Le rapport qu'Émilie Cariou et moi-même présentons ce soir concerne les programmes Économie et développement durable des entreprises agricoles, agroalimentaires et forestières et Conduite et pilotage des politiques de l'agriculture, ainsi que le compte d'affectation spéciale Développement agricole et rural (CASDAR). En revanche, il ne porte pas sur le programme Sécurité et qualité sanitaire de l'alimentation que Michel Lauzzana traitera tout à l'heure.
Je rappelle que la majorité des crédits publics pour l'agriculture sont en dehors de la mission puisque, d'une part, le concours de l'Union européenne atteint 9 milliards d'euros et que, d'autre part, trente-six dépenses fiscales sont rattachées à ce budget, toutes inscrites au programme 149 pour un montant de 2,7 milliards d'euros. Nous aborderons en premier lieu l'exécution, pour 2017, de la mission et du CASDAR et, en second lieu, nos travaux d'évaluation qui porteront sur deux sujets : l'agriculture biologique et la politique agricole commune.
Je commence donc par l'exécution ou plutôt la nette surexécution du budget : 4,6 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et en crédits de paiement (CP) ont été consommés en 2017, ce qui dépasse de près de 40 % l'autorisation initiale. Ces chiffres confirment la progression de 20 % pour la mission depuis 2012 mais ils masquent aussi d'importantes fluctuations à la hausse ou à la baisse durant ces dernières années. Les hausses constatées au cours de l'année 2017 sont principalement le fait de deux décrets d'avance et de la loi de finances rectificative (LFR). Le programme 149 représente 72 % de la mission depuis la fusion des programmes relatifs à l'économie agricole et à la forêt. Nous devons bien constater que la précédente majorité avait fondé ses prévisions sur des hypothèses clairement optimistes et fait le choix de ne pas inscrire au budget l'intégralité des refus d'apurement européens pourtant déjà connus ou prévisibles. La somme engagée et payée en 2017 est de 721,1 millions d'euros, c'est-à-dire un record depuis 2009. Enfin, nous nous félicitons de l'excédent de 4,5 millions d'euros du CASDAR, dont les recettes augmentent et les dépenses diminuent – il soutient notamment les chambres d'agriculture et les projets innovants, utiles à la compétitivité du pays.
J'en viens aux deux thèmes que nous avons retenus dans le cadre de ce « printemps de l'évaluation ». Le premier, je l'ai mentionné, porte sur l'agriculture biologique. Cette dernière bénéficie d'une importante dynamique avec, entre 2015 et 2016, 12 % de producteurs supplémentaires, 9 % de transformateurs supplémentaires, 11 % de distributeurs et 40 % d'importateurs, pour un total de 7,3 % des surfaces agricoles et 10,8 % de l'emploi agricole. Le projet de loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine et durable (« EGALIM »), voté par l'Assemblée et sur le point d'être examiné au Sénat, traduit l'ambition du Président de la République, du Gouvernement et de la majorité parlementaire pour une agriculture biologique ambitieuse et une complémentarité réussie avec l'agriculture conventionnelle et à haute valeur environnementale.
En outre, de nombreuses initiatives de terrain sont intéressantes, comme le lancement de l'association « Manger bio ici et maintenant », ou la convention entre la Fédération nationale d'agriculture biologique et la direction générale de l'enseignement et de la recherche du ministère de l'agriculture et de l'alimentation, dont nous souhaitons la mise en oeuvre le plus vite possible. Toutefois, nous nous posons plusieurs questions sur le financement de la filière. Certes, les subventions à l'Agence française pour le développement et la promotion de l'agriculture biologique, dite « Agence Bio », opérateur de l'État, sont quasiment stables à 5,4 millions d'euros ; en revanche, il a été mis fin aux aides au maintien des exploitations en agriculture biologique, afin de concentrer l'effort sur les aides à la conversion. Les conséquences de cette décision ne peuvent encore être mesurées puisque le versement des aides accuse un retard important et que les conseils régionaux, autorité de gestion des fonds structurels européens, pourront adopter des stratégies différentes. Il conviendra cependant de veiller à ce que les critères de hiérarchisation retenus par les régions soient moins un outil de régulation budgétaire qu'un instrument au service d'une stratégie de développement agricole locale.
Nous retenons par ailleurs trois points d'alerte. Pour ce qui est du transfert du premier au seocnd pilier de la politique agricole commune (PAC), l'agriculture biologique n'est concernée que pour 45 millions d'euros pour un total de 625 millions d'euros. Ensuite, les discussions avec les régions sur la participation des agences de l'eau doivent prendre en considération la capacité financière probablement insuffisante de ces dernières. Enfin, il faudra bien suivre l'effet du report vers le crédit d'impôt.
Nous suggérons d'indemniser les exploitants de la filière bio dont la production est contaminée par la chimie de synthèse provenant des parcelles conventionnelles voisines, production qui risque un déclassement, et de doubler la redevance pour pollution diffuse en en affectant le produit de façon plus explicite à l'agriculture biologique.