Intervention de Michel Lauzzana

Réunion du mercredi 6 juin 2018 à 21h30
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Lauzzana, rapporteur spécial pour la sécurité alimentaire :

Le programme 206, Sécurité et qualité sanitaire de l'alimentation retrace, au sein de la mission Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales, la politique qui vise à garantir la qualité et l'état de salubrité des végétaux, des animaux et des aliments destinés à la consommation. La direction générale de l'alimentation (DGAL), rattachée au ministère de l'agriculture et de l'alimentation, est chargée de l'exécution de ce programme.

Un protocole d'accord signé un 2006 organise la répartition des compétences entre les différentes administrations intervenant dans la politique de sécurité alimentaire : la DGAL, la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), qui dépend du ministère de l'économie et des finances, et la direction générale de la santé (DGS), agissant pour le compte du ministère des solidarités et de la santé.

La politique de sécurité et de qualité sanitaire de l'alimentation est doublement stratégique : d'abord, la politique de sécurité alimentaire garantit, dans le cadre de la réglementation européenne, la qualité de l'alimentation des 67 millions de Français en assurant la sécurité sanitaire de la production, de l'importation, de la transformation et du transport des aliments jusqu'à la mise à disposition auprès du consommateur ; ensuite, les services compétents pour assurer la sécurité alimentaire sont soumis à une obligation constante de réactivité – comme l'a récemment illustré la crise, en décembre 2017, des laits infantiles produits par la société Lactalis, laquelle crise a conduit à la création, par l'Assemblée, d'une commission d'enquête.

Toutefois, l'action de l'administration pour l'exécution du programme 206 s'opère dans un contexte budgétaire particulier, largement, décorrélé, depuis quelques années, du montant des crédits votés en loi de finances initiale. En réalité, les crédits votés correspondent à un plancher de dépenses et les crédits consommés fluctuent à la hausse en suivant les crises sanitaires avec, depuis plusieurs années, des crises graves : qu'il s'agisse de l'influenza aviaire, qui a donné lieu à l'indemnisation pour l'abattage des élevages, de la fièvre catarrhale ovine (FCO) ou encore de la lutte contre la bactérie xylella fastidiosa en région Provence-Alpes-Côte d'Azur (PACA). Les crédits votés en loi de finances initiale anticipent de moins en moins le poids des crises sanitaires pourtant récurrentes.

Les crédits du programme 206 prévus par le projet de loi de finances pour 2017 étaient de 505,6 millions d'euros, alors que ce sont finalement 625,6 millions d'euros qui ont été consommés, soit une augmentation de 24 %. Or déjà pour l'exécution du budget de l'année 2016 les crédits consommés relevant du programme 206 étaient plus importants de 13,6 % par rapport aux crédits votés.

La Cour des comptes soulève les risques de soutenabilité dans sa note d'analyse de l'exécution budgétaire, tout en reconnaissant la part d'aléas que constituent les crises sanitaires. Cette surconsommation est surtout le fait de la gestion des maladies animales et correspond aux conséquences des deux crises sanitaires majeures auxquelles je viens de faire allusion. Évaluées à 62 millions d'euros, les dépenses liées à l'influenza aviaire se répartissent entre frais d'analyses, dépenses d'élimination des animaux infectés et frais d'indemnisation aux producteurs. L'impact financier de cette crise correspond donc au montant de la subvention de service public versée par le ministère de l'agriculture à l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES). Surtout, cette augmentation de la consommation budgétaire est le fait d'un refus d'inscrire des dépenses pourtant inévitables. Aucun crédit, par exemple, n'avait été ouvert pour le contentieux sur les retraites des vétérinaires sanitaires alors que le nombre de dossiers concernés étaient connu, pour un montant total de près de 66,6 millions d'euros. Je rappelle d'ailleurs, à cet égard, que le contrôleur budgétaire et comptable ministériel avait émis un avis défavorable sur le programme 206.

Je souhaite également évoquer la situation de l'ANSES, principal opérateur du programme 206. Cette agence poursuit la mise en oeuvre de nouvelles missions qui lui ont été confiées depuis 2014 : la gestion des autorisations de mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques, la mise en place d'un dispositif de pharmacovigilance puis, en 2016, les activités de vigilance des centres antipoison de l'évaluation des produits de tabac et de vapotage. Les représentants de l'ANSES ont d'ailleurs précisé, lors de leur audition, que la situation financière de l'agence était « saine, [que] l'exécution budgétaire [était] conforme aux prévisions, [et que] l'agence dispos[ait] d'un dispositif de soutien financier réel », même si « le poids des missions [était] en augmentation constante ». Le résultat d'exploitation en 2017 est de 2,93 millions d'euros.

J'en viens à l'exécution budgétaire de 2017 et plus précisément à l'enchevêtrement des compétences administratives et scientifiques en matière de sécurité alimentaire. L'éclatement de responsabilités entre trois ministères, l'agriculture, les finances et la santé, nuit parfois à l'efficacité des actions menées dans la gestion des crises, cela en dépit de l'existence d'une instance de coordination. Que pensez-vous, monsieur le ministre, de l'idée d'instituer un chef de file si le passage à une direction unique n'apparaissait pas nécessaire ? Le rapport du Sénat de février 2017 soulignait déjà le fractionnement de la responsabilité du contrôle de la sécurité sanitaire, les administrations compétentes intervenant à plusieurs reprises tout au long de la chaîne alimentaire. La répartition des compétences administratives n'est pas fondée sur des considérations fonctionnelles, mais est le simple produit de l'histoire. Ainsi, pour la crise Lactalis, la DGCCRF, direction du ministère des finances, est compétente pour les laits infantiles, mais c'est la DGAL, relevant du ministère de l'agriculture, qui est responsable du suivi de l'hygiène dans les établissements de fabrication des aliments de nutrition infantile.

D'abord, depuis près de trois ans, la surexécution du programme 206 résulte principalement des crises sanitaires. Aussi ne serait-il pas nécessaire d'en tenir compte dans la loi de finances initiale et d'ainsi tendre vers une véritable sincérité budgétaire ? En particulier, la provision pour aléas, inscrite pour 300 millions d'euros dans la loi de finances pour 2018 sur le programme 149, a-t-elle déjà fait l'objet d'une consommation de crédits en 2018 ?

Ensuite, l'ANSES est l'un des principaux opérateurs du programme. Si sa situation budgétaire est saine, le nombre des missions qui lui sont confiées ne cesse de croître et cet empilement de tâches est nuisible à son efficacité. Pourquoi ne pas rationaliser ses compétences afin qu'elle puisse se concentrer sur son domaine d'expertise ?

Troisièmement, la crise Lactalis de décembre 2017 est un exemple marquant des difficultés liées à la complexité et à l'enchevêtrement des compétences administratives en matière de sécurité sanitaire. Le fractionnement de la responsabilité et du contrôle entre trois directions conduit à des ruptures informationnelles incompatibles avec la réactivité qui s'impose en la matière. N'est-il pas temps de réorganiser les structures administratives chargées de la sécurité alimentaire en créant une structure unique qui mettra un terme au millefeuille administratif ou, tout au moins, n'est-il pas temps de conférer un véritable rôle de chef de file à la DGAL avec pour but une meilleure information du public en mettant en place une plateforme unique d'information du consommateur ?

En effet, face à ces dysfonctionnements, si nous voulons mener une politique ambitieuse de sécurité alimentaire, il nous faut également faire évoluer nos instruments budgétaires. L'éparpillement des crédits liés à la sécurité alimentaire dans plusieurs programmes et missions est source de complexité. J'appelle donc de mes voeux la création d'un véritable programme relatif à la sécurité et à la qualité alimentaires, qui inclurait toutes les composantes de la chaîne alimentaire, de la production à l'indemnisation, en passant par la distribution. Afin d'en percevoir tous les enjeux, ce sujet sensible doit être traité dans un programme unique. Nous gagnerions ainsi en lisibilité et, j'en suis convaincu, en efficacité.

Quatrième point : une partie des crédits du programme est consacrée à la stratégie pour le bien-être animal. Le projet de loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine et durable entend aggraver le délit de maltraitance animale. Pouvez-vous exposer la politique du Gouvernement en la matière ?

Enfin, cinquième et dernier point, je souhaite revenir sur deux indicateurs. Pour ce qui est de l'indicateur intitulé « Promotion de comportements favorables à une alimentation diversifiée et équilibrée », le taux d'élèves bénéficiant de l'action « Un fruit pour la récré » diminue depuis 2013, et l'année 2017 confirme cette tendance puisqu'il stagne à 4 % contre une prévision de 13 %. La pédagogie constitue pourtant un axe important de la politique de sécurité alimentaire. Quelles mesures entendez-vous prendre afin de favoriser cette action essentielle pour la sensibilisation à une alimentation diversifiée et équilibrée. Second indicateur, le taux de « recontrôle » à la suite d'une mise en demeure s'élève à 70 % en 2017, contre une prévision de 95 %. De la même manière, le taux de suivi renforcé des établissements agréés ayant fait l'objet d'une inspection défavorable est de 80 % contre une prévision de 95 %. Il semblerait que la mise en place du nouveau système d'information d'enregistrement des inspections (RESYTAL) soit à l'origine de ces deux sous-réalisations. Où en est-on de la mise en place de ce nouveau système ? Les problèmes sont-ils résolus ?

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