asile est en effet localisée à 34 % en Île-de-France, ce qui explique les problèmes que nous connaissons. J'ai donc demandé un bilan très précis des opérations que nous avons réalisées ces derniers jours afin de savoir combien de personnes étaient concernées. Ensuite, j'ai observé comment, après l'hébergement temporaire dans les gymnases, les intéressés étaient répartis sur le territoire de manière à ce que nous ne connaissions plus les mêmes difficultés.
En France, l'hébergement est assez concentré dans un certain nombre de régions, il convient donc de mieux le répartir. C'est pourquoi nous souhaitons appliquer un mécanisme de répartition sur le territoire comparable à celui qui est pratiqué en Allemagne. Dans l'Est de la France ou le Pas-de-Calais, il y a beaucoup plus de demandeurs d'asile que dans bien des départements, qui comptent assez peu de places d'hébergement.
En ce qui concerne les dépenses d'investissements nécessaires à la remise en état des centres d'hébergement, je ne suis pas opposé à une programmation pluriannuelle, mais cela signifie que, dans le prix que l'on fixe, ce sont les intéressés qui assurent l'entretien des lieux dans lesquels ils hébergent. Car le prix est calculé en fonction du coût de l'hébergement, mais aussi de celui des travaux d'investissement, voire, et c'est une question quelquefois soulevée, de celui des moyens de transport nécessaires pour aller au GUDA et à la préfecture. Tout ceci fait donc partie du forfait négocié avec les associations, qui sont les opérateurs.
Voilà ce que je pouvais vous dire sur ce point. Il me reste à préciser que le taux d'occupation des CAES est de 70 %.